Aurore-3

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Aurore consulta son portable pour la énième fois et poussa un soupir de frustration. Sa source avait plus d'une heure de retard, ce qui ne lui ressemblait pas. À tous les coups, la police avait dû restreindre ses déplacements ou à tout le moins les surveiller. Mais si c'était le cas, pourquoi lui avoir donné rendez-vous ici ? Les premières notes de la Jeune fille et la Mort tintèrent et Aurore ferma les yeux. Il ne manquait plus que ça. Pendant un instant, elle envisagea de mettre son portable en mode avion et de le fourrer tout au fond de son sac mais ce faisant, elle ne ferait que retarder l'inéluctable. Son interlocuteur rappellerait encore et encore jusqu'à ce qu'elle craque et finisse par décrocher.

- Allô ?

- Qu'est-ce que tu attends pour agir ? Tu es ici depuis un siècle et je n'ai pas vu un seul de tes articles.

- Bonjour à toi aussi. Je vais très bien, merci de me le demander. Comment ? Tu t'excuses de ne pas m'avoir appelée hier pour me souhaiter un Joyeux Noël ?

- Je t'ai appelée une bonne trentaine de fois. Je n'y peux rien si tu ne décroches pas ton téléphone.

- Parce que je n'ai pas envie d'entendre tes reproches, surtout pas hier.

Aurore regretta d'avoir décroché quand elle vit sa source s'approcher d'elle, en s'arrêtant toutes les dix secondes pour regarder autour d'elle.

- Désolée, je dois raccrocher. Je te rappelle plus tard.

- Non, ne t'avise surtout pas de...



Aurore coupa la communication et mit son portable en mode silencieux. Elle n'aurait vraiment pas dû décrocher. Maintenant, elle était contrariée. Elle fit de son mieux pour faire abstraction de ce sentiment et se força à sourire. Elle avait investi trop de temps, d'efforts et surtout d'argent dans son projet personnel et maintenant qu'elle était proche de son objectif, il était hors de question qu'elle fasse tout foirer.

- J'ai cru que vous m'aviez posé un lapin. J'étais sur le point de partir.

- Je n'ai pas eu le temps de vous prévenir. J'ai été retardée par la police. Ils ont passé une bonne partie de l'après-midi au manoir. Personne n'avait le droit ni d'entrer ni de sortir. Ils nous ont tous réinterrogés et après je les ai vus tout mettre sens dessus dessous.

Tiens, tiens, tiens. La police devait avoir de nouveaux éléments. Éléments dont, si elle la jouait fine, Aurore pouvait en tirer parti.

- Quelles questions vous ont-ils posées ?

Sa source regarda autour d'elle – précaution inutile, il n'y avait pas un chat – avant de se mettre à chuchoter.

- Est-ce qu'on avait vu quelqu'un rôder près du manoir pendant la fête ? Est-ce qu'on avait remarqué si un objet avait disparu ou changé de place ? Est-ce qu'un objet se trouvait à un endroit où il n'aurait pas dû être ? Ce genre de questions.

- Ils ont trouvé quelque chose en fouillant le manoir ?

- Rien du tout. Mais ils se sont attardés dans la chambre de Madame Murphy. Pas la mère, la veuve.

En voilà une nouvelle intéressante.

- Écoutez, je sais que vous m'avez donné de l'argent et tout mais là, ça devient trop risqué. Ça grouille de flics partout !

- Nous avons un accord, lui rappela Aurore.

- Ça, c'était avant le meurtre ! Imaginez que je me fasse surprendre ? La police pourrait se faire de fausses idées à votre sujet. Je dis ça, c'est pour vous.

Les yeux d'Aurore se rétrécirent.

- Combien ?

- Le double.

- Vous vous foutez de moi ! Vos informations ne valent pas ce prix là !

Sa source prit un air matois.

- Je ne suis pas stupide. Vous avez plus besoin de moi que moi de vous. J'sais pas ce que vous mijotez et j'm'en fous, mais sans moi, vous êtes foutue.

- Je peux très bien demander à un autre employé...

- Ah ben bonne chance alors pour tirer quelque chose de ces lèche-culs. Ils ont tous les jetons à cause de la reine mère. Non ma jolie, vous n'avez que moi. Allez, je vais vous faire une fleur, parce que je vous aime bien. Cette info là, je vous la file gratis. Vous verrez qu'après, vous serez même prête à me filer le triple.


Futé. Très futé. Appâter le poisson avant de le ferrer. Aurore avait déjà utilisé cette tactique à plusieurs reprises, avec toujours le même succès.

- Je vous écoute.

- L'autre jour, il y a cet avocat qui est venu les voir à propos du testament de Monsieur. Matthew Collins. C'est son nom.

Lorsque sa source eut fini de parler, Aurore passa un nouveau marché avec elle. Elle lui paierait le double de la somme initialement convenue uniquement si elle lui rapportait des informations aussi importantes que celle-ci. Pour le reste, elle refusait de payer le moindre dollar. L'affaire fut rapidement conclue.

Ainsi Patrick a tout légué à sa petite sœur. Je ne m'attendais pas à ça. Lorsqu'elle avait appris la nouvelle de sa mort, Aurore avait été sincèrement surprise. Patrick Murphy était un homme charmant, généreux, soucieux de ses concitoyens et qui tenait ses promesses. Toutes les personnes qu'elle avait interrogées avaient été dithyrambiques à son sujet. On ne pouvait pas en dire autant du reste de la famille. Quel dommage que ce soit lui qui y soit passé et non sa vieille peau de mère. L'assassin aurait rendu un grand service à l'humanité.

Aurore se dirigea avec lenteur vers sa voiture. Le testament changeait complètement la donne. Si Olivia n'héritait pas de l'immense fortune de son mari, elle n'avait aucune raison de le tuer. Sauf si elle l'ignorait. Il faudrait qu'elle creuse la question. Mais pour l'instant, il fallait qu'elle réfléchisse à la manière dont elle allait utiliser cette nouvelle information.

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