Chapitre 13 : Journal d'Euphemia

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Cher journal,

Cela fait plus de quinze ans que je ne t'ai pas écrit. Ma vie a été un peu compliquée ces dernières années, tu en conviendras.

Notre village est isolé de tout, malgré cela nous n'avons pas dépéri. A mon plus grand soulagement, ce qui était un petit rassemblement de chaumières s'est peu à peu gorgé de vie et d'action.

Nos anciens savoir-faire n'ont pas été oubliés : forgeage, culture, élevage, pharmacologie, minage... Chaque famille s'est spécialisée en la maîtrise d'un artisanat particulier. Cela nous a rendus autonomes et indépendants du commerce entre villages.

Nous avons la vie dure et malgré les efforts des médecins, des prêtresses et de Harry, parfois des morts sont à déplorer.

Paix à leur âme.

Cependant, personne ne peut dire que nos conditions de vie ne sont pas acceptables. En tout cas, cela vaut mille fois la vie d'esclaves qui nous attendait si nous n'étions pas partis.

Bien sûr, rien de tout cela n'aurait été possible sans la magie des mages et le savoir des prêtresses. Molly Weasley, notre mage des plantes, a rendu les terres fertiles et labourables. James et sa force miraculeuse, a grandement facilité les diverses constructions. Les filles Delacour et leur don de parole ont attiré les animaux d'élevage. Et enfin Lily et sa magie de la terre, a montré où creuser les mines pour trouver les matériaux pour nos instruments.

Il faut dire aussi que la montagne d'Ao a beaucoup à offrir. Certains pensent qu'il s'agit du jardin des dieux, interdit aux humains depuis le péché originel. C'est une idée simpliste. Moi je crois que seul un fou aurait pu trouver cette terre d'abondance à l'insu de tous et en particulier des démons.

Heureusement pour nous, c'est ce qu'est mon fils.

Tous racontent comment James a défié le gardien d'Ao pour que celui-ci nous laisse vivre sur sa montagne. Tous racontent comment il a quitté les villages des résistants, armé d'une simple dague en fer...

Il n'y a pas à dire, James a gagné le respect de tous.

Le seul problème majeur a été notre descendance. Les bébés filles parvenaient à arriver à terme. Mais toutes les femmes portant un garçon... faisaient des fausses couches.

Jusqu'ici seules trois d'entre nous ont réussi à avoir des garçons, toutes trois des mages. Je suspecte que leurs pouvoirs magiques les protègent de la malédiction.

Le système de naissance que James a mis en place a porté ses fruits les premières années. Malheureusement, bien que simple, il comportait trop de failles pour perdurer. Les femmes étaient de plus en plus malades et fatiguées. Et le fait de perdre la moitié de nos enfants a rendu certaines d'entre nous très fragiles. Au bout de la sixième année, en voyant l'état de Lily, James a finalement accepté que nous ralentissions la cadence. Nous avons séparé les femmes fertiles en deux groupes. Pendant quatre ans, le premier groupe a continué à mettre au monde tandis que le second se reposait et aidait dans les tâches de tous les jours. La septième année, les groupes se sont échangé leurs tâches.

Malgré cette diminution des naissances, la plupart d'entre nous accueillent la ménopause avec soulagement.

Il a été décidé que la nouvelle génération de jeunes filles commencerait à procréer à l'âge de vingt ans. Même si elles sont déjà fertiles, il faut les ménager si on veut qu'elles tiennent. Enfin, je ne parle pas des enfants mages comme la pauvre petite Ginny, ni des garçons qui doivent mettre leur nom dans l'urne un peu plus tôt.

Je m'inquiète beaucoup pour mon petit-fils Harry. C'est un mage du sang et il est particulièrement demandé dans les familles. Tous espèrent que ses gènes magiques se transmettront à leur descendance. James subit une pression constante des habitants lui demandant de mettre le nom de Harry plus tôt dans l'urne marital. Bien que celle-ci lui donne des chances d'échapper à l'accouplement, juste l'idée que de sales mains puissent se poser sur ce petit corps d'enfant me répugne et me dégoûte.

Il est bien trop jeune. Même Fred et Ginny, nos nouveaux mages de la terre, n'ont eu à mettre leur nom qu'à leurs quinze ans. Et j'ai toujours trouvé cela trop tôt. Harry n'en a que treize... Laissez donc ce pauvre petit en paix... Il est déjà bien assez harcelé comme ça.

Ses nombreux pouvoirs le rendent presque indispensable. La guérison et la divination sont les deux dons les plus connus des mages du sang. Mais beaucoup de mystères autour d'eux n'ont pas encore été résolus. Même les prêtresses au savoir incommensurable ne peuvent totalement apprendre à Harry à bien utiliser ses talents.

Ce petit ange n'avait que trois ans quand les prêtresses ont décelé en lui son don miraculeux. Depuis, elles ont tout mis en œuvre pour lui apporter savoir et connaissance. Elles se chargent de son éducation avec sagesse et fermeté. Et même si la plupart du temps celui-ci se montre réticent, elles parviennent toujours à le remettre dans le droit chemin.

Enfin, ces derniers temps, Harry est de plus en plus prompt à disparaître et à s'absenter. Dès qu'il a du temps libre, il court dans la forêt et je ne le revois plus avant l'heure de manger. Je le suspecte également de sortir la nuit à l'insu de tous. Je me demande bien où il peut aller... Si la montagne n'était pas un lieu aussi sûr, je me serais inquiétée... Mais le gardien d'Ao veille au grain et Harry sait qu'il ne faut jamais s'approcher du Lac. Donc je ne dirai rien. Quoi qu'en pensent les prêtresses, Harry a le droit à sa liberté.

Pauvre enfant. Je ne pourrai cependant pas empêcher très longtemps le village de s'appuyer sur lui. La prémonition qu'il a faite récemment et qui lui a valu une grosse entorse – je crois que c'était cassé mais son sang semble l'avoir guéri – a réveillé les peurs de tous. Evidemment, même ici nous ne pouvons pas échapper aux échos de la guerre d'en bas.

James ne veut envoyer personne afin d'aider les autres villages. Encore heureux, après ce qu'ils lui ont fait. Je pense que tout le monde est d'accord sur ce point : les résistants d'en bas ne méritent pas notre aide.

Il se fait tard. Et j'entends mes fils se disputer une fois de plus.

Au revoir, cher journal, je prierai pour avoir encore la force de t'écrire à nouveau.

Journal d'Euphemia Potter, Année 356, village d'Ao

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