30. Sur les ailes de la providence (1/2)

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Le vent siffle.

Le paysage tournoie.

Le château se rapproche à une vitesse vertigineuse.

Florimond tire sur les lacets de son sac à dos d'une main un peu fébrile. La toile renfermée se déploie avec un claquement de nappe. Les courroies lui cisaillent les épaules dans un à-coup brutal. Sa chute s'interrompt. Ses galoches oscillent au-dessus des remparts comme des feuilles portées par un vent d'automne. Il plane !

Un rire incrédule lui échappe. Le parachute de maître Leonardo fonctionne ! Divine invention.

Florimond se tord le cou. Au-dessus de sa tête, les quatre harpies se disputent le trophée de l'ornithoptère. Une aile s'arrache et s'écrase sur les rochers. Le reste est mis en pièces sous leurs serres – de toutes petites pièces. Tout à leur affaire, elles ne semblent pas avoir remarqué la crevette suspendue sous son carré de toile.

Il reporte son attention sur le monde à ses pieds. En guise de planer, il continue de descendre sur un rythme enthousiaste. Le puissant donjon grossit et offre un parfait carré de réception. Florimond agite les jambes dans cette direction, mais un coup de vent taquin le déporte. Impossible de contrôler quoi que ce soit au bout de son fil ! Il plonge le long des meurtrières vers la terre battue de la cour, percée d'une bouche de pierre. Dans la mesure du possible, il préférerait éviter de terminer au fond du puits !

Un dernier souffle l'emporte. Ses galoches heurtent les planches pentues d'un précédent atterrissage. Il bascule, s'écrase sur le ventre, glisse dans un joyeux élan, et s'arrête, le nez au raz du toit des écuries. Son cœur tambourine un soulagement. Le voile pudique du parachute s'affaisse sur ses boucles et lui vole toute vision.

Un, deux, trois, quatre. Tous ses membres répondent à l'appel. Pour la seconde fois, il débarque dans l'enceinte du château par la voie des airs. Avec un peu de chance, cette nouvelle visite se soldera mieux que la première ! Florimond se tortille, retire les bretelles du sac et risque un œil par-dessous la toile.

Par quelque miracle, bénédiction divine ou hasard du destin, la cour est déserte. Les défenseurs ont transporté canons et balistes légères sur les tours. Il ne reste que la carapace abandonnée du char d'assaut, encadrée de deux puissants couillards. Sur les remparts, une poignée de soldats s'agitent et pointent dans sa direction. Son atterrissage devait manquer de discrétion. Mieux vaut ne pas les attendre ! Il s'apprête à sauter quand un couple de spadassins émerge du corps de logis.

Florimond écarquille les yeux devant les formes suggestives du premier, la longue natte lovée sur l'épaule, la grimace à rebuter n'importe quel broyeur de couleurs. Rachel ? Le second la serre comme s'il l'entraînait sur la piste de bal. Une drôle de danse ; plutôt inconfortable s'il en juge la colonne roide de la partenaire.

Les deux valseurs viennent dans sa direction. Ils vont passer au ras de sa cachette. Florimond rassemble les genoux sous lui. Il a déjà vu ce collier de barbe, ces larges épaules, cette attitude triomphante : le dénommé Achéric, le chef des bandits. Pas vraiment de bons souvenirs ! Il repère alors le poignard niché au creux des reins. Une lame intangible s'enfonce dans ses propres intestins.

Rachel est prisonnière, en danger !

Un martèlement appuyé contre ses côtes lui suggère d'intervenir. Pas le temps de pondérer la sagesse de cette impulsion. Ses mains se crispent au bord du toit, il rassemble ses genoux sous lui.

Un pas, un autre. Le butor menaçant Rachel passe juste sous sa cachette. Florimond bondit comme un ours en chasse – enfin, plutôt un loup... ou peut-être une belette ? La taille n'a pas d'importance. Il atterrit sur les épaules du spadassin. Le gaillard s'écroule sous cette agression tombée du ciel et lui fournit un parfait tapis amortisseur.

Trois coups de pinceau pour un songeWhere stories live. Discover now