Chapitre 12: Noé

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Samedi 24 août 2019:

Noé:

Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour nos mères ? Personnellement, je suis prêt à tout pour la mienne. C'est pour cela que je me retrouve à un cours de méditation/relaxation un samedi matin. Je suis entouré de femmes, ma mère est dans les plus jeunes. Elles me regardent toutes avec un sourire attendri. Elles trouvent cela touchant qu'un fils accompagne sa maman. Je suis au summum de ma gêne. 

Allongé sur mon tapis, j'écoute et reproduis les instructions de la prof. Vider son esprit, ne penser à rien, c'est un exercice compliqué pour moi. Elle nous demande de visualiser des bulles de savon s'envoler, chacune représentant un problème. C'est tellement le chaos dans ma tête que je n'arrive pas à appliquer son conseil. Venir ici n'était peut-être pas une si bonne idée.

Les problèmes qui m'entourent ne peuvent pas disparaître d'une simple vision. Au contraire de ce que pensait ma mère, cette session m'angoisse. Des tas de scènes réapparaissent dans mon esprit. Je sens mon coeur battre plus fort, s'affoler. Ma crise ne peut pas apparaître maintenant. Je ne dois pas faire ça à maman.

J'essaye de concentrer mes pensées sur des faits positifs. Finalement, elles dérivent sur Camille et son sourire, nous racontant sa soirée de jeudi avec Nolhan. Puis sur Sam exploser de rire en voyant Adriel se faire réprimander par une petite mamie, hier. Contre toute attente, j'en suis d'ailleurs le premier surpris, je parviens à détourner mes ombres. Mon corps se détend de lui-même.

Je suis presque ému de voir que j'arrive enfin à me canaliser. Avec mon psychiatre nous travaillons là-dessus depuis plusieurs années. Il va être content de voir que son travail porte ses fruits. Je me suis déjà assez gâché la vie. Pendant longtemps mon passé m'a dévoré, m'empêchant de vivre. Je sais que c'est légitime mais je ne peux plus le supporter. Je suis malheureux d'être comme ça. Je le suis depuis des années, alors j'ai l'impression que ça ne peut pas en être autrement.

Il y a une différence entre qui je suis et qui je voudrais être. Quand nous sommes enfant, nous imaginons tout un film de ce que sera notre vie une fois adulte. Souvent la réalité en est bien loin. Quand j'étais petit, je voulais être un grand médecin, le rêve de beaucoup. Mais jamais je n'aurais pensé finir avec une forme d'agoraphobie* et ochlophobie**. C'était à mille lieues de mes projets.

En plus de dix ans, j'ai vécu des choses qui m'ont obligé à revoir mon jugement. Devenir médecin est vite devenu hors de question. J'ai choisi la voie qui me paraissait la plus simple pour moi, tout en alliant une chose que j'aimais; les livres. Ma psy m'a souvent répété que je ne pourrais jamais aller mieux si je ne le voulais pas moi-même.

Une secousse contre mon bras me fait sursauter. À ma droite, ma mère me signale que nous devons nous relever pour l'étirement. L'heure est passée beaucoup plus vite que prévue.

- Qu'est-ce que tu en as pensé ?, me demande maman alors que nous venons juste de nous installer dans la voiture.

Ma mère se démène pour moi depuis des années. Elle s'est épuisée à essayer de me rendre heureux. Sans elle, je n'en serais pas là. Alors aujourd'hui je me dois de lui montrer que moi aussi, je suis prêt à tout pour elle. Je sais très bien que quoi qu'elle me propose, elle le fait pour moi, pour m'aider, même si c'est parfois un peu maladroit. Cette séance en est la preuve mais je suis conscient que certains hommes dans ma condition n'ont pas la chance d'avoir une mère comme la mienne.

- C'était...intéressant, je finis par lui répondre.

- Tu voudras revenir la semaine prochaine ? 

Sa proposition me fait hésiter. Serais-je capable de ressasser mon passé tous les samedis ? Je n'en suis pas sûr. Mais le regard plein d'espoir de ma mère me serre et me gonfle le coeur en même temps. Avant, je refusais de sortir de l'appartement, donc nous ne faisions rien tous les deux. Maintenant, elle tente de se rattraper. Je la comprends tellement. À moi aussi ça me manque, de faire des activités avec la seule femme de ma vie. Il y a encore quatre ans, nous en faisions tout le temps.

Pour notre AvenirWhere stories live. Discover now