Il était une fois, dans une utopie n'ayant rien à envier du réel, deux amants.
Les fleurs s'ouvraient à l'arrivée du printemps. Les oiseaux chantaient leurs contes merveilleux en d'énigmatiques pépiements.
Les parfums se mêlaient pour donner vie à de nouvelles senteurs. Un arôme de bien-être. Un arôme de bonheur.
Une simple respiration, et le monde devenait inspiration. Fardée, idyllique, ce décor champêtre trouvait sa mécanique par ces sentiments mystiques. Dès lors qu'une pensée aussi fugace cherchait ainsi à raisonner, je n'avais qu'à regarder le ciel, à sentir le parfum de ces roses pour me souvenir : la vie était belle.
— Maman !
Mes sourcils se froncèrent. Une impression de déjà-vu...
Lily et Julie accouraient.
— Regarde, j'ai trouvé un trèfle à quatre feuilles, se vanta Lili.
— C'est même pas vrai d'abord ! Elle a utilisé la magie, la dénonça sa sœur tout aussi vite.
Pour se défendre, Lili montra les crocs.
Leva un doigt, prête à intervenir pour interdire ce genre de comportement, ce sentiment étrange m'en dissuada. Les fillettes se disputèrent puis repartirent pour s'amuser plus loin.
— Vampire et sorcière, pas de tout repos, ria doucement Hale en s'avançant jusqu'à moi.
Ses bras m'enlacèrent avec tendresse.
— Des enfants mi vampire, mi sorcière. Pourquoi aucun livre n'en a jamais parlé ?
Une question réellement posée. Ce genre de chose n'était pas possible.
— Parce qu'aucun des deux espèces avant nous ne s'est jamais aimé.
Jamais.
— Es-tu heureuse maintenant ?
Heureuse...
De la chaleur...
Hale était un vampire. Comment pouvait-il émettre de la chaleur ?
Le malaise me poussa à m'écarter du vampire. Etais-je heureuse ?
— Ne rentre pas, restons ici encore un peu, réclama Hale en me tendant la main.
Mais dans la maison...
La maison n'avait rien de normale. Elle semblait abandonnée, presque délabrée. Et à la fenêtre...
Une silhouette m'observait.
Un frisson de terreur m'enveloppa très vite.
D'un côté, Hale cherchait à m'attirer à ses côtés, auprès de nos filles, et de l'autre... Le spectre sans visage, cette femme mortifiée...
— Je n'ai...
Un éclair de lucidité m'évinça de l'illusion. Je me tournais vers Hale, surprise.
— Je n'ai jamais eu d'enfant.
Je n'avais pas non plus une trentaine d'années, et jamais Henri n'aurait accepté que je porte de tels vêtements de mère modèle.
Soudain, le sol se mit à vibrer. Au loin, des ronces le labouraient, venant droit sur moi. Prenant mes jambes à mon cou, je couru droit vers le manoir hanté dont la porte s'ouvrit pour me laisser entrer. Elle se referma derrière moi, ne laissant résonner que le bruit de fracas des plantes la percutant. Je reculais, observant l'entrée avec effroi. L'inquiétude monta d'un cran lorsque par les fenêtres j'observais ces lianes monter pour étreindre la maison.
— Mais qu'est-ce qu'il se passe ?
Un courant glacial passa dans mon dos. Je me retournais brusquement, pensant apercevoir quelque chose. Le rien auquel je fis face devint bien plus effrayant encore.
Des sanglots firent écho dans le lieu. Et au bout du couloir...
— Madame, est-ce que tout va bien ?
Une silhouette...
En une fraction de seconde, un visage apparu devant le mien, me pétrifiant d'effroi. La femme se trouvait face à moi, fantomatique, les cheveux flottants. Une femme trempée qui cracha de l'eau en voulant me parler.
Puis, peu à peu, elle prit forme pour redevenir une femme comme vivante. Son sourire chaleureux n'eut plus rien de malheureux.
