Olivia-3

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Olivia se raccrochait aux questions posées par le shérif Miller et l'adjointe Monroe. De simples questions de routine mais elle aurait accueilli avec joie celles plus désagréables, qui finiront de toute manière par arriver. N'importe quoi plutôt que de penser à la lettre. Patrick ayant fait construire la maison sur le terrain qui appartenait à son père, son courrier arrivait systématiquement au manoir, obligeant ainsi Stevens à le lui apporter. Excepté aujourd'hui. La lettre était arrivée au courrier de la veille et Stevens, voyant qu'elle était à son nom, l'avait simplement laissée de côté. Oh, bien sûr, lorsqu'il la lui avait présentée ce matin, il s'était confondu en excuses, prétextant avoir été débordé de travail pour venir la lui apporter, mais Olivia n'était pas dupe. Pour le vieux majordome, elle n'était rien de moins qu'une pièce rapportée. Elle ne méritait pas d'être traitée avec les mêmes égards que le reste de la famille.

Olivia avait pris la lettre sans rien dire, cachant sa surprise du mieux qu'elle le pouvait. Au début de son mariage, elle avait reçu des tonnes de lettres de la part de ses parents et de ses amis. Des lettres de félicitations, pour la plupart, mais aussi de reproches. Olivia méritait plus les secondes que les premières. À cette époque, il n'était pas encore trop tard. Elle aurait pu réagir. Elle aurait dû réagir. Mais elle n'en avait rien fait. Elle avait laissé Patrick l'éloigner des personnes qui tenaient à elle et qui l'aimaient vraiment. Tu n'as pas besoin d'eux, Livvie chérie. Tu m'as moi. C'est tout ce dont tu as besoin.

Olivia s'était absentée un court instant pour aller chercher dans le hall le coupe-papier posé sur la petite table d'appoint à côté du vase en cristal où, tous les matins, Sophia mettait les fleurs qu'elle cueillait dans le jardin. Elle venait juste de se réinstaller quand Victoria était arrivée. Son regard s'était posée sur Lindsey, l'amie de Sophia, et elle était aussitôt passée à l'attaque.

- Je peux savoir ce que vous faites chez moi, jeune fille ?

- J'ai invité Lindsey à passer la nuit ici, mère, avait répondu Sophia.

- Tu aurais pu avoir la courtoisie de me demander mon avis.

- Je n'ai pas le souvenir que vous ayez requis le mien concernant la réception.

Olivia avait fini par s'habituer à entendre Victoria employer un langage soutenu, manie qu'elle avait transmise à ses enfants, même si elle doutait fortement que Sophia s'adresse à Lindsey comme si elles vivaient au XIXème siècle. Elle avait été très satisfaite de voir sa belle-sœur réussir à clouer le bec de sa mère avant de le regretter quand Victoria l'avait prise pour cible.

- Où se trouve mon fils ?

Pas Patrick. Pas votre époux. Mon fils. Au cas où Olivia aurait oublié leur lien de filiation entre le champagne de la veille et le thé de ce matin.

- Il n'est pas ici, en tout cas, avait-elle répondu, tout en faisant délicatement glisser le coupe-papier pour décacheter l'enveloppe.

Elle avait déplié la lettre et son cœur s'était figé dans sa poitrine. Le bonheur conjugal... On dirait le jardin d'Eden. Mais lorsque le mensonge se faufile en son sein, qui va succomber à la tentation le premier ? Je connais la réponse comme je connais ton secret, Olivia.

Finalement, c'était une bonne chose que Stevensne lui ait remis la lettre que ce matin. Si elle l'avait lue hier, ellen'aurait jamais pu aller jusqu'au bout de son projet. 

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