— Oh bordel...
Nora et Raven cachaient plus facilement leur stupéfaction devant ce spectacle des plus étranges.
Pour cette « soirée » avec d'autres camarades d'école, il n'y avait eu qu'une destination : tous chez Eric ! Des parents absents et une grande maison vide...
Mon doigt pointa quelque chose au-dessus de la maison d'Eric.
— C'est... un dragon ?
— Sans doute un tour de ma sœur, soupira Eric. Elle se la joue grande sorcière qu'elle a réussi son examen pour le titre de Mage.
— Une école pour sorcier ?
— Pas vraiment. Disons plutôt une université pour sorcier ?
De la magie. Partout !
Des baguettes de magie étaient sorties, leurs propriétaires s'amusant à jeter des sorts amusants.
Des feux d'artifices magiques, des créatures monstrueuses, des déformations de visages, des potions changeant les apparences... J'en loupais sans doute beaucoup d'autres !
— Eric, tu ne m'avais pas dit qu'il s'agissait d'une soirée pour sorcier, s'émerveilla Nora.
Quelques visages m'étaient familiers. Des gens du bahut s'y trouvait !
— La zone est protégée par un Voile, nous rassura le copain de Nora. Alors magie non-autorisée en dehors des limites des nains de jardins.
Il nous montra les nains de jardin dans les pelouses.
Eric nous déroba Nora, me laissant avec une Raven plus intimidée que moi. Tellement déstabilisée que lorsqu'un gars déjà torché s'approcha, elle lui fila une droite très bruyante. Lui avait-elle cassé la mâchoire ?
— Il respire, relax Ever.
— Quand faut y'aller...
L'intérieur était tout aussi plein d'individus, me laissant comprendre que les sorciers n'étaient pas en voie de disparition. Apparemment, il en venait des jeunes de toutes la région.
On se draguait avec nos Eveils, on s'embrassait après avoir pris des potions en cacheton, on dansait dès que l'on humait une fumée capable de faire voler...
— Je sais que citer les films Harry Potter serait vraiment cliché dans cette situation mais... J'adore la magie.
Les caves à vins déjà dévalisées. C'était à la fois vivifiant de voir toutes ces bouteilles et absolument détestable de constater qu'elles seraient bues sans recevoir le respect que l'on devait à des bouteilles de grands crus français. Le vin s'appréciait, il ne se buvait pas dans le but de se déchirer.
La bière était d'ailleurs bien plus présentes, accompagnées de ses gobelets rouges et moches.
— Rouge et moche ? Super nouvelle couleur, sembla lire dans mes pensées Nora.
Elle revenait, seule.
— J'ai pris un cacheton et depuis je lis dans les pensées. Trop top !
Raven se mit à réciter une formule – trop vite pour que j'ai le temps de la comprendre – avant d'écraser une araignée dans ses mains. Comment faisait-elle pour toujours avoir de ces horreurs à ces côtés ?
— Oh non, Raven, c'est pas du jeu. Je voulais aussi lire dans tes pensées. Bon pas grave, on a encore notre petite sirène... Je veux dire notre petite sorcière.
— Nora, ces liseuses de pensées sont des drogues. Tu n'es déjà plus sobre.
Une piscine... Il y avait une piscine dehors, et pleins de personnes autour pour user de magie d'eau.
— Eveil larmoyant, me désigna Nora en pointant ceux autour de la piscine. Naturel pour là-bas. Raven risque d'y passer un petit moment d'ailleurs. Brûlant c'est vers le barbecue. Ah, et les danseurs, les aériens.
— Et les autres Eveils.
— Lunaire ils doivent être sur le toit, et solaire... Les plus canons.
— Ancestral et Prophétique.
— Les dépressifs super-flippant et les prophétiques sont inexistants. Ils connaissent déjà la fin de la soirée, ils les gâchent tout le temps du coup. Ah, et on a des sacrifices humains.
— Quoi ?
— Je plaisante, ça existe pas. Sauf peut-être pour certains sorts en magie noire et rouge.
Entre excitation et terreur, tout ici me terrifiait autant que cela me rendait euphorique.
— Premier shot les filles ? nous proposa un bel inconnu.
— Darren, tu arrives à pic. Ever, la tradition c'est la tradition.
— Et la tradition dit...
Nora esquissa un sourire devant ma question.
— La tradition veut que tout le monde boit un premier shot à son arrivée dans la soirée.
— Raven...
— Elle en est à son quatrième, nous désigna Darren en désignant notre amie du regard.
Raven la sombre gothique dansait parmi des fleurs magiques, les cheveux détachées. Elle était devenue bien moins lugubre. Comme une sorte de nymphe habillée en noire.
