19 - Chorégraphe de renom

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Chapitre 19 : Chorégraphe de renom

Céleste Haase déjeunait dans la salle à manger familiale, quand des pas discrets se firent entendre depuis le couloir du premier étage. La grande famille disposait d'une salle à manger qu'ils utilisaient en cas de repas avec des invités, avec plus de dix places, et d'une autre beaucoup moins spacieuse, qui accueillait difficilement les sept membres. Cette dernière avait beaucoup de décorations faites par les enfants, comme des dessins affreux en peinture digital de couleur bariolées, probablement choisis au hasard des pots qui se trouvaient sur la table à ce moment-là. Mais le summum de ces œuvres d'art comme les appelait nostalgiquement sa mère était des pots à crayons en boîtes de conserve recouvert de papier crépon. Les enfants les fabriquaient pour des occasions spéciales ; la fête des mères ou la fête des pères, qu'ils ne manquaient sous aucuns prétextes. La pièce était chargée de souvenirs auxquels Céleste n'avait jamais contribué. Quand ses grands frères et grandes sœurs participaient activement à tous les ateliers créatifs, Céleste en profitait pour s'exercer sur la glace, n'assistant qu'aux cours important grandement dans sa scolarité.

Sa mère l'avait sermonné quant à cette démonstration puérile devant le directeur, qui serait bientôt appelé ex-directeur, mais elle n'en avait eu que faire. Ses parents n'ont jamais saisi l'enjeu de la santé mentale de leurs enfants, privilégiant la discipline et le sport qui étaient leur valeur. La décision d'arrêt du père d'Eden l'avait affectée, mais par pur égoïsme. Même si Céleste n'avait jamais pu pleinement exercé le pouvoir de son insolence sur lui, elle avait néanmoins réussi à l'amadouer, et tout serait à refaire avec le nouveau. Surtout que les récentes révélations n'arrangeraient pas son cas. Si c'était l'un de ces directeurs favorables à son exclusion définitive du patinage, elle ne parviendrait à rien. Céleste plongeait donc distraitement sa pomme dans son fromage blanc, un mélange qu'elle appréciait grandement depuis que Léandre lui avait fait goûté, quand Apollon et Cassiopée émergèrent difficilement de leur sommeil.

Elle fronça les sourcils, étonnée de leur présence matinale, eux qui rêvaient de repos durant leur vacances dûment méritées. Il se frottait les yeux bouffis par la longue nuit qu'il venait d'avoir tandis que Cassiopée se servait énergiquement des céréales dans un bol confectionné lui aussi à l'école. Les deux aînés étaient l'exact contraire, mais cela ne les empêchaient pas d'être plus fusionnels qu'elle ne le serait jamais avec sa fratrie réunie. Les explications tardaient et Apollon manqua de finir la descente des escaliers en toboggan, ce qui provoqua un gloussement de la part des deux filles. Il n'existait pas plus maladroit que son frère, une catastrophe ambulante qui emportait tout sur son passage. Chaque semaine, sa poubelle se remplissait plus vite de verres cassés que d'ordure ménagère où d'emballage plastique. Elle reconnaissait aisément sa dextérité pour manier des instruments médical, mais la vaisselle n'était pas à l'abri d'une chute involontaire si c'était à son tour de mettre la table.

Personne ne se décidait à rompre le silence, et Céleste ne le ferait certainement pas. Ils la dérangeaient déjà dans son quotidien normalement silencieux, sans bruit qui la gênait pour se concentrer sur ses tâches de la journée, alors ce n'était pas à elle de faire le moindre effort pour engager la conversation. Cassiopée levait parfois les yeux en direction de son aîné, mais ce dernier comatait debout, avachi sur la rampe de la salle à manger. Un réveil à cinq heures quarante-cinq restait un défi que peu d'enfants de la famille était capable de relever, excepté Céleste qui était programmée depuis des années pour le faire et Cassiopée, qui suite à ces nombreux boulots de nuit, avait déréglé son horloge interne. Cette dernière lui asséna une claque sèche sur sa cuisse, et le blond se réveilla subitement, en criant qu'il n'avait rien fait et que ce n'était pas de sa faute. Un réflexe automatique dans une famille nombreuse. Après avoir compris qu'on l'attendait, il se redressa et toussa, comme s'il préparait un grand discours.

Le Revers de la MédailleWhere stories live. Discover now