Becky-8

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Quand elle était adolescente, Becky pensait qu'un repas de famille chez les Murphy ressemblait à ce qu'elle voyait dans les films. Plusieurs couverts, plusieurs verres, une quantité impressionnante de plats, un majordome qui faisait le service et tout ceci dans le plus grand silence. C'était surement vrai du temps où Victoria présidait la table. Avec Sophia, l'ambiance était nettement plus conviviale et les invités n'avaient rien à voir avec la brochette de dindes aux chapeaux que la reine mère avait l'habitude de recevoir ni avec la bande d'attardés mentaux qui servait d'amis à Patrick. Victoria brillait par son absence expliquant sans doute la présence autour de la table de certaines personnes qui n'auraient jamais réussi à franchir le seuil de la porte si elle avait été là. En plus de Tim, de Lindsey, d'Olivia de Rose et d'elle-même, Sophia avait invité Aurore Decker et l'adjointe Monroe

Becky n'avait pas revu celle-ci depuis leur virulent tête-à-tête dans la salle d'interrogatoire où, après lui avoir arraché sa confession sur le sort funeste de Rose, elle lui avait annoncé tout de go qu'elle était sa mère. Une révélation dont elle ne se remettait toujours pas et qui donnait à toute cette histoire une conclusion digne d'une tragédie grecque. Une jeune fille abandonne son enfant à la naissance et, une vingtaine d'années plus tard, elle se retrouve à enquêter sur l'assassinat de son meurtrier. Becky ignorait ce qu'il y avait de pire pour la policière. Que Patrick, qu'elle connaissait depuis très longtemps, ne soit jamais puni pour le meurtre de Rose ou qu'elle n'aurait jamais découvert la vérité si celui-ci n'avait pas été tué ? Patrick Murphy. Son soi-disant meilleur ami. À l'exception de la journaliste, il avait détruit la vie de chacune des femmes présentes à la table.

- Madame Carmichaël... Rebecca... Je ne sais même plus comment vous appeler.

- Becky ira très bien.

- Becky. J'ai une faveur à vous demander. Concernant Rose.

Becky releva vivement la tête. Aurore, assise en face d'elle, semblait bien trop intéressée par ce que lui racontait Olivia pour leur prêter attention et Sophia servait de jury impartial à ses amis afin de déterminer lequel avait cuisiné les meilleurs cookies.

- Si c'est à propos de la réouverture de l'enquête...

- Ça n'a rien à voir. C'est plus personnel.

L'adjointe termina son verre de vin comme pour se donner du courage.

- Je voudrais que vous me donniez son portrait. Celui que vous avez dessiné sur votre carnet.

- Je regrette, je ne peux pas. J'en aurais besoin pour mon tableau.

- Vous allez exposer un tableau de ma fille dans la galerie de Zoé Archer ?

- Non. Je vais vous l'offrir.

Le chef-d'œuvre qu'elle avait promis à Zoé attendrait. Enfin, si celle-ci n'avait pas rompu son contrat.

- C'est... Je ne sais pas quoi dire. Merci. De tout cœur, merci.

- Je vous prie, adjointe Monroe.

- Abigaïl. Étant donné les circonstances, je pense qu'on se tutoyer, qu'en dis-tu ?

- Je n'ai jamais connu un flic qui ne m'ait pas tutoyé... Ah si, maintenant que j'y repense, il y en avait un. C'était notre shérif avant que Kenneth Miller ne le remplace. Un vrai donneur de leçons, celui-là. Toujours à me faire la morale. Mais je l'aimais bien. C'est drôle, l'autre jour, je repensais à lui et impossible de me rappeler de son nom.

- Arthur Monroe.

Becky claqua des doigts. C'est ça. Un grand type tout maigre, le visage taillé à la serpe et... Monroe ? Elle a dit Monroe ? Elle scruta minutieusement le visage d'Abigaïl et découvrit tous les petits détails qui lui avaient échappés jusque-là.

- Vous êtes sa fille.

Arthur Monroe l'avait aidée et, à son tour, elle allait aider sa fille. La boucle était bouclée. Qu'est-ce que je disais ? Une tragédie grecque.

NEMESISWhere stories live. Discover now