Hale me quitta lorsque j'arrivais devant le portail de la maison d'Alyssa. Il n'avait pas eu besoin de mon GPS pour trouver le chemin jusque chez moi. Une mémoire exceptionnelle à en rendre jaloux. Un seul coup d'œil à mon portable avait suffi pour qu'il connaisse les chemins à emprunter.
Je me tournais vers lui, un grand sourire aux lèvres.
— C'est chez moi.
Stupide ! Bien sûr que c'était chez moi !
— Encore merci de m'avoir raccompagné. Ça va aller pour rentrer de ton côté ?
— Je ne suis pas garé très loin.
Après une sorte d'hésitation, il accepta de me laisser seule, faisant volte-face pour repartir de l'autre côté.
J'ouvrais le portail et me dirigeais vers la porte d'entrée. La main tendue, prête à entrer, mon geste demeura en suspens. La porte était entrouverte. Ce n'était pas normal.
Aura-je dû demander à Hale de rester plus longtemps ?
J'attrapais la poignée de la porte, préparée au moindre danger. Il était anormal que celle-ci ne soit pas fermée à une heure aussi tardive. Ma tante n'était pas aussi imprudente.
Bien au lieu de voir une maison en désordre à cause du passage d'un voleur, je découvris ma tante debout, face à une personne que je ne connaissais pas. Un rouquin à la longue chevelure et dont le regard sévère ne me plaisait pas.
Je fermais la porte derrière moi. Ma tante, qui avait les yeux baissés, les releva dans ma direction.
— Alyssa, tout va bien ? lui demandais-je en regardant l'inconnu avec méfiance.
Jamais ma tante n'avait baissé les yeux face à quelqu'un. Pas même devant les médecins insistants ou des connards arrogants.
— Tout va bien Ever. Je te présente M. Nolan.
Celui-ci entrouvrit les lèvres en observant ma tante, comme pour contredire quelque chose, mais ne dit mot, reportant son attention sur moi.
— Tu dois être Ever.
Sa voix était rauque. C'était une voix qui s'harmonisait bien avec son visage toujours aussi impassible.
Mais bien vite, un gros bruit nous obligea à regarder dans la rue.
Dans mon dos, un vrombissement de moteur et des crissements de pneus attirèrent l'attention.
D'une voiture de sport à la marque incertaine sortit une femme que je n'avais pas vu souvent. Sarah Blackwood, la mère de Raven. Un halo de lumière l'enveloppait élégamment. Le Soleil ne tarderait pas à se coucher.
Laissant claquer ses talons aiguilles à même le béton, elle traversa la petite entrée, refermant la porte derrière nous avant de retirer ses lunettes en un geste particulièrement hautain.
— Je vais m'occuper du reste, Alyssa. N'ai crainte.
Elle eut un regard méprisant pour l'homme, le jaugeant de la tête au pied.
— Ce ne sont pas tes affaires, Sarah.
— Tu es sur mon territoire. Ce sont mes affaires.
— Ever est une éveillée. Je...
— Je serai celle qui supervisera la chose. Ever More est sous ma responsabilité.
Un silence officiel s'imposa dans le lieu. La conversation semblait me concerner, mais je n'en pipais mot.
— Excusez-moi, est-ce que... ?
Alyssa secoua de la tête pour me déconseiller d'intervenir.
— Souhaites-tu devenir le Marâtre d'Ever More ?
— Tu n'as pas à faire ça, Sarah.
Sarah leva la main pour faire taire ma tante.
— Ever est amie avec Raven. Elle soupoudrerait chacun de mes repas de ses poisons multiples si je n'intervenai pas. J'en prends la responsabilité.
— Qu'il en soit ainsi. Allons ailleurs pour discuter des détails.
Il l'emmena dans la cuisine, me laissant avec ma tante.
— Alyssa, qu'est-ce qu'il se passe ?
— Je t'en parlerai plus tard.
— Que fait la mère de Raven ici ? Et qui est cet homme ?
— Sarah est une amie.
Elle ne répondit pas à ma deuxième question, lançant un regard inquiet pour la cuisine.
— Ta journée s'est bien passée ? me demanda-t-elle alors.
« Je me suis faites agressée »
— Oui.
Aurais-je dû parler de mon absence, de ma « téléportation » que je rationnalisais difficilement ? Connaissant ma tante, elle aurait tout aussi bien été capable de me faire passer une IRM que de me déclarer sorcière. Je n'avais pas besoin de ce genre de réponse, alors je préférai garder le silence pour l'instant.
Certes, je devais en parler à ma tante, mais je le lui dirai lorsque les invités seraient partit.
— Alyssa, dis-moi qui est cet homme. Qu'est-ce qu'il me veut ? Et c'est quoi cette histoire de « Marâtre » ?
Elle s'apprêta à répondre lorsque l'intéressé sortit de la cuisine.
— Je suis Rufus Nolan, se présenta l'homme. Et je vais rester ici quelques jours.
Ma tante reposa se leva précipitamment.
— Comment ? Mais Rufus...
Celui-ci lui lança un regard imposant et ma tante décida de ne rien ajouter de plus. Elle ne cacha pas sa fureur pour autant.
— Il ne pourra pas intervenir sans ma présence et mon consentement préalable, lui assura Sarah.
— Mais bon sang, quelqu'un peut-il m'expliquer ce qu'il se passe ! explosais-je enfin, agacée d'être le centre d'une discussion incompréhensible.
Un énorme bruit me fit sursauter alors que la fenêtre du salon s'ouvrait en fracas, une bourrasque balayant les lieux pour laisser entrer des feuilles et faire tomber quelques objets... Et un lapin. Luna venait de nous rejoindre. Je voulus la récupérer, avant de comprendre qu'il ne s'agissait pas de Luna. Ce lapin-ci m'attirait, cherchait à me montrer une issue.
Sortant de nouveau mes médicaments, ne prenant pas le temps de me demander s'il était judicieux ou non d'en prendre autant en si peu de temps, j'avalais de nouveau une gélule.
Alyssa se précipita vers la fenêtre pour arranger le lieu et refermer cette dernière sous le regard de Rufus. Sarah s'empara de mon flacon.
— Ces médicaments...
Elle était psychiatre de ce que j'en savais. Elle devait sans doute avoir son idée sur les raisons me poussant à prendre ces médicaments.
— Cache-les, ne les montre pas à cet homme.
Elle m'aida à les ranger, ne laissant pas Rufus s'apercevoir de quoique ce soit.
— Ever, pour l'instant tu ne comprendrais pas. Fais comme si de rien était. Et si dans ton quotidien des choses étranges se produisent, tiens-moi au courant immédiatement, me conseilla-t-elle. D'accord ?
Des choses étranges comme une absence de mon esprit m'ayant fait voyager en quelques minutes d'une ville à l'autre ?
Je ne connaissais pas Sarah, et plus le temps passait, plus je constatais que ma tante n'était pas la seule à être étrange à True Hills.
Date publication : 14/05/2023