2 - Cohésion d'équipe

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Céleste

Céleste Haase slalomait entre les personnes déjà présentes dans l’enceinte de la patinoire afin d’accéder à la salle d’entraînement. Tous les jours, le réveil sonnait à cinq heures quarante-cinq pour être à l’heure et ne pas mettre de mauvaise humeur Ludmila. Ses yeux étaient encore bouffis de sommeil mais elle les frotta pour tenter de faire disparaître la fatigue omniprésente sur son visage. Si sa coach constatait des traces d’épuisement, elle doublait les efforts pour lui apprendre ce que c’était d’être harassée. Elle se dévisagea à travers le miroir pour faire une queue-de-cheval de sa chevelure blonde et se mit à pincer la peau de son ventre en se disant qu’elle pourrait sauter le repas du matin. Céleste gardait en mémoire les propos blessants de l’un de ses anciens entraîneurs, et replongeait parfois dans des périodes plus douloureuses au niveau de la nourriture. Elle était particulièrement grande pour une patineuse, qui ne dépassait que très rarement le mètre soixante-cinq, et extrêmement svelte. Ludmila ne savait que faire de ce corps élancé lors de certains de ses programmes.

Une fois son jogging et son tee-shirt enfilé, elle commença ses exercices de cardio, sans attendre l’approbation de sa coach. Cette dernière lui aurait très certainement reprochée de ne pas l’avoir attendu ou que sa posture n’était pas suffisamment gainée mais seule, elle n’avait pas ce problème. Le problème incluait la récente accusation de journaux, notamment un qui était affilié à la fédération française, et la vision des gens qui avait drastiquement changé à son égard, dont ses proches. En plus, c’était survenu dans les jours qui avaient suivi son sacre comme championne du monde, ce qui avait très largement balayé ses efforts vains. Elle avait largement remporté la compétition, mais les soupçons qui pesaient sur elle limitait l’euphorie qu’elle aurait dû ressentir. Elle vouait une haine sans pareille aux journalistes qui avaient osé écrire et partager un tel mensonge, mais l’un d’eux étaient au dessus de tout. Ce journaliste n’était certainement pas innocent et était probablement à la tête de ce réseau de ceux qui la croient capable de se doper. Son air narquois lui avait semblé coupable et elle en était persuadée. Son cerveau bouillait d’informations distinctes et contradictoires.

- Cette affaire ne doit pas t’empêcher de faire les exercices que je te donne, sermonna fermement Ludmila.

En effet, à réfléchir à des solutions qui ne venaient pas, elle n’avait pas remarqué que sa position en planche était retombée au sol.

- On va faire comment Mila ?

Ce surnom remontait à des années, quand elle ne parvenait pas à prononcer le prénom entier de son entraîneuse, ses parents avaient décidé de lui enseigner ce diminutif. La jeune fille l’avait néanmoins abandonné au fil du temps, mais il lui revenait de façon instinctive dans les moments critiques où elle se sentait dépassée. Sa voix était sur le point de dérailler par des sanglots qu’elle retenait difficilement. Céleste a toujours eu la force de cacher ses sentiments, c’était une règle d’éducation importante chez-elle, mais être le centre d’attention pour une sordide histoire de dopage n’était pas dans ses cordes. Ludmila a toujours été la seule à apercevoir la petite fille brisée en elle. Cette dernière lui adressa une tape sèche, et lui jeta un regard pénétrant pour lui intimer de se remettre à travailler.

- Nie tout. Tes parents vont engager des avocats spécialisés. Ils s’en chargent et toi, tu patines.

- Tout le monde me dévisage maintenant. Même Jacques m’a lancé un regard noir !

Jacques était l’agent de sécurité qui surveillait les abords de la patinoire, et c’était un véritable papy gâteau. Ils se connaissaient depuis onze et si elle ne devait citer qu’une personne capable de croire en l’amour éternel, c’était bien ce soixantenaire. Il avait la faculté de rester étonnement calme et elle ne l’avait vu que deux fois en colère : lors d’une séance publique où ses amis et elle avaient jugé bon d’exécuter des sauts, pour un stupide défi alors que les règles l’interdisaient, et une fois car Céleste se battait de manière assez violente avec un garçon un peu plus grand qu’elle.

Le Revers de la MédailleWhere stories live. Discover now