Sophia-3

6 1 0
                                    



- Miss Sophia ? Le shérif Miller et l'adjointe Monroe désirent vous parler. J'ai pris la liberté de les faire attendre dans le petit salon.

La voix de Stevens, le fidèle majordome de sa famille, se fraya un chemin dans son cerveau la ramenant à la réalité. Sophia sentit la main de Lindsey se poser sur la sienne, la pressant avec douceur, comme pour lui insuffler le courage de se lever.

- Merci Stevens, répondit-elle, d'une voix enrouée.

Victoria et Olivia étant actuellement indisponibles, il lui incombait la lourde tâche de répondre aux questions de Kenneth et d'Abigaïl. N'oublie pas la raison de leur présence. Ce n'est pas une visite de courtoisie.

Sophia se tourna vers Lindsey et fut intriguée par la lueur d'inquiétude qu'elle percevait dans son regard.

- Allons-y. Ne faisons pas attendre ton père.

Kenneth fut le premier à lui présenter ses condoléances, d'une façon que d'aucuns auraient jugé fort peu professionnelle en de pareilles circonstances mais Sophia ne lui en tint pas rigueur. Abigaïl se contenta de lui serrer la main en lui assurant de toute sa sympathie. Sophia les remercia tous les deux et les invita à s'asseoir sur la causeuse en brocart de soie blanche.

- Sophia, je n'ose pas imaginer ce que tu dois ressentir en ce moment aussi je te promets de faire très vite. Nous allons devoir également interroger ta mère et ta belle-sœur.

- Olivia est en train d'annoncer la nouvelle à Rose. Elle ne tardera pas à nous rejoindre. Je crains que ma mère ne soit pas en état de répondre à vos questions.

Sophia omit de préciser que Victoria était si hystérique qu'ils avaient dû se mettre à quatre – Olivia, May, Gordon, le chef cuisinier et elle-même – pour la décrocher du corps de Patrick et la ramener jusque dans sa chambre. Pendant qu'Olivia prévenait la police, Sophia avait laissé Anna, habituée à gérer les crises de nerfs de sa mère, s'occuper d'elle. Elle avait réuni tout le personnel dans le hall pour leur apprendre la nouvelle et leur donner des consignes précises sur la conduite à adopter en présence des policiers. Répondez à leurs questions sans faire de l'excès de zèle. Lorsqu'Allison, la troisième femme de chambre, lui avait demandé ce qu'elle entendait par là, Sophia avait précisé sa pensée. Nous sommes une famille. J'attends de vous loyauté, intégrité et discrétion. Sophia espérait que ses employés avaient bien compris le message sinon elle allait au-devant de très gros problèmes.

- Bien entendu, acquiesça Kenneth. Il ne s'agit que de questions de routine. Pour commencer, peux-tu me dire quand tu as vu ton frère pour la dernière fois ?

- Dix-huit heures trente-cinq, répondit-elle sans la moindre hésitation. Face à l'étonnement des deux policiers, elle s'expliqua. Ma mère accorde une grande importance à la ponctualité dans ses réceptions et c'est pourquoi je suis sciemment arrivée en retard, afin de la contrarier. Une réaction quelque peu puérile, je le reconnais, mais je n'ai pas pu m'en empêcher. Mère sait à quel point j'exècre ce genre de réceptions mais elle m'oblige toujours à y assister.

Abigaïl et Kenneth hochèrent la tête de concert, comme s'ils comprenaient exactement ce que Sophia voulait dire. Sauf que ce n'était pas le cas. Même avec la plus grande imagination, ils ne comprendraient jamais ce que cela faisait de vivre avec Victoria Murphy vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

- La dernière fois que j'ai vu Patrick, il prenait une collation avec Olivia, Rose et Becky.

- Becky ?

- Becky... Carmichaël.



Sophia espérait que son hésitation n'avait pas été perçue par les deux policiers. Il ne lui appartenait pas de révéler la véritable identité de son amie. C'était un secret qui serait dévoilé bien assez tôt.

NEMESISWhere stories live. Discover now