— Ouais, une nymphe, confirma Nora, lisant dans mes pensées. T'inquiète, l'effet de lire dans les pensées est temporaires. Oh, mais oui Darren, je vais te présenter à la jolie rouquine. Ever.
Elle se tourna vers moi, me tendant un verre de shot.
— Voici Darren, l'un des bons amis d'Eric. Il est canon, intelligent, sportif,...
Elle continua à me faire son éloge, amusant ce Darren qui s'en désintéressa bien vite pour trinquer à mon premier shot.
— Cul sec.
« Jamais but d'alcool » et « moins de dix-huit ans » ne pouvaient pas correspondre avec le terme « cul sec ». Alors lorsque ce fut fait, évidemment que ma gorge me brûla à en pleurer, m'obligeant à tousser comme une dingue.
— Et elle n'a pas vomi ! déclara Nora, attirant alors un tonnerre d'applaudissement de tous les sorciers.
Darren nous salua avant de rejoindre ses amis.
Les amis d'Eric étaient tous des garçons sportifs aux corps inutilement digne de fantasme et aux visages totalement craquant.
— Et ce sont tous des sorciers, m'intima Nora à l'oreille. D'ailleurs, est-ce que Darren ne serait pas en train de te regarder ?
Darren arborait un jolie sourire tout en tenant une bouteille de Sancerre à la main.
— Je... Je suis encore en rupture.
— Rien de mieux qu'un homme pour en oublier un autre. Et le sorcier est le remède miracle pour oublier le vampire.
— Oh, t'es Ever , La sorcière encore en train de s'éveiller ? nous interrompit un inconnu.
Aussitôt, un tas d'autres sorciers s'agglutinèrent.
— Super ça ! Ta magie est instable, ça va être trop drôle.
L'instant suivant, ces mêmes sorciers me firent prononcer des formules magiques. Et l'une d'entre elles...
— Trop d'la balle !
Alors que je terminais l'incantation, un garçon s'empressant de me faire une belle entaille dans la main pour me pousser ensuite à tracer un symbole au sol, la maison se mit à grandir de l'intérieur sous le regard amusé des sorciers en herbe. Un intérieur de grand manoir. Le bal des sorcières repris, ces sorciers volant en jouant à Peter Pan.
— La magie des non-éveillée est franchement trop puissante.
— Deuxième shot ! cria un autre camarade.
Et au deuxième, plus rien n'eut d'importance. Je lisais toutes les formules qu'on voulait me faire lire.
Eric descendait les escaliers depuis l'étage, d'autres bouteilles à la main et Nora – que je n'avais pas vu me quitter – sur son dos.
Tous s'amusaient. Moi compris.
Darren arriva dans mon dos, me proposant un verre de vin.
« Va te faire foutre, Hale. »
Il me proposa une pilule magique. Et une fois prise... Le monde devint très différent. Un rire nerveux m'enveloppa.
— Il fait très... Chaud. Ouh là, et tout est vraiment rose.
La chanson « La vie en rose » se mit à jouer.
— Est-ce que c'est moi qui... ?
— Bien sûr Ever, tu as changé la chanson.
Un autre verre. Le dernier. Ma mémoire s'arrêta de fonctionner.
***
Un troupeau d'éléphant piétinait mon crâne... Non, un troupeau de dinosaures immenses et très lourds.
Ma tante m'avait offert un café pour m'aider, hésitante toute la matinée entre me sermonner et se moquer de ma gueule de bois. Finalement, elle avait opté pour m'accompagner jusque devant l'école.
— Il n'y a pas de Soleil, commenta la détestable voix de Raven.
— Va te faire foutre, je suis pas d'humeur, grognais-je en me tournant vers elle.
Cela amusa Nora. Mais pas moi.
— Pourquoi j'ai l'air d'être la seule à trinquer pour hier ?
— Le premier shot t'empêche normalement de ne pas avoir de gueule de bois. Mais tu as abusé des élixirs magiques hier. Et tu as testé toutes les pilules.
— Ne profite pas de mon amnésie pour inventer des trucs.
Aussitôt, Nora sortit son téléphone pour me faire visionner des photos. Et des vidéos.
Je me voyais en train de danser sur une table en réalisant des mouvement entre le très sexy vraiment bien effectué et la pieuvre ne contrôlant pas ses tentacules.
Et après la danse, je réalisais des sorts de mémoires dérobées dans des bouquins et...
— Oh non, grimaçais-je de dégoût pour la dévergondée que je découvrais à travers les vidéos prises de la soirée.
J'embrassais Darren.
Ensuite, jouer à une course de brouette dans les escaliers, ou j'étais la brouette et un inconnue me guidait. Nous avions gagné apparemment.
— Après, t'as découvert la cachette secrète du père d'Eric. Des élixirs. Bref, voici une partie des réponses que ta mémoire a préféré oublier.
