De l'amitié ? Non. C'était plus que cela.

De l'amour ? Je n'en savais rien. Mais j'étais au moins sûre d'éprouver de l'affection et de l'attirance sincères à son égard.

- Je n'attends pas que tu me répondes, ajouta-t-il au bout de plusieurs secondes. Du moins, pas tout de suite. Je te laisse le temps qu'il faudra, parce que je sais que ce n'est pas la chose la plus importante pour le moment.

À ce moment, j'aurais dû le remercier de sa patience et franchise, tant de qualités dont j'avais dû mal à faire preuve, ou tout simplement hocher la tête et continuer notre discussion au sujet de Sally. Mais contre toute attente, je me hissai sur la pointe des pieds, et collai mes lèvres sur les siennes, douces et agréables. Aaron m'attira à lui et ses bras se posèrent sur mes hanches, tandis que mes mains caressaient son cou et ses cheveux doux et épais. Je sentis son souffle chaud au-dessus de mes lèvres lorsqu'il murmura, fier de lui :

- J'ai réussi à ne te faire penser à rien pendant quelques secondes.

L'heure de maths se déroula dans une lenteur accablante. Jamais je n'avais eu aussi hâte de quitter un cours. Mr Bradley, le professeur, ne semblait pas en rapport avec la malédiction ou tout ce qui tournait autour. Il ne portait aucune attention particulière à mon égard, et je supposai qu'il n'était pas au courant pour ce qui s'était passé avec Turner. J'étais rassurée que le prof soit un élémentaire : il ne pouvait pas lire dans mes pensées. En revanche, je ne pouvais pas pénétrer dans les siennes non plus car il avait pris soin de les verrouiller.

Je fis mine d'écouter le cours, alors que je laissai les réflexions des autres élèves fuser dans mon cerveau. Je savais que la fille de devant, celle qui s'était teint les cheveux en mauve, était à fond dans le cours et s'efforçait de tout comprendre. Le garçon derrière-elle, assez bien bâti songeait à la façon dont il l'attirerait dans son lit. Un autre jeune homme tout au fond de la classe jouait avec son stylo, mais pensait à son prochain casse-croûte humain. Seuls quelques étudiants bouclaient leur cerveau, ce que je trouvais dommage. Les pensées sont des choses très intimes auxquelles une seule personne devrait y avoir accès. Nous-même.

Bradley venait de finir d'écrire la leçon, et il nous jaugeait du haut de ses lunettes rondes et fines, avec ses cheveux roux épars et rares et la barbe brouillonne qui gardait ses joues bien au chaud.

Je n'avais jamais rien compris à la trigonométrie, à l'algèbre ou encore aux fonctions, mais depuis que j'étais une vampire, tout semblait plus simple. Mais je me rendis vite compte de la bêtise de mes pensées et je faillis rire face à l'ironie.

Les maths étaient plus simples, pas ma vie.

- Mademoiselle Carter, pourriez-vous nous corriger l'exercice au tableau ?

J'empoignai ma feuille avec les réponses et me levai, mais le sol sembla se dérober sous mes pieds. Aaron, assis à l'avant se retourna dès qu'il capta mes signaux mentaux, et Lucy, à mes côtés fronça les sourcils d'inquiétude.

Chad et Sally étaient en biologie.

Ma main se crispa sur le rebord de ma table et ma vue se brouilla un instant. Mes oreilles bourdonnèrent et ma gorge s'assécha, quand Aaron dit intérieurement, pleinement conscient de la suite des événements :

Tu ne peux pas t'évanouir en cours, les gens vont soupçonner quelque chose. Il faut que tu sortes.

- Je... balbutiai-je avant de sentir ma force décliner. Aaron se leva instantanément, m'accompagna à la sortie en un temps record et me fit entrer en hâte dans un local à balais et produits d'entretien, et je fus engloutie dans le noir le plus complet.

La nature de Roxane - tome 1 : MauditsWhere stories live. Discover now