Chapitre 8 - Obey to me [2/3]

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Silencieuse, presque timide, ma tante habituellement extravertie semblait rongée par le doute et un sentiment que je ne parvenais pas à déterminer.

Elle m'observa prendre une nouvelle gélule avant que nos plats ne nous soient apportés par Bertha.

— Tu devrais passer nous faire un coucou plus souvent Ever, demanda-t-elle alors avec un air pouvant donner l'impression qu'elle était en colère.

Mais Bertha ne l'était pas. En tout cas, elle ne l'était pas contre moi. En discutant un peu avec ma tante, elle me permit de comprendre qu'en ce moment il y avait la présence de personne en ville qu'elle n'appréciait pas. Alyssa ne la laissa pas continuer cette conversation, préférant se retrouver avec sa nièce en tête à tête.

— Alors, comment vas-tu, Ever ? L'école, ça se passe bien ? Sarah est quelqu'un de gentil et de responsable, mais s'il y a un problème n'hésite pas à m'en parler.

Un échange de banalité. C'était plaisant. Même avec les derniers évènements nous ayant amené à nous séparer, rien ne semblait avoir changé. Mon passage éclair à l'hôpital ne m'avait pas laissé un sentiment aussi appréciable. Voir ma tante fut appréciable, mais surtout utile à ce moment-là. Pour mes médicaments.

Sa main se tendit vers moi, se saisissant de mon visage.

— Tu as des cernes plutôt profondes. Mais tu sembles bien plus en forme.

— Oui.

Je ne dormais pas forcément mieux, mais suffisamment pour pouvoir confirmer ses propos.

Nous entamions notre repas. Rien d'exceptionnel. Steak-frites. Et pourtant, à force de devoir manger les repas de l'école, ce fut l'un des meilleurs repas que j'eu depuis ma séparation avec ma tante. Sarah cuisinait plutôt bien, mais elle n'hésitait pas à mettre du gras dans tous ses plats, là où j'avais tendance à ne presque plus en utiliser. Bertha ne semblait pas avoir la main aussi lourde.

— Pour Halloween...

Halloween. Comment oublier une telle fête lorsque tout tournait autour de la sorcellerie dans ma famille ? Avec mes parents, nous avions pris certaines habitudes. Ma mère organisait une grande fête du matin jusqu'à la fin de la nuit. Elle s'amusait beaucoup avec certains de ses proches amis que je ne connaissais que peu, me laissant profiter à ma manière, notamment en compagnie de Henri, dont le mari préférait également s'amuser à invoquer des esprits avec ma mère et mon père.

Ma tante devait sans aucun doute avoir également ses projets durant une telle fête célébrant l'horreur et le souvenir des morts.

— Sarah organisera une soirée. Rufus retourna sans doute d'où il vient ce jour-là, donc nous pourrons passer la journée ensemble, tu pourrais même dormir de nouveau à la maison. Qu'est-ce que tu en dis ?

Si M. Nolan sera aux abonnés absents...

— Evidemment ! Et Luna me manque.

— Elle t'attend, elle dort encore dans ton lit tous les soirs.

Aurais-je dû l'emmener avec moi ? En partant de la maison, tout ce qui m'importait fut de m'éloigner de cet homme. J'en avais oublié le plus important dans tout ça : Luna.

Après notre repas, ma tante et moi sortions pour nous diriger vers le parking.

— Est-ce que ça te dérange que je fasse un détour ? Je te ramène ensuite chez Sarah.

Pourquoi refuser lorsque cela me donnait l'occasion de rester plus longtemps en sa compagnie ? Mais une fois en voiture, le détour me fit froncer les sourcils d'incompréhension.

Ma tante était sorti de la ville pour emprunter des chemins plus isolés dans la forêt.

« Toutes les forêts se ressemblent », tentais-je de rassurer le sentiment naissant qui me prenait à l'estomac. Prenant tout de même une gélule, au cas-où, je tentais de le cacher à ma tante. Il n'était pas nécessaire qu'elle s'inquiète inutilement.

Nous entrions sur un chemin de terre. Ma tante se gara là, sans plus de précaution.

— Il vaut mieux continuer à pied à partir d'ici.

True Hills portait bien son nom. Les forêts étaient, certes, denses dans le coin, mais toujours dressées sur des collines. Ces mêmes dômes parfois séparaient les bois pour des espaces ouverts vers le ciel.

Comme promis, le chemin que nous empruntions sembla être impossible pour une voiture. Monter, descendre, s'appuyer sur des cailloux formant le sentier de fortune créé par le passage de visiteurs et randonneurs occasionnels. Tout ceci nous mena jusqu'au haut d'une petite dune de terre. Ma tante me tendit la main pour m'aider à me hisser.

« Non, c'est impossible »

Je me figeais, laissant ma tante faire le premier pas pour rejoindre le lieu si particulier, caché de tous. Un lieu que je n'avais jamais visité par le passé, pas même durant mes visites de vacances dans le coin.

— C'est la première fois que je t'emmène ici, n'est-ce pas ? Nous ne sommes pas nombreux à connaître ce lieu.

Un cimetière. Laissé à l'abandon, certaines pierres tombales semblaient être soulevées. Là, les cadavres d'animaux ne prouvaient qu'une funeste vérité. Les corps y venaient mourir, les âmes s'y libéraient.

Ce cimetière en particulier, je le connaissais. Je l'avais visité. En rêve...

— Non, trouvais-je le courage de murmurer mon refus d'accepter ça.

Ce devait sans aucun doute être encore une sorte d'illusion ! Je venais pourtant de prendre mes médicaments...

Mon cœur s'affolait non de bonheur ou d'excitation, mais d'une terreur soudaine.

Le vent se levait, semblant me murmurer un moyen de fuir cette nouvelle version de la réalité dans tout ce qu'elle offrait comme possibilité. Un rêve ne pouvait refléter le vrai, il n'était que le reflet de souvenirs unis pour offrir des histoires sans queue ni tête.

Pourtant...

Mon regard se posa sur Alyssa qui se mettait à cueillir des fleurs avec un large sourire heureux sur la figure.

— Les fleurs fleurissant sur une terre nourrie par la mort. C'est un ingrédient très important.

En temps normal, j'aurais dû lever les yeux au ciel, légèrement agacée de devoir supporter ces théories loufoques et ses histoires de sorcières. Pourtant...

« Non, c'est un hasard. Tu n'es pas une sorcière et la sorcellerie n'existe pas ! »

Je ne voulais pas le croire. Alors, aussi vite qu'il me fallut pour ouvrir le tube, je pris plusieurs de mes gélules en même temps. Suffisamment pour vider la boîte.

— Ever, que fais-tu bon sang ? Ce ne sont pas des bonbons ! Recrache-ça !

Je ne recrachais pas. Bien vide, le monde sembla tourner, ses couleurs changeant et vacillant à volonté ; les formes de la Nature se distordant pour une harmonie impossible. Les réalités se brisaient, je ne voulais plus voir au-delà...

Mes mains agrippèrent les bras de ma tante.

— Je crois que... je vais m'évanouir.

Ce qui devait arriver arriva. Mes jambes fléchirent et ma conscience s'échappa. Je tombais dans les pommes.


Date publication : 27/07/2023

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Date publication : 27/07/2023

Habentis Maleficia | Tome 1 - Sweet DreamsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant