NEMESIS

Sophia-5

- J'en reviens pas, ce fauteuil est encore plus moelleux que mon lit. Je te préviens, Sophia, tu vas devoir utiliser la force pour me faire dégager de là.

Sophia sourit machinalement mais son esprit était ailleurs. Elle repensait à la conversation qu'elle venait d'avoir avec Stevens et à l'étrange attitude de sa mère.

- Comment cela, partie ? Partie pour où ?

- Je l'ignore Miss, je ne lui ai pas parlé. Je l'ai seulement vue près du portail, avec Miss Rose.

- Avait-elle une valise ? Un sac ?

- Non, Miss.

Persuadée que sa mère avait mis sa menace à exécution, Sophia avait demandé à Lindsey et Tim de l'attendre avant de monter la voir. Trop énervée pour respecter le protocole, elle s'apprêtait à entrer sans frapper quand, à travers la porte, elle avait perçu un étrange bruit.

Voilà pourquoi elle n'arrivait pas à partager l'enthousiasme de Tim. Son cerveau était trop occupé à tenter de répondre à ces deux questions : Pourquoi Olivia était-elle partie sans la prévenir et pourquoi sa mère pleurait-elle dans sa chambre ?

- Sophia ? Tu es avec nous ?

Sophia revint tant bien que mal à la réalité. Tim et Lindsey la dévisageaient, semblant attendre une réaction de sa part. Elle s'obligea à se concentrer.

- Excuse-moi, j'étais perdue dans mes pensées. Je n'ai pas entendu ce que tu viens de dire.

- Un truc sans intérêt, répondit Lindsey à la place de Tim.

- Sans intérêt ? Sans intérêt ? C'est comme ça que tu vois la préparation de notre opération super secrète ? Ton manque de foi me consterne.

- Je ne vois pas ce que la foi vient faire là-dedans.

- C'est ce que dit Dark Vador à l'un de ses hommes avant de l'étrangler.

En matière de références cinématographiques, Tim était une encyclopédie à lui tout seul.

- Pourquoi pas « trouver de quoi faire pression sur la journaliste qui s'est acharnée sur ma belle-sœur pour l'obliger à la laisser tranquille » ?

- Je pensais à quelque chose de plus court et de plus discret mais pourquoi pas. En tout cas, tu vas être contente, j'ai du lourd. Du très, très lourd.

Quand Sophia les avait contactés pour solliciter leur aide, ses amis n'avaient pas hésité une seule seconde. Lindsey avait subtilisé le téléphone de son père et, se faisant passer pour l'une de ses collègues, elle avait contacté Aurore pour lui faire croire qu'elle était convoquée au poste, permettant à Tim – qui ne travaillait jamais le mercredi après-midi – d'aller fouiller sa chambre. Le trio devait initialement se retrouver au parc pour en discuter mais la brusque arrivée de la pluie l'avait contraint à changer ses plans.

- Aurore est obsédée par ta famille, c'est un truc de dingue. Je comprends pourquoi elle ferme tout le temps sa porte à clé, même pour manger avec nous. Elle a un dossier épais comme ça sur tout le monde. Quand je pense qu'elle s'est servie de moi pour me soutirer des informations sur toi... Je suis furax !

- Tu ne pouvais pas savoir, le rassura Lindsey. Elle aurait fait pareil avec moi si mon père n'avait pas interdit aux journalistes de s'approcher de moi.