« Vous devez toujours être prêt, toujours en vie et toujours prêt à aller dans une nouvelle direction. »
— Kevin Spacey
Pathétique. Vraiment pathétique.
Je me sentais pathétique. Malgré les nombreux avertissements, je n'en avais fait qu'à ma tête, et voilà où tout ceci me menait : pleurer dans ma chambre.
Luna jouait avec le chat, et aucun animal ne venait pour chercher à me faire retrouver le sourire.
Ma tante frappa à ma porte grande ouverte, n'osant pas entrer sans ma permission. Mais en avait-elle réellement besoin avec l'état dans lequel je me trouvais ?
Elle arriva à mes côtés, s'asseyant sur mon lit avec un sourire doux et sincère. Celui que m'aurait donné ma mère si elle s'était trouvée à ici aujourd'hui.
— Tout le monde savait que ça se terminerait comme ça et pas moi. Je suis vraiment trop bête.
— Les vampires ont toujours été d'une nature cruelle, Ever. Ne t'en veux pas d'avoir voulu croire en tes émotions.
Elle se leva, me tendant la main.
— Viens avec moi, j'ai quelqu'un à te présenter.
Acceptant de la suivre, nous sortions de ma chambre pour rejoindre, non pas le salon, mais le bureau de ma tante, à moitié aménagé comme une serre. Je ne m'aventurais jamais ici, il s'agissait d'un lieu privé, n'appartenant qu'à ma tante.
— C'est bon, m'accorda-t-elle son accès.
Elle sortit de sa bibliothèque un vieil album photo. Après nous être installées sur un petit canapé disposé là, elle ouvrit l'album.
— C'est maman ? ouvris-je en grand les yeux.
Alyssa acquiesça.
— Et là c'est moi.
Elles étaient des enfants joyeuses. Deux rouquines avec un autre enfant, plus âgé. Un adolescence occupé à lire.
— Qui est-ce ?
— Ton oncle.
— J'ai un oncle ?
— Fais comme s'il n'existait pas. Nous sommes en froid.
Elle tourna les pages, me montrant d'autres clichés. Elle me présenta également des instants bien plus étranges. De la magie. Ma mère s'entrainait, lançant des sorts extraordinaires, tout comme Alyssa.
— Oh, c'est Kate ! reconnaissais-je le chat, alors chaton.
— Mon familier, venu le jour de mon Éveil.
— Et celui de maman ?
Elle me présenta une nouvelle photo. Ma mère se tenait à côté d'un chiot.
— Un loup, expliqua-t-elle avec le sourire. Ton père.
— Mon...
Mon regard fixa l'animal avant de revenir dévisager ma tante, médusée.
— Comment ça « mon père » ?
— Les familiers peuvent prendre forme humaine. Il n'est pas autorisé au sorcier de tomber amoureux de son familier, mais ce sont des choses qui arrivent.
Mes parents... Une sorcière et son familier...
— Est-ce que c'est pour ça qu'ils doivent fuir ?
— Non. Ah, la voilà !
Elle me présenta l'image d'une femme. Son visage m'était familier. Il s'agissait du vampire s'étant arraché le cœur dans ma vision !
— Voici ta grand-mère. Alice Mortelet.
Alice Mortelet...
Luna arriva à ce moment-là, réclamant qu'on la porte. Elle se joignit à notre moment familial.
— Les Mortelet sont une grande famille de sorciers français. La magie des sorciers français est déjà exceptionnelle, alors je peux te laisser comprendre ce que cela implique pour nous.
Une famille puissante, comme m'avait expliqué Charmant.
— Ma mère, ta grand-mère, s'est marié avec Léon More, un sorcier.
— Je n'ai jamais connu grand-mère.
— Elle est morte avant ta naissance, à cause d'un vampire.
Les vampires avaient fait beaucoup de mal. Pour quelle raison étaient-ils mauvais ? Etait-ce réellement parce que leur nature les y obligeait ?
— Un vampire la pourchassait et parce qu'elle était jolie, il la transforma en vampire à son tour. Le cauchemar ne faisait que commencer.
Elle caressa le portrait du bout des doigts, une expression de nostalgie sur le visage, les yeux brillants.
— Elle s'est enfuie et elle a cherché à guérir. Nous avons cherché un moyen. Mais ce que nous n'avions pas prévu fut l'obsession nouvelle du vampire. Il fit jeter sur elle un sort.
— La Chaîne de l'Amant, devinais-je sans peine.
— Comment sais-tu ?
— J'ai eu une vision de ses derniers instants alors qu'elle s'arrachait le cœur.
Ma grand-mère avait vécu l'enfer à cause d'un vampire. Etait-ce mon destin ? Hale avait-il véritablement voulu m'enchanté de ce sort à son tour ?
La raison m'échappait. D'autant plus que ce dernier en aimait une autre. Il était fiancé avec une femme bien différente. Elle ne me ressemblait en rien. Des yeux cramoisies, des cheveux sombres, une silhouette parfaite. Elle était également une femme, une adulte.
Ma tante me parla encore d'histoires de famille. Ma grand-mère semblait avoir été formidable, Alyssa l'adulant.
— Je n'ai jamais rencontré grand-père.
— Il... Hm... Il est en maison de retraire.
La question semblait susciter quelques désagréments.
— Il arrive qu'en vieillissant, les sorciers rencontres des difficultés. Ton grand-père n'a plus de familier et sa magie se manifeste à l'improviste. Il existe donc des établissements spécialisés pour les sorciers seniors.
