17. Réminiscences au fond d'une crypte (1/2)

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La Flèche ravale une guirlande de jurons. Après leur avoir débité une vision poussiéreuse digne d'un caveau croulant, la pucelle effarouchée vient tout bonnement de s'enfoncer dans le mur. L'asticot qui lui sert de prince charmant s'empare d'une des torches et disparaît à sa suite avec un gloussement ridicule.

La voilà débarrassée des deux gamins encombrants ! Ou bien...

Son attention revient vers la solide porte de chêne cloutée. Au même instant, une lame plus vorace que les autres traverse une jointure dans un craquement. Toute la structure couine comme un porc qu'on égorge. De l'autre côté de l'huis, les exhortations redoublent d'ardeur.

Elle recule, indécise, et s'humecte les lèvres. Le moment idéal pour faire un choix. Doit-elle se ranger aux côtés des gardes en avançant quelque bobard, ou tirer sa révérence en jouant les passe-murailles ? Son regard glisse vers le cadavre encore chaud. Pas certain que le seigneur apprécie le traitement réservé au soudard, ni le massacre de sa toile, ni le léger désordre semé dans la recherche infructueuse de la Torah. Il avait l'air de tenir diablement à son passe-temps.

Le gringalet a parlé d'envoûtement et, sur ce point, elle n'est pas loin de le croire. Elle n'arrive pas à renouer quel raisonnement a pu la pousser, non seulement à créer le golem, mais à en céder le commandement à Blaise Fayet. Toute sa semaine au château crépite sous une bulle haineuse sans qu'elle en comprenne les fondements. Quand la peinture s'est renversée, elle a cru que son crâne allait exploser. Une gifle de réalité en pleine trogne ! Encore maintenant, elle peine à recoller les morceaux. Sa soif de vengeance n'a pas faibli – l'assassin de ses parents paiera –, mais un repli stratégique permettrait de poser les idées au clair. Il ne faut pas abuser de l'hospitalité des bonnes gens. Elle pourra toujours, à l'occasion, revenir pour un entretien plus privé avec le seigneur de Candé.

Son choix arrêté, elle pivote sur les talons, et se retrouve nez à nez avec un mur. Un mur aux pierres parfaitement équarries, tout ce qu'il y a de plus mur. Un mur très muré, en quelque sorte. Ses yeux l'affirment, le picotement de ses doigts le confirme, sa logique le serine en boucle. Ses sourcils se concertent devant cette matérialité. Comment est-elle censée franchir l'obstacle ? Elle n'est pas encore acculée au point de se taper la tête contre une pile de pierres, qu'elles soient moussues ou maçonnées !

— La Flèche ! appelle un fantôme de voix venu d'un espace impossible. Ferme les yeux, ce sera plus facile.

Fermer les yeux ? Elle grince des dents. Et puis quoi encore, marcher sur la tête ?

Au même moment, trois lames perforent son dernier rempart dans un bel ensemble. Une planche arrachée s'abat sous la clameur d'un cri de victoire. Très bien, puisque l'univers se ligue contre elle, elle abaisse les paupières sur sa propre stupidité.

Des doigts grêles se referment sur son poignet ; elle tressaille.

— Ne crains rien ! Viens.

Peur, elle ? Qu'est-ce qu'il imagine, le foutriquet ? Sous la traction insistante, elle avance d'un pas, persuadée de se prendre un gnon en pleine poire. Rien. Le mur devait être un tout petit peu plus loin. Elle allonge le pied. Toujours rien. Une enjambée de plus et elle sent un rebord irrégulier sous ses bottes. Ses paupières bondissent au plafond.

Elle oscille au ras de degrés plus étriqués que le cul d'un mangeur de crucifix et tout aussi ténébreux. Des pierres piquetées d'infiltrations crachent des coulures colorées. La torche tenue par le garçon lèche la voûte épaisse d'une fumée noirâtre. De l'autre main, il n'a pas lâché son poignet.

Elle se désengage d'un geste abrupt.

— C'est bon, l'asticot ! On va pas au bal ensemble, que je sache.

Trois coups de pinceau pour un songeWhere stories live. Discover now