« C'est sans doute un grand avantage d'avoir de l'esprit, du courage, de la naissance, du bon sens et d'autres semblables talents, qu'on reçoit du Ciel en partage ; Mais vous aurez beau les avoir, pour votre avancement ce seront choses vaines, si vous n'avez, pour les faire valoir, ou des parrains ou des marraines. »
— Contes de ma mère l'Oye, Perrault
Avoir dormi plusieurs jours, ensorcelée à cause de vampire après avoir été manipulée par un garçon canon qui semblait prêt à vous promettre la Lune et ses merveilles, n'étaient pas la pire des situations. En ce moment, je devais rattraper mon retard après de Sarah, cette dernière s'évertuant à m'enseigner la magie avec un acharnement semblable à des fans face au dernier billet de concert de leur star favorite.
Je n'avais pas prévu de passer mes vacances à m'entrainer. D'autant qu'à présent, vivant chez ma tante, cette dernière paraissait me fliquer, me suivant comme mon ombre dès qu'elle le pouvait et s'inquiétant de ma santé en chaque instant. Mais lorsque Nora trouva dans mes affaires un sort de pistage, plus efficaces que d'allumer le GPS de mon téléphone, ce fut à moi de jouer les adultes, interdisant à Alyssa toute forme de magie.
C'en devenait ridicule.
— Allons faire les boutiques !
Un râlement m'échappa alors que mon crayon, qui tenait depuis quelques secondes entre ma lèvre retroussée et le bout de mon nez, tomba au sol. L'enthousiasme soudain de Nora m'avait déconcentré.
Raven, un pot de fleur à la main, chercha à s'enfuir. Aussitôt, une flamme de taille humaine apparue devant la sorcière gothique, lui bloquant le passage.
— Pas de magie les filles ! hurla Sarah depuis une autre pièce. Sinon je vous ferai payer les dégâts.
Raven reposa sa digitale sur la table. Nora s'empara de mon grimoire.
— Nora, arrête ! Je travaille, me levais-je pour tenter de récupérer mon bien.
D'après Sarah, les sorcières possédaient un bouquin pour regrouper leurs sorts, leurs potions et tout ce qui concernait la magie selon leurs expériences. Il arrivait que ces grimoires soient transmis dans une même famille.
Sarah, en tant que ma Marâtre, m'enseignait son savoir. Autrement dit, ce grimoire appartenait à sa famille et certaines des connaissances qu'il contenait étaient destinées à mon apprentissage.
— Je n'arrive pas à lire, s'étonna Nora.
— Evidemment, ma mère n'est pas ta Marâtre, se moqua Raven, faisant fleurir ses plantes.
— Les filles, posa-t-elle enfin le livre. Halloween c'est dans une semaine. On a pas de tenue.
— J'en ai déjà une.
Henri m'avait fait parvenir l'une de ses créations. Une création enchantée.
Raven continua sur ce même ton de moquerie.
— T'es la seule à ne pas avoir de tenue, Nora. J'ai également la mienne.
— Encore un déguisement de Morticia Addams ? Comme c'est original.
Apparemment, un souvenir était énoncé entre les deux.
— Non, cette année la mode est pour Mercredi Addams. J'ai même créé une guillotine sur mesure pour l'occasion. Tu veux l'essayer ?
— Qu'est-ce qui vous arrive toutes les deux ? m'étonnais-je de les voir plus à cran que d'habitude.
Elles me fixèrent un instant, comme surprise par ma question.
— C'est ta faute, finit par confesser Nora.
— Tu nous as interdit d'aller faire la peau à ceux qui t'ont fait du mal.
Mon cœur loupa un battement. Ce sentiment était semblable à celui que j'avais pu ressentir pour Louise. De la joie pure et simple. Nora et Raven étaient des amies. De véritables amies.
— Si tu comptes pleurer, fais-le au-dessus de mes plantes. Les larmes sont un excellent fertilisant pour les fleurs magiques.
Raven avait réellement placé ses plantes près de moi, persuader que j'allais me mettre à pleurer. Elle n'était pas loin de la vérité.
Nora recommença une énième dispute avec Raven. Je décidais de laisser là mon apprentissage de la journée.
— Ever, je te raccompagne, força Raven.
Après ma tante, mes amies s'y mettaient également. Mais j'avais appris quelques tours de passe-passe. Et lorsque Nora et Raven voulurent me suivre, elles se retrouvèrent incapables de bouger.