— Fais chier.
Je voulus entrer dans le bâtiment mais la porte se referma sur moi. Littéralement. Manquant de tomber, ce ne fut ni Nora ni Raven qui ne vinrent à mon secours mais quelqu'un que je ne voulais vraiment pas voir : Hale.
— Est-ce que ça va ?
— Je viens de me cogner la tête contre une porte qui s'est refermée sur moi, j'ai une tête plus grosse que le cœur d'une baleine, mes yeux ne supportent pas la lumière, ma bouche est pâteuse. Oh, et le garçon que je pensais aimer m'a lancé un putain de sort pour m'ensorceler et il est un vampire qui, en plus, a une fiancée. T'en as d'autres des questions à la con comme ça ou je peux aller en cours pour m'endormir en espérant rallonger ma nuit écourtée par l'alcool, la magie et un gars canon ?
— Un gars canon ?
— Ah, dévoilais-je mes dents dans un rire sarcastique. Evidemment, ça t'intéresse. Alors ouais, j'ai roulé un pelle à un sorcier super mignon.
Observant autour de lui, il me saisit au poignet, me tirant dehors, dans le parc de l'école. Evidemment, il voulait éviter qu'on l'entende. Manque de chance, les vampires de son trio se trouvaient non-loin et ma propre bande semblait également me suivre de près.
— Ever, concernant ce sort...
— La Chaîne de l'Amant ? Ah, alors tu l'avoues, c'est ça ?
Ce silence, toujours ce silence lorsque mes réponses n'auraient été qu'un mensonge ou une déception offerte par la vérité.
— Ever, ça ne signifie pas...
— Laisse tomber, je ne tomberai pas dans le panneau. Laisse ton sort là où il est, il ne fonctionnera plus sur moi. Je n'ai pas confiance. Tu es un vampire, et les vampires sont des monstres sanguinaires.
— Charlotte n'est pas ce genre de fiancée. Il ne s'agit que d'un arrangement, il n'y a pas de sentiment.
Le pire dans cette histoire ? Je savais qu'il me mentait. Il n'était pas nécessaire d'essayer de le croire.
— Je l'ai vu, Hale. J'ai eu une vision de toi l'embrassant. On ne fait pas ça sans amour.
— Bien sûr que si, c'est simulable.
— Tu sais quoi ? Moi aussi j'ai embrassé un autre. Un sorcier bien plus beau et intelligent que toi. Et il embrassait tellement bien que je pense « simuler » des émotions pour lui. Qui sait ? Je pourrai même lui lancer un filtre d'amour ou une Chaîne de l'Amant ? Au moins, il ne jouera pas la comédie contrairement au menteur qui prétendait avoir des sentiments.
Sa main s'écrasa sur mon cou, m'obligeant à lui faire face tout en brisant le peu d'espace nous séparant. Il ne serrait pas sa prise, son but n'était pas de me tuer. Il voulait seulement me faire peur, m'intimider. Evidemment.
— Plus de sort, murmura-t-il au creux de mon oreille. Tu veux voir mon vrai visage. Ne le regrette pas ensuite.
Ses yeux devinrent aussi rouge que les pétales du coquelicot. Sa bouche entrouverte laissa des crocs apparaitre. Il n'y avait rien d'humain à cette apparence, les oreilles pointant légèrement, et le regard du prédateur laissant croire à n'importe qui le croisant qu'il serait une proie bonne à fuir.
Si j'avais peur ? Le corps tremblait mais l'esprit cherchait à combattre l'instinct de fuite. Ce serait inutile. Pouvais-je me défendre ?
Bien vite, une vision m'attira à observer un tout autre phénomène.
Le sol respirait, quelque chose le soulevait comme au passage d'un ver dans le sable. Cette chose cherchait. Et lorsqu'elle trouva, les ronces sortirent du sol.
« Et bien sûr, je suis la seule à voir ça ! »
M'encerclant, cette barrière végétale se resserra.
— Aïe, rouspétais-je en sentant une piqûre sur mon doigt.
Hale me lâcha, prenant tout aussi vite ma main. Une perle de sang s'y forma. Il exprima de la surprise et de l'inquiétude.
— Eloigne-toi d'elle ! s'écria Nora. Ever, lutte !
Lutter à quoi ? A Hale ?
Seulement, lorsque le sommeil commença à chasser mes maux de tête et balaya toutes mes pensées, le message devint bien plus évidant. Lutter contre cette fatigue. Mais comment faire ?
Je tombais dans les bras de Hale.
— Que m'as-tu fait ?
— Rien, paniqua-t-il alors. Je n'ai rien fait.
Oui, il paniquait, cherchant à comprendre. Mes yeux se fermèrent. Je m'endormais.
Date publication : 19/10/23