Elle leva la main, la pivotant comme pour actionner un mécanisme invisible. Aussitôt, la maison trouva une apparence bien plus vivante. Une maison que je connaissais bien.
— Je me nomme Circée, se présenta-t-elle.
Elle n'avait pas besoin de se présenter. Quelque chose en elle...
Ma main se tendait, prête à me saisir de son visage, simplement pour pouvoir la toucher. Je n'avais plus peur, bien au contraire.
— Je suis venue pour t'aider.
Je la cru aisément.
Elle me prit la main, m'emmenant en balade pour découvrir ce lieu.
— Est-ce chez toi ?
— C'est tout comme. Il s'agit de la maison de ma seconde famille.
La maison de Louise et de sa famille. J'y avais souvent été auparavant.
— Ever, tu es enfermée dans un sortilège.
Elle m'accompagna jusqu'à un miroir.
— Que vois-tu, Ever ?
— Moi.
Les trente ans que ce rêve m'avait accordé disparurent bien vite. De nouveau, un papillon passa derrière moi.
— Dans mes rêves, un lapin avait pris l'habitude de venir m'aider.
— Il ne pourra rien ici. Tu as réussi à échapper à l'illusion du sort. Mais tu vas devoir affronter la réalité pour le briser.
Nous sortions de la maison. Tout était redevenu calme. La ville était déserte, calme. Trop calme.
Et soudain...
— Débarrassons-nous d'abord de ça.
Circée disparu, chassé par un jeune garçon. Un ado d'une douzaine d'années, tout au plus.
— Putain, mais même ici je n'ai pas le droit d'être normal ? s'énerva-t-il avant de lâcher un soupir rapide en rempli de colère refoulé.
Il s'approcha, me tendant la main.
— Bonjour, giovane ragazza. Mon nom est Roberto. Et je suis ici pour te faire sortir d'un mauvais rêve. Avant que tu ne poses d'inutiles questions, tu es sous l'emprise d'un sort et...
— Je sais.
— Tu sais.
— Circée m'a tout expliqué.
— Circée... Oh, le fantôme, devina-t-il.
Son accent italien était prononcé, il ne faisait pas même l'effort de le retenir.
— Bien, pour briser ce genre de sort, il ne faut pas l'attaquer. Il suffit de précipiter sa fin. Alors suis-moi.
Un attrape-rêve autour du cou, il s'en servit pour ouvrir une sorte de portail magique. Une fois traversé, un nouveau rêve se dressait devant moi.
Roberto avait disparu. Il n'y avait que moi, dans une salle de classe vide.
— Ever.
Hale. Son regard posé sur moi, une expression étrange habillait son visage. De la colère ? Une forme de férocité, c'était certain. Je ne devais pas rester ici.
Le vampire m'avait prouvé qu'il était mauvais.
— Je dois rentrer.
Voulant sortir de la pièce, je fus arrêtée par le bras tendu de Hale. Mon visage se tourna vers le sien, surprise.
— Où crois-tu aller ?
Un déclic se fit entendre, comme celui d'une arme que l'on chargeait. L'instant d'après, le bruit du tir retentit. Je criais de terreur alors que la tête de Hale explosait.
— Voilà une bonne chose de faite, se félicita Roberto.
Non, ce n'était pas Roberto mais une brunette.
— Hé ! Je suis Vicky !
Elle posa son bazooka sur son arme sur son épaule, fière d'elle.
— Circée, Roberto et maintenant Vicky, retins-je un rire nerveux et hystérique.
L'anxiété commençait enfin à gagner mon cœur. Si maintenant mes rêves devenaient gore...
— Ah, Roberto c'est aussi moi, se justifia Vicky.
Je n'y comprenais plus rien.
— Je dois me réveiller.
— Ce gars t'empêchait de sortir de cette strate. On continue, m'indiqua-t-elle sans une once d'émotion.
