Je me retrouvai alors en plein milieu de ce mystérieux couloir souterrain comme les fois précédentes. L'air, comme à son habitude me manqua rapidement, tandis que ma marque se mit à me brûler vraiment fort. Cette fois-ci, plus que d'habitude. Je laissai échapper un cri de souffrance, perdue dans ces terribles acouphènes qui m'encerclaient comme un étau de part et d'autre de mon crâne.

Quand j'eus assez repris mon souffle pour soulever la tête, mes yeux rencontrèrent le scintillement bleuâtre comme la fois précédente, dont la lueur éclairait la longueur du couloir en pierre. J'aurais bien aimé avancer et voir à quoi correspondait cette lumière, mais mes pieds, fidèles à leurs coutumes, refusèrent de bouger, enracinés dans la pierre tels des lianes qui s'accrochent à leur proie.

Je me forçai à me concentrer sur le scintillement, et non pas la douleur. Je me dis que si j'étais censée passer du temps ici assez régulièrement, autant songer à une issue. Que se passerait-il si je touchais ce bleu vif ? Pourrais-je seulement y parvenir un jour ? Je m'imaginais en train d'avancer pas à pas dans le sombre corridor aux odeurs de renfermé, et je sentis soudain quelque chose se décoller en moi, comme si je me dédoublai. J'ouvris les yeux et lâchai un cri stupéfait. Je me voyais avancer. Comme si j'étais spectatrice et que mon corps avait adopté une autre âme pour l'habiter. Comme si j'étais inexistante, oubliée et loin de la réalité.

Je ne m'étais jamais vue de dos et ma silhouette svelte s'avançait au rythme de mes pensées, un pas après l'autre tandis que je ne bougeais techniquement pas de ma place.

Puis un courant d'air me glaça le corps tant il passa près de moi, de mon vrai corps, et mon autre moi se recolla en même temps sans bruit, venant remplir le vide qui s'était creusé, puis ce fut à nouveau le noir complet.

Des bribes de paroles arrivaient jusqu'à moi alors que je parcourais les ténèbres, tout aussi sombres et désintégrées les unes que les autres.

-... sais pas, répondit une voix vaguement familière.

Puis de nouveau, plus rien. Je flottais dans les airs, loin de mon corps, loin de mes problèmes, loin de mon destin, loin de tout, jusqu'à ce qu'un liquide chaud coule entre mes lèvres mi-closes. Du sang.

-... vais essayer...pensée mentale.

À nouveau le vide. Mais quelque chose semblait m'appeler au-delà de mon sommeil, et la voix d'Aaron atteignit finalement mon cerveau.

Roxy, tu m'entends ? Si tu es là, réponds-moi.

J'aurais voulu ouvrir les yeux, lui montrer que j'étais bel et bien présente. J'aurais voulu le prendre dans mes bras, rien que pour m'assurer que je n'étais plus en train de rêver, que mon corps ne se dédoublait pas, que mes pieds n'étaient pas ancrés dans la pierre, que mon bras n'était pas en feu. Mais je ne parvins à rien. Le noir le plus complet et le plus étouffant m'envahit à nouveau, et j'eus l'impression de suffoquer, d'appeler à l'aide et de cogner tout ce qu'il y avait autour de moi, de regarder furtivement ce qui se passait avant de juger la situation, de sentir mon corps réel ou pouvoir ouvrir les yeux, mais j'étais comme dans une bulle obscure qui me coupait entièrement du monde.

À nouveau un liquide velouté qui venait caresser ma bouche, et mon cœur fit un soubresaut. Les nerfs à vif et le corps tremblant, mes paupières se décollèrent brusquement, m'arrachant à ce mauvais rêve.

Le matelas sous mon dos était moelleux. Ce fut la première chose que je constatai, avant que mes yeux ne se posent sur les visages extrêmement inquiets de Lucy et Aaron, qui me fixaient comme si je risquais de disparaître d'une seconde à l'autre.

La nature de Roxane - tome 1 : MauditsWhere stories live. Discover now