79- M. Grandebouche

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Pendant mon enfance, ma famille était comme une goutte d'eau dans une vaste rivière, ne restant jamais au même endroit pour très longtemps. Nous avons vécu au Rhode Island quand j'avais huit ans et nous y sommes restés jusqu'à ce que j'aille au collège à Colorado Springs. La plupart de mes souvenirs sont enracinés au Rhode Island, mais ils y a des fragments dans le grenier de mon cerveau qui appartiennent aux différentes maisons dans lesquelles nous avons vécu quand j'étais plus jeune.

La plupart de ces souvenirs ne sont pas clairs et sont inutiles- moi poursuivant un autre garçon dans la cour d'une maison dans la Caroline du Nord, moi essayant de construire un radeau qui flotterait sur le ruisseau derrière l'appartement qui nous avons loué dans la Pennsylvanie, etc. Mais certains souvenirs restent clairs comme le verre, comme si c'était hier. Je me demande souvent si ce ne sont que de simples rêves produits par la maladie dont j'étais atteint ce printemps-là, mais au fond de mon cœur, je sais qu'ils sont réels.

Nous vivions dans une maison juste en dehors de la bruyante métropole de New Vineyard, dans l'état de Maine, population 643. C'était une grande bâtisse, surtout pour une famille de trois. Il y a un certain nombre de pièce que je n'ai pas visitées durant les cinq mois où nous y avons résidé. Dans un certain sens, c'était du gaspillage d'espace, mais c'était la seule maison sur le marché qui était à moins d'une heure du lieu de travail de mon père.

Le jour après mon cinquième anniversaire (que j'ai fêté seul avec mes parents