3 - Un doute bouleversant

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Elijah

Elijah O’brian traînait sa lourde valise aux couleurs des États-Unis sur une rue pavée de la ville déserte. Le bruit des roues qui lui parvenait jusqu’à ses oreilles étaient à la fois insupportable et s’apparentait pourtant à une berceuse pour enfants piaillards. Le matériel à l’intérieur était particulièrement fragile mais aucun de  ses collègues n'étaient en mesure de la porter à bout de bras. La gare dans laquelle le groupe se tenait immobile et silencieux, était reculée de leur lieu de résidence pour la nuit, mais aucun véhicule ne rôdait dans les alentours et ils étaient dans l’obligation de s’y rendre à pied, bien que le soleil soit couché depuis longtemps. Le trajet depuis Paris avait été éprouvant et il n’avait qu’une hâte : se coucher dans un lit confortable. Il suivit le mouvement de ses collègues qui se dirigeaient vers l’avenue principale et râla par automatisme, la ville avait des allures de villages alsaciens et était mignonne. Seules dix milles âmes peuplaient cette ville, et Elijah eut un sourire, Paris était bien plus imposante mais il devait reconnaître le charme de l’est.

Le voyage avait été organisé par la fédération, et il n’avait pas le temps de profiter de la vue. Ce n’était pas un séjour touristique, et la cadence de ses collègues lui rappela sa mission. Le directeur de l’une des patinoires les plus influentes du pays avait accepté de leur accorder une interview exclusive avec Céleste en invité, qui révélerait des informations dont personne ne disposait encore. Thomas penchait sur l’annonce de sa retraite et lui imaginait davantage un moyen de la prolonger, contournant ainsi les règles, elle était suffisamment futée et entourée de personnes intelligentes pour y penser. Louise devait effectuer son rôle de mère même au travail, et intervenait dès que les deux hommes étaient en désaccords. Elijah trottait derrière ses collègues, et contemplait avec admiration le bourg vide, illuminé à l’aide de lumières.

L’entretien l’angoissait car il pouvait être l’élément déclencheur pour continuer sur la même affaire avec désormais un nom, et était un moyen d’en connaître plus sur cette psychologie fascinante des sportifs, et en particulier cette jeune fille. Son choix pour l’université s’était divisé en deux domaines : des études de psychologie spécialisée dans le monde du sport ou celles de lettres qui le conduisaient ensuite à une école de journalisme. Il avait finalement choisi la deuxième option, bien que la première soit un de ses regrets. Son objectif final était d’écrire des articles mêlant les scandales et les explications de ces derniers. Il se souvenait de son enfance passée à tenter d’élucider les affaires de dopage avant les grands enquêteurs, où il prenait des feuilles blanches et faisait le point sur les informations.

- Elijah ? Comment s’appelait le gîte déjà ?

- Majore’s Cottage, lui répondit-il en fixant une fontaine au loin.

Ses collègues lui lancèrent un regard dubitatif, et firent des allers-retours entre Elijah et un bâtiment. Puis l’un d’eux laissa échapper un rire, et tout le monde l’imita.

- Pense à désactiver le mode anglais de Google, tu vas réussir à nous perdre toi.

Elijah fronça les sourcils, le regard empli d’incompréhension.

- Le nom, c’est gîte de Marjorie en français, lui expliqua discrètement Marc.

Il émit un grognement sourd mais remercia tout de même Marc, le seul qui s’était soucié de lui. Il prit le temps d’observer les lieux et particulièrement la bâtisse qui s’élevait sur trois étages. Cette dernière était suffisamment imposante pour qu’il se recule afin de prendre une photo pour l’immortaliser dans son entièreté. Du lierre envahissant occupait la façade et contournait les gouttières pour s’engouffrer entre l’une d’elle et le mur, et des fleurs longeaient l’allée centrale qui menait à la porte d’entrée. Des colonnes de bois sortaient du mur et renforçaient le charme alsacien, accentué par la forme biscornue des maisons. Le village tirait son inspiration de la région voisine. Il apprit par ses collègues que le nom exact de cette construction était maison traditionnelle à colombages.

Le Revers de la MédailleWhere stories live. Discover now