11 - Le pion

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Céleste Haase balança ses jambes, assise distraitement dans la salle d’attente du centre médical que possédait la patinoire. Cet édifice contenait son propre hôpital ambulant pour les soucis de santé du type blessure qui nécessitait un plâtre où une attelle, une cafétéria digne des grandes compagnies puisqu’elle s’étalait sur plus de soixante mètres carrés, et des salles qui servaient pour la scolarité des espoirs. Céleste avait refusé, préférant sociabiliser avec des personnes non-sportives, pour changer d’environnement, mais devait concéder que l’année prochaine, elle ne pourrait pas tenir ce rythme-là et travaillerait dans ces bulles en verre géantes. Généralement, les élèves s’y trouvaient par groupe de cinq au maximum, de la même tranche de niveau, ainsi certains lycéens, par manque de temps, recommençaient avec des collégiens quant à eux plus avancés. Un enseignant les encadrait, mais il les laissait plus ou moins le choix de ce qu’ils désiraient faire, même si parfois, il imposait certaines disciplines, notamment les mathématiques, matière redoutée par une majorité d’élèves.

Céleste ne partageait pas cet avis, les mathématiques, comme le patinage, lui donnait une rigueur nouvelle qui la forgeait et l’obligeait à être appliquée dans les domaines qu’elle entreprenait. Parfois, les calculs lui prenaient la tête, et dans ce cas-là, elle les mettait de côté pour effectuer des sauts d’une difficulté terriblement complexe. A son retour, sa tête, remplie de bonheur et de sérieux, ne réfléchissait plus à la méthode à suivre et les écrivait, prise dans le tourbillon de la résolution. Tout ne lui venait pas, il fallait être honnête, elle ne rattrapait pas tous les cours, faute de temps et d’énergie, et avait des blocages sur des rédactions évidentes pour les autres. Ses professeurs le lui pardonnaient toujours, ils étaient tous impressionnés par le caractère battant de cette jeune adolescente, de tout juste quinze ans. Elle n’abandonnait jamais et trouvait un autre moyen. Le lycée comme le patinage lui convenait pour cette auto-discipline qu’exigeaient les deux voies.

Céleste releva la tête, et lut les affiches collées au mur en face d’elle, à une dizaine de mètres. Celles placardées par trois fois indiquaient de consulter un médecin en cas de douleur musculaire, plutôt que de se surmener physiquement. Toutes illustrées par un dessin sommaire représentant une crampe au mollet, et un banc qui l’attendait si cela arrivait. Elle les ignora royalement et se concentra sur celles accrochées sur la porte du cabinet personnel du médecin du centre. Céleste le consultait tous les mois depuis ses neuf ans et était en mesure de donner le nombre exact de livres dans son bureau, en les énumérant dans l’ordre alphabétique. L’affiche contenait des médicaments, des gélules disposées de façon grossière et des messages d’alerte si certains patients qui fréquentaient cette salle d’attente étaient devenus accros, avec des numéros verts pour appeler.

C’était en fléau qui touchait le monde sportif autant que le dopage, l’addiction à une substance qui les faisait progresser, même à des moments où il ne fallait pas, quand ils étaient blessés ou fragiles psychologiquement par exemple, par des évènements survenus récemment. Céleste ne s’était jamais gavée de médicaments, pas comme l’un de ses frères qui avait raté ses possibles futures sélections, pour aller en centre de désintoxication, suite à une prise intensive de ces gélules soit disant miracles. C’était dur d’encaisser l’échec pour Apollon, alors même qu’il savait que les miracles étaient inexistants, il avait ruiné sa santé de sportif pour tenter le tout pour le tout. Puis pour
pour consoler sa défaite face à l’adversité que représentaient les antibiotiques, il s’était inscrit à la fac de médecine. Pour lutter contre ce fléau qui prenait de l’ampleur. Si on se laissait tenter une fois, on désirait y goûter une deuxième fois, et le cercle infernal débutait. Elle l’avait observé, se détériorer, à petit feu, mais ce n’était qu’une gamine de dix ans, habituée à ces addictions dans un centre de prodiges.

Le Revers de la MédailleWhere stories live. Discover now