Voilà la raison pour laquelle je ne connaissais rien de lui. mes parents m'ayant toujours préservé de ce monde magique, rencontrer mon grand-père aurait été contreproductif.
— Oh, j'oubliais, s'écria soudain Alyssa. J'ai reçu un colis de la part de Henri Paon.
Ni une ni deux, je m'élançais hors de la pièce pour rejoindre le salon, attendant le retour de ma tante avec le fameux colis.
En l'ouvrant, je découvris des vêtements emballés dans des sacs sous vide.
Henri m'avait envoyé des tenues différentes de ce que j'avais l'habitude de porter. Des vêtements chics et élégants, j'allais donner l'allure d'une gosse de riche.
— Cet Henri a vraiment bon goût lorsque cela te concerne. Tu aimes ?
Je n'avais pas réellement de préférence vestimentaire. J'appréciais toujours ce que m'offrait Henri.
— Lorsque tu étais toute petite, tu étais très pointilleuse sur ce que tu portais. Avec Henri, tu n'as plus jamais été déçue.
Je ne m'en souvenais pas.
Mais une toute autre tenue attira nos regards. Ma tante s'empara de la robe mousseline. Un col v, la robe donnant l'illusion d'un ras du sol offrait des allures de demoiselle d'honneur. Son rouge était splendide, et la broderie, sans aucun doute faite main, s'harmonisait de paillettes. Je n'aimais pas les paillettes mais ici... Il s'agissait d'un tout. Une cape était cousue aux épaules de manière discrète, intégrer à l'œuvre. Il semblait également que la robe était fendue.
Pourquoi m'avait-il envoyé une tenue de soirée aussi élaborée ?
— Ce doit être pour la soirée All Hallow's Eve.
— La soirée All Hallow's Eve ? Qu'est-ce que c'est ?
— Halloween. Chaque année, Sarah organise une grande réception. Ses invités sont de marques. Ses protégés s'y rendent également.
— Une fête d'Halloween ?
Mes parents avaient eu l'habitude d'en faire également. avant Louise et les soirées films d'horreur qu'elle estimait être la vraie tradition d'Halloween, avec mes parents nous avions l'habitude de recevoir des invités. Des proches de ma mère.
Mon père et moi ne restions pas toute la soirée, ma mère la finissant avec ses amis pour des rituels de sorcières. Elle ne se cachait pas d'en être une, mais sa discrétion lui avait permis de me faire avaler qu'il ne s'agissait que de superstitions et de croyances farfelues.
Aujourd'hui, j'en doutais.
Sarah avait-elle l'intention de réaliser ce genre de soirée ?
— J'y serai également, comme tous les ans. C'est l'occasion d'agrandir son carnet de contact mais également de pratiquer les plus puissants rituels et sortilèges. Oh, Henri a laissé une note.
Elle s'empara du papier dans la housse.
— « A ma petite sorcière préférée. La plus merveilleuse des robes sur le thème du Chaperon Rouge. Si tu te laisses dévorer par le Loup, je deviendrai son chasseur. »
— Attends, Henri est un sorcier ?
— Pas le moins du monde. C'est un humain.
— Mais alors, comment sait-il que... ?
— Son mari est un sorcier.
— Oh...
Le mariage entre un sorcier et un humain était donc autorisé ?
Alyssa sembla lire dans mes pensées.
— Si l'amour est véritable, nos lois l'acceptent. Mais le contrat de mariage est obligatoire et magique. Si Henri va à l'encontre des contraintes imposées dans le contrat, il souffrira jusqu'à ce que mort s'en suive.
Finalement, le monde des sorcières gardait un côté terrifiant.
Alyssa m'aida à ranger mes affaires. En essayant les tenues, Henri sembla de nouveau avoir visé pile la bonne taille.
— Tiens, ta robe de soirée semble être sous un sortilège. J'ai hâte de voir ce que cela cache.
Ma tante me complimenta à chaque tenue que je mettais. Nora aurait adoré assister à ce moment, elle qui aimait le shopping et la marque de Henri. Et, étrangement, j'appréciais. Cela me permettait d'oublier Hale quelques instants et d'arrêter de me poser des questions.
Luna arriva à nos côtés, installée sur le dos de Kate. Était-ce un comportement habituel ?
Bien évidemment, elle tomba, nous faisant éclater de rire.
Soudain, une illusion me sortit de ce moment heureux. Un fil rouge. Il était plus fin mais toujours présent, sortant de ma poitrine et disparaissant dehors comme pour m'indiquer une direction. Sans doute m'incitait-il à retrouver Hale ?
— Ever, que se passe-t-il ?
— Tu crois... Tu crois qu'il faisait vraiment semblant ?
J'étais consciente que l'on pouvait jouer la comédie, que certains s'amusaient à manipuler les autres par pur plaisir. Mais Hale...
— Les vampires sont ainsi faits, on ne les changera pas.
— Mais on peut les oublier ! s'écria alors une personne au balcon.
Ma tante et moi-même sursautions de terreur alors que Nora nous faisait un signe de la main, cachant au mieux son épuisement d'avoir grimpé jusqu'ici.
— Ever, on sort... Oh bordel ! Ces vêtements !
— Nora, on ne traine pas, s'énerva Raven, toujours au sol et ne l'ayant pas rejointe dans son entreprise.
J'arrivais sur le balcon, observant Raven installée contre une voiture. Eric était également présent.
— Salut Ever. Une soirée avec d'autres du bahut, sans magie, ça te dit ?
— Bien sûr qu'elle est d'accord. Elle vient d'être larguée par un vampire.
Date publication : 12/10/2023