Je leur révélais alors mes ficelles. Un crâne semblait s'être dessiné dessus, une fleur plantée dedans.
— Désolé les filles, je viens de paralyser vos ombres.
— J'ai envie de te casser le nez mais aussi de te féliciter, complimenta Nora. Tu sais que je n'ai jamais réussi à le faire ? Et ce n'est pas faute d'avoir essayé avec Eric.
Je ne voulais pas imaginer les raisons choisies par Nora pour vouloir l'utiliser sur son copain.
— Dextérité des doigts et une magie puissante, expliqua brièvement Raven. Sachant que ma mère enseigne à une More, descendante des Mortelet, rien d'étonnant. Mais je te parie que lorsque ton Eveil sera passé, tu ne pourras plus le réaliser. Profite encore tant que tu le peux.
Cela ressemblait à une menace. Et le regard de Raven dans ces moments-là avaient de quoi paralyser n'importe qui de manière plus efficace qu'un sort comme celui que je venais d'effectuer.
Alors, prenant mes affaires avec moi, je m'empressais de déguerpir. Raven aurait oublié d'ici demain. Je voulais y croire, bien que j'avais conscience de l'impossibilité de la chose. A moins qu'un nouveau malheur me tombe de nouveau dessus et détourne sa colère de moi pour se braquer sur les coupables de mes problèmes.
Une fois dehors, une voiture semblait m'attendre. Charmant m'ouvrit la porte, un grand sourire aux lèvres.
— Je vois que tu t'amuses bien, observa-t-il mon tissage.
Lorsque nous étions seulement tous les deux, Charmant me parlait en français. Il était français, j'étais française. Cela suffisait pour faire naitre en nous ce désir de parler dans notre langue maternelle.
— Il fallait bien que je me débarrasse d'elles.
Il n'était pas question que quiconque sache pour ma relation avec Charmant. Ou plutôt pour ce que je lui avais demandé de faire pour moi.
Charmant leva son visage vers la maison, m'incitant alors à en faire de même.
— Tu n'as pas réussi à la maitriser.
Sarah, à l'étage, nous observait depuis la fenêtre. Difficile de dire si elle était d'accord ou non avec mes choix d'ici.
— Je ne pourrai pas, même si je le voulais, acquiesçais-je.
— Tu sais que si elle me pose des questions, je serai forcé de lui répondre.
— Elle doit sans doute déjà savoir ce que j'ai fait.
Comme convenu, il me tendit un dossier. En l'ouvrant, j'y découvris la photo de Hale.
— Tu avais raison sur un point, concéda Charmant. Ce vampire n'est pas à l'origine du Sommeil Eternel.
Apparemment, c'était du fait de sa fiancée, Charlotte Cross, vampire de l'aristocratie. Les vampires possédaient une hiérarchie, et la Couronne désignait la royauté les gouvernant tous.
Une sorcière avait dû aider cette Dame Cross.
Mais ce n'était pas ce qui m'intéressait.
— Monte, je te ramène chez toi.
Bien sûr, le trajet ne fut pas silencieux. Nous avions à discuter.
— Ton ancêtre, Alice More, est devenue la femme du Prince Héritier. Lorsqu'elle est morte, il en est devenu inconsolable. Un vampire mort ne se réincarne pas. Néanmoins, une prophétie de leur Sibylle lui a fait croire que sa sorcière se serait réincarnée. Le prince a donc déployer des exécuteurs pour la retrouver. Les indices donnés ont amené Hale et son équipe ici. Ils pensent que tu es la réincarnation d'Alice More.
— Ce qui est impossible. Les vampires ne se réincarnent pas.
Mais apparemment, ce n'était pas le plus alarmant.
— Ce sort, c'était un moyen pour ce vampire de te soumettre.
— Je ne sais pas, Charmant. Quelque chose ne va pas dans tout ça.
Charmant était vraiment doué. Il avait été capable de réunir autant d'informations en si peu de temps...
—— Hale Butcher n'est pas un simple exécuteur, Ever.
Les exécuteurs étaient comme des soldats, travaillant pour la Couronne. Ils étaient des tueurs, des machines de guerre. Hale n'en apparaissait que plus dangereux encore.
Charmant jeta un rapide coup d'œil au dossier, tournant les pages tout en faisant attention à la route devant lui. Puis il pointa l'information qui était la plus importante.
— C'est une blague ?
Date publication : 16/11/2023