Avançant dans les couloirs, elle ne cessait d'admirer son arme. Je n'y connaissais rien à ce sujet. Tout ce que je pouvais en dire était rudimentaire : ça pouvait tuer.
— Si tu deviens comme tes parents, il va falloir t'habituer aux cadavres, giovane ragazza.
Je ne voulais pas m'y habituer. Je ne voulais pas être comme mes parents.
M'arrêtant au milieu du couloir, je décidais qu'il en était assez.
— On doit continuer. Il faut te confronter à ton problème de cœur pour pouvoir te réveiller.
— Mon problème de cœur. S'il ne suffit que de ça, alors je le connais.
Au loin, Hale réapparaissait.
— Il n'en a pas eu assez ce soldat ? se prépara Vicky de nouveau à tirer.
— Sors de ma tête !
Elle disparut.
Hale s'approcha.
— Tu es mon problème, affirmais-je d'une voix brisée.
Le vampire était mon problème. Il m'avait trahi, manipulé, menti.
— Je veux seulement que ça s'arrête.
Les ronces grimpèrent aux jambes de Hale, suivant sa main qui se posa contre ma poitrine.
— Laisse-moi te soulager.
Non, il n'en était pas question.
— Je garde mon cœur, je ne te laisserai que ma peur et ma rancœur, Hale.
Un fil rouge sortit de ma poitrine, se déroulant jusqu'à sa limite. Alors, d'un coup sec, je l'y arrachais de nouveau. Cette fois, c'était vraiment fini.
Le rêve se brisait, je devais me réveiller.
Mes paupières s'ouvrirent, accueillant les visages inquiets de sorcières. La présence d'Alyssa fut un soulagement.
— Tante Alyssa...
— Ever, tout va bien à présent, affirma-t-elle en me prenant dans ses bras alors que des larmes m'échappaient.
— On va à la chasse aux vampires ? réclama Raven.
Je m'écartais de cette tendresse pour me lever.
— Non, laissons-les. Je n'ai plus envie de m'y frotter.
***
La surprise était réelle, mais bien peu appréciable. Comme la plupart des surprise auxquelles il se confrontait ces derniers temps.
Charlotte buvait du thé en compagnie de deux autres hommes. Des jumeaux.
— Hale, viens donc t'asseoir avec nous.
Ce n'était pas l'envie qui lui manquait de l'envoyer balader. Cette femme avait anéanti en une seconde son avenir. Son plan de mission avait été détruit. Et son histoire naissante avec sa potentielle Fiancée ? Volé en éclat parce que les arrangements politiques et l'ambition de Charlotte piétinaient tout sur les passages.
Mais maintenant que ces jumeaux se trouvaient là, dans son salon, il comprenait que le pire commençait seulement à arriver. Damien et Vincent étaient les fidèles toutous du Prince héritier.
Décidant tout de même de ne pas obéir à Charlotte, il alla se servir un verre de vin.
Le bar n'était pas éloigné des invités, se trouvant également dans le salon.
— Je racontais à nos invités l'excellente nouvelle. Mon fiancé a retrouvé l'amour perdu du Prince Rainer, n'est-ce pas merveilleux ?
— Espèce de sale...
Le verre éclata dans ses mains, insultant Charlotte à sa place. Elle avait réellement osé !
Le regard des jumeaux, tournés vers lui, était explicite quand à ce qu'il se passerait à présent. Tristan, accompagné de Lorelei, amenait leurs dossiers concernant Ever.
— Nous vous remercions pour vos efforts. La Couronne saura vous récompenser, commença Damien.
— Vous ne...
La main de Vincent se posa sur son épaule, cherchant à rappeler par ce geste la différence qu'il y avait entre eux. Hale était inférieur, il devait obéir.
— Ever More est la propriété du Prince.
— Les sorciers ne vous laisseront pas l'emmener.
— Les sorciers ne s'occupent que des sorciers.
Vincent sourit à pleines dents, révélant ses canines aiguisées. Ils allaient transformer Ever.
Date publication : 02/11/23