8. Quelques brins de poésie noués autour d'un complot (3/3)

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Florimond tend une main incrédule. Est-ce un nouveau rêve ? Va-t-il se réveiller dans son lit et découvrir que cette journée n'est que le fruit de son imagination délirante ? Sous l'effleurement, les brins oscillent comme les cordes d'une harpe. Une bourrasque plus forte lui fouette le visage, ses boucles virevoltent devant ses yeux. Plus loin, les frondaisons s'agitent d'un murmure de craquements. Un nuage de gros oiseaux noirs, dérangés dans leur paisible somnolence, s'envole sur un graillement indigné.

— Que... ?

Une pétarade d'aboiements vindicatifs interrompt son interrogation stupéfaite. Une tornade rase sur pattes fuse entre ses jambes. Déséquilibré, il bat des mains, bascule en arrière et termine le postérieur planté au milieu des graviers.

Filou dévale la pente dans une compétition d'opéra a capella. Les intrus ailés tournoient dans le ciel le temps d'estimer la concurrence, puis décident de chercher un perchoir plus serein. Ils s'effacent vers les toits de la ville sur un dernier babillage.

Filou remonte vers ses pénates d'un dandinement vainqueur, truffe haute, oreilles battant au vent, fier d'avoir affirmé sa possession des lieux face à une clique d'emplumés.

Florimond secoue la tête, à demi sonné. Les fils mystérieux ont disparu. Une protestation lancinante se réveille dans sa nuque. Le coup sur le crâne lui a dérangé l'esprit, c'est certain ! Une voix prévenante coule jusqu'à lui.

— Vous ne vous êtes pas fait mal, j'espère ?

— Tout va bien. J'ai l'habitude.

Il se relève avec une grimace désabusée. Est-il donc condamné à se comporter en pitre devant elle ? La voilà qui cache un discret amusement derrière sa main. Le pétillement de son œil la trahit. Il relâche un soupir, se frotte l'occiput. Au moins, à défaut de déclamer des vers capables de ravir son cœur, il aura réussi à peindre un sourire sur ses lèvres.

Avec un jappement, Filou vient quémander une caresse en récompense de ses efforts martiaux. Florimond se penche, tapote les poils rêches et reçoit un remerciement baveux en retour. Il ouvre la bouche pour expliquer la présence de ce rocambolesque échantillon de race canine, lorsqu'il remarque le regard figé de Léonore.

Ses joues, déjà laiteuses par nature, ont adopté le patiné de l'albâtre. Elle observe l'animal comme si elle contemplait un chien pour la première fois, et que cette découverte lui inspirait des sentiments mitigés. Florimond doit concéder qu'il n'existe sans doute pas d'exemplaire aussi biscornu dans tout Amboise.

— Il est... bizarre, ce chien, non ? articule-t-elle du bout des lèvres.

— Euh... oui ?

Florimond, roi des discours ! Il s'essore la cervelle à la recherche d'un mot intelligent, d'une plaisanterie, pourquoi pas d'un couple de vers, mais n'obtient qu'un filet insipide.

Léonore se frotte l'œil, se mordille la lèvre et se décroche enfin de sa scrutation intensive.

— Peu importe, écarte-t-elle d'un haussement d'épaules un peu trop appuyé.

Elle jette un regard vers l'extrémité du château et le coin de la cour où l'attend sa voiture, esquisse un pas dans cette direction, puis se ravise. Elle entortille une mèche de son châle sur son doigt.

— On m'a raconté que vous avez tenté d'arrêter ces voleurs lorsqu'ils s'enfuyaient avec leur larcin, que c'est ainsi que vous avez été blessé. Est-ce vrai ?

Maintenant, c'est lui qu'elle épingle de son attention. Il se dandine un peu, sans comprendre ce brusque revirement de conversation.

— Hum, oui, en quelque sorte.

Trois coups de pinceau pour un songeWhere stories live. Discover now