39 - Comme une famille

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Chapitre 39 : Comme une famille

- Combien de fois dois-je te rappeler que nous passons dans vingt minutes ?

- Autant de fois qu'il le faudrait pour que je me convaincs qu'on a réussi.

Céleste sourit à son partenaire, qui le lui rendit. Le couple patientait sur le côté de la piste, et tentait de masquer la tension naissante en s'envoyant des piques, activité qui les détendait selon eux. Depuis l'épisode avec Aubray, dans la cafétéria, beaucoup de changements avaient opéré dans sa vie. Il avait tenu sa promesse et avait exigé dès le lendemain, une conférence de presse exclusive. Des journalistes en masse et un scoop qui dépassait de loin leur espérance, le monde du patinage artistique venait de subir un sacré coup de massue. Un mois avait filé, et les grandes instances ne savaient qui croire, d'autant plus que les deux parties avaient des preuves accablantes. Elles n'avaient pas pu conserver la mesure prise contre elle, et ils étaient de nouveau autorisés à être présents et à concourir à cette compétition. Aubray en avait payé les frais, il avait été pour le moment temporairement exclu de la patinoire, mais Ducastel aussi. Ils avaient nommé un homme auparavant dans les finances ; elle doutait de son efficacité, mais à moins de problèmes majeurs, elle ne devrait pas le rencontrer. C'est ainsi, que durant ce mois de décembre, le couple se retrouva à participer à la dernière compétition entre tous les patineurs de son département pour faire ses preuves et se qualifier au régionale. De son temps d'athlète individuelle, ces compétitions étaient devenues un cours comme un autre, elle s'y rendait, oubliant parfois que c'était une réelle compétition. Et quelques fois, son classement à l'européenne l'exemptait de championnat aussi petit et la qualifiait directement pour le national.

Mais c'était très différent maintenant, elle avait compté les jours qui la séparait de cet évènement et répétait inlassablement les postures à adopter. Ils prenaient parfois sur leur temps libre pour réviser les sauts, véritable bête noire de Conrad sur glace, et se faisait très souvent aider par Florence et Esther. Si près du but, après des heures à défendre ce que Aubray avait commencé, elle ne pouvait tout simplement pas échouer. Enfin, perdre si on écoutait Eden. Ce dernier l'avait d'ailleurs sévèrement réprimandé d'avoir utilisé son père pour parvenir à ses fins, mais elle lui avait très justement rappelé que l'autre sens ne provenait pas de son imagination, et qu'il l'avait vraiment fait. Avant, monter sur un podium était une envie profonde, qui la rassurait, mais c'était devenu un besoin, une obsession, gravir les marches signifiait se qualifier pour une compétition d'une plus grande envergure. Les deux adolescents l'avaient saisi, le regard affûté de leur coach traquait les erreurs de leurs adversaires et les leur colportait. Félix avait pris une place essentielle dans son coeur, ils avaient drastiquement augmenté les séances pour que la performance qu'ils allaient livrer dans quelques minutes soient à leur hauteur et le fait de passer autant de temps ensemble, rassemblait. Elle avait manqué, de surcroît, plus de vingt heures de cours, mais elle comptait les rattraper dans la semaine. Le lycée lui plaisait réellement, le programme était intéressant, mais vivre de sa passion exigeait des sacrifices dont elle avait conscience.

Leur niveau n'avait pas considérablement évolué, le groupe reprenait sans cesse les figures de base pour les maîtriser sans jamais chuter, et ne discutait pas de tenter des nouveaux éléments. Le besoin de dominer leurs adversaires n'était pas encore ce que la jeune fille considérait comme leur priorité, elle avait mieux à faire. Néanmoins, le seul saut qui contredisait l'envie de nouveauté, était le double Axel lancé. C'était un objectif si jamais Céleste parvenait à plaider son cas, apprendre cette figure qui lui avait valu, un jour, un hématome de la taille d'une pastèque. Autant rentabiliser ces blessures en commençant à savoir le faire. Les premiers essais, après une période de vide à ce niveau, étaient tout simplement laborieux, mais elle ne perdait pas espoir. Un des avantages de ce scandale, elle avait continué d'y croire, coûte que coûte, et n'avait jamais baissé les bras devant l'obstacle. Elle en ressortait plus grandie et plus mature en un sens, avec un solide bagage sur le monde qui l'entourait. Dissimuler la vérité était une nécessité et préserver les apparences était tout aussi vital que respirer.

Le Revers de la MédailleWhere stories live. Discover now