CHAPITRE TREIZE
« Le week-end dernier, elle a tellement bu qu'elle a perdu connaissance. »
* * *
Après les cours, Laura Brantley m'intercepte sur le parking. Elle s'arrête devant moi au volant de sa Saab noire tandis que je clos une conversation téléphonique avec ma mère.
— Hé, Miss Désintox, tu veux faire un tour ? Crie-t-elle.
Elle porte une casquette de base-ball Hurley qui appartenait à Raj.
— Non merci. Ma mère vient me chercher.
— Rappelle-la. Dis-lui que tu as trouvé quelqu'un pour te ramener. J'ai un truc à te demander.
J'ignore ce qu'elle me veut, mais je suis curieuse de le découvrir. En plus, maman a un cours de cuisine et elle n'arrivera pas avant une demie-heure.
Je monte dans la voiture de Laura. Elle démarre, s'envole par-dessus les ralentisseurs et quitte le parking comme une fusée.
— Tu veux un bout de pizza ? Propose-t-elle.
— Non, pas franchement.
Je serre les dents et m'accroche à tout ce qui dépasse.
— Moi si. Ça t'ennuie si on fait un saut à Hot Lips Pizza, au bout de la rue ?
— Non.
Elle pile devant la pizzeria. Il y a d'autres élèves d'Evergreen ici. Laura Brantley a une réputation de fêtarde. Elle est aussi connue pour être sexy et pour sortir avec un tas garçons. Du coup, on ne passe pas inaperçues.
Elle achète une part de pizza pepperoni. Comme par magie, pile à ce moment-là, la meilleure table se vide et nous tend les bras. Laura glisse sur la banquette et mord à pleines dents dans sa pizza. Je m'installe en face d'elle.
— Alors, dit-elle.
Je la dévisage.
— Alors quoi ?
— Comment ça va ?
— Bien. C'est tout ce que tu voulais savoir, Laura ?
— Non. Pourquoi tu es si susceptible ?
— Peut-être parce que tes amis et toi, vous vous êtes foutus de moi à la cafét', ce midi ?
— De quoi tu parles ? On ne s'est pas moqué de toi. Arrête la parano.
Bon, elle marque un point. En réalité, je ne sais ce qu'ils se sont dit.
— Je voulais te poser une question, continue-t-elle. C'est à propos de ma soeur.
— Je ne savais pas que tu avais une soeur.
— Si. Elle est en Troisième. Et elle a des problèmes.
Je ne m'attendais pas à cette révélation. Je tourne la têt Evers une bande de garçons serrés autour d'un jeu d'arcade.
— Je ne suis pas sûre d'être la bonne personne pour parler de ça.
— Ses ennuis n'ont rien à avoir avec l'école. Non, ce qu'il y a, c'est qu'elle fait trop la fête. Beaucoup trop. Le week-end dernier, elle a tellement bu qu'elle a perdu connaissance. La police l'a retrouvée dans Raleigh Park.
C'est fou. Pour ma première beuverie, je me suis évanouie dans Raleigh Park. Et après, je me suis fait ramasser par la police.
— Mes parents flippent. Forcément. Et puis, il y en a d'autres qui prétendent que ce n'est pas grave. « Non, ça va — elle ne tient pas l'alcool, c'est tout. » Mais si, elle tient l'alcool. Mieux que toi ou moi. C'est bien ce qui m'inquiète. Si on faisait un concours, on roulerait sous la table avant elle.
J'en doute, mais je ne dis rien.
— Elle sort avec Bryce Handler. Il est hyper canon. Ça aussi, ça craint. Elle obtient tout ce qu'elle veut. Elle n'a qu'à claquer des doigts. Surtout avec les garçons.
— Elle s'appelle comment ?
— Khloé. Je serais surprise que tu la connaisses, même si elle est en train de se bâtir une sacrée réputation. (Laura se penche en avant.) Les gens me trouvent pas sérieuse ? Eh bien, elle, elle est dix fois pire que moi.
— Hmm, ça fait beaucoup.
Laura croque dans sa pizza.
— Je pensais que tu aurais peut-être des conseils à me donner.
— Vous pourriez l'envoyer en cure. Là où j'étais, il y avait une fille de quinze ans.
— Je crois que mes parents envisagent de la mettre dans un de ces camps scouts — le genre « qui aime bien, châtie bien », tu vois ? C'est mieux, à ton avis ?
— Aucune idée. De toute façon, tant que la personne n'a pas vraiment envie de changer, ça ne sert à rien.
— C'est exactement ce que j'essaie d'expliquer à ma mère. Khloé n'a pas encore atteint ce stade. En ce moment, elle cherche juste à énerver un maximum de monde. Elle ferait n'importe quoi pour attirer l'attention.
— On en est tous là, je soupire. On en est tous là.