Chapitre 14 : Choix

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La nuit tombait. Après le dîner, James avait fait venir Harry dans son bureau. L'air était électrique entre eux. L'adulte toisait l'enfant comme un directeur devant un élève récalcitrant.

- Mais père ! s'énerva Harry. Ginny est ma meilleure amie ! Je ne veux pas en faire mon épouse !

Un frisson dégoûté parcourut le corps de Harry rien qu'à l'imaginer.

- Ce n'est pas à toi de décider ce qui est bon pour toi ou ce qui ne l'est pas, Harry, répliqua James.

- Peut-être que si tu m'expliquais aussi... bouda l'enfant.

James fronça les sourcils.

- Tu ne peux pas comprendre, tu es bien trop jeune...

- Pas assez pour avoir mon nom dans l'urne marital apparemment, tacla l'enfant en croisant les bras.

- Tais-toi ! s'énerva James, ne supportant pas que son fils puisse lui répondre. Tu ne comprends pas que le mariage est la meilleure solution pour toi ? Les habitants du village te laisseront plus de temps !

- Mais je n'aime pas Ginny comme ça... C'est comme une sœur pour moi...

Un long silence suivit ses paroles pendant lesquelles Euphemia les avait rejoints. Comprenant la situation, celle-ci déclara :

- Harry... Ce n'est pas ce que tu veux, je sais. Mais essaie de voir le bon côté des choses, fit-elle avec un sourire contrit. Tu apprécies Ginny et te marier avec elle vous protégera tous les deux des vices les plus détestables que les autres familles pourraient vous faire alors que vous n'êtes pas prêts.

Harry eut une moue plaintive. Il comprenait. Il voulait encore moins mettre son nom dans l'urne.

- Mais je... je ne peux pas. C'est plus fort que moi. Je ne pourrai pas supporter... Je ne suis pas amoureux de Ginny...

Il n'en fallut pas plus pour que la fureur de James n'éclate.

- C'en est fini de tes caprices ! Tu ne te rends pas compte de la chance que tu as ! Vous célébrerez votre union dans six mois, jour pour jour ! Sinon tu mettras ton nom dans l'urne. C'est ainsi. Point. Et maintenant, file dans ta chambre !

Harry ne se le fit pas dire deux fois. James pouvait se montrer violent si on ne lui obéissait pas sans broncher. Harry s'enferma dans sa chambre avec l'envie impérieuse de retrouver Argent.

C'était presque l'aube quand Harry quitta la demeure qui lui servait de maison. Le ciel noir s'était paré des couleurs rosées du matin. La fraîcheur matinale annonçant le début du printemps fit frissonner le jeune garçon.

Harry grommela. Il n'avait pas pu partir plus tôt, son père n'avait pas éteint les lumières avant très tard dans la nuit. En plus, ses larmes de rage avaient fini par avoir raison de lui et il s'était endormi.

Heureusement, il s'était réveillé avant le soleil et maintenant, avec la même discrétion qu'auparavant, il filait droit vers la cachette pour retrouver son nouvel ami.

Se tortillant, il entra doucement dans son antre, espérant ne pas réveiller le loup. Il tâtonna les murs de la cachette en attendant que ses yeux s'habituent à l'obscurité. Il n'avait pas l'habitude de visiter Argent à cette heure-ci. Il ne voulait pas le brusquer. Quelle ne fut pas sa surprise quand il s'aperçut que celui-ci avait disparu.

Réprimant sa panique, Harry sortit en trombe de sa cachette.

Argent était parti ? Non. Il ne pouvait pas être parti... Il était blessé et avait encore besoin de lui. Harry le savait, il le sentait. Argent n'était pas parti. Mais alors où pouvait-il bien se trouver ?

Harry s'imagina tous les pires scénarios possibles. Son loup était blessé, seul, sans défense... Et si des villageois l'avaient découvert ? Et s'il était tombé quelque part et avait besoin de son aide ?! L'absurdité de ses questions ne lui traversa même pas l'esprit. Il était bien trop paniqué.

Là !

Harry avait retrouvé les traces traînantes des pattes du loup. Il les suivit.

Il ne marcha pas longtemps avant de voir se dessiner une silhouette. Le cœur de Harry se serra quand il comprit que ce n'était pas la silhouette de son loup... Qu'est-ce qu'un villageois pouvait bien faire aussi loin du village ? Et aussi tard dans la nuit ? Harry priait de tout son cœur que celui-ci ne soit pas tombé sur Argent.

Harry se cacha dans les fourrés et s'approcha à pas de loup de la personne pour voir plus en détail à qui il avait affaire. Il semblait en pleine contemplation du ciel nocturne, fasciné par ce qui pouvait se passer au-dessus de sa tête et ne remarqua rien. Harry se rendit soudain compte que quelque chose n'allait pas.

La personne était un inconnu ! Le village était petit, on se connaissait tous, surtout les garçons. Et là c'était un jeune adolescent à peine plus âgé que lui.

Bizarrement, il lui avait l'air familier... Il avait la peau pâle, ses cheveux d'argent et ses beaux yeux gris lui rappelaient étrangement son loup blessé... Mais ce garçon semblait si délicat et fragile, tout le contraire de l'énorme bête... Et il ne devait pas être âgé de trois ans de plus que Harry.

Lorsque l'inconnu se releva, Harry ne put s'empêcher d'admirer avec envie ses longues jambes ivoiriennes. Il remonta son regard petit à petit avant que le rouge ne pointe sur ses joues. Le jeune adolescent était entièrement nu ! Et malgré les blessures qui lacéraient sa peau, d'une beauté époustouflante... Harry en avait d'ailleurs le souffle coupé. Il sentit comme une chaleur interdite entre ses reins se réveiller. Le sang quitta son cerveau et tout à coup il ne savait plus comment se tenir et où se placer.

Les mains de Harry étaient devenues moites et il dut prêter deux fois plus attention à ne pas faire de bruits, tant sa gêne l'empêchait de réfléchir correctement.

Cependant deux questions parvinrent à frayer leur chemin jusqu'à sa conscience. D'où venait l'inconnu ? Et comment avait-il réussi à traverser le lac sans son père ?

Soudain l'adolescent aux cheveux d'argent se plia en deux. Harry vit sous ses yeux horrifiés la peau de l'inconnu se recouvrir de poils, son corps grossir et se contorsionner jusqu'à prendre l'apparence d'un loup. Jusqu'à prendre l'apparence... d'Argent.

Alors que l'aube pointait, Harry comprit enfin que celui qu'il avait pris pour un ami, celui à qui il avait donné un nom était en fait...

Un démon.

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Harry resta interdit durant deux bonnes heures, le soleil désormais haut dans le ciel sans qu'il n'y prête attention. Les informations et les questions se bousculaient dans sa tête. Il n'était même pas sûr que son cerveau puisse tenir le choc.

Il avait beau réfléchir, il ne comprenait pas pourquoi le démon ne l'avait pas encore dévoré. Peut-être qu'Argent était l'un de ces monstres solitaires qui n'avaient rien contre les humains... Ils étaient rares mais ils existaient. Harry en avait lu des témoignages dans les livres des prêtresses. On appelait ça un exilé.

Le garçon fit taire la petite voix dans sa tête qui lui rappelait que même à première vue non agressifs, ces monstres restaient des assassins complètement fous et avides de sang. En particulier de sang de mage comme lui.

Le garçon se remémora la magnifique apparence du démon et la chaleur lui monta à nouveau aux joues. Harry ne comprenait pas. Le monstre l'avait ensorcelé ou quoi ?

Ses pas sans but le menèrent finalement à sa cachette.

Alors qu'il était devant l'entrée, il déglutit. Il était temps de faire un choix. Soit il fuyait pour ne plus jamais revenir. Soit il entrait et continuait de faire comme il en avait pris l'habitude.

De quoi avait-il le plus envie ?

Harry ne réfléchit pas plus longtemps avant de se jeter dans la gueule du loup.

BêtesWhere stories live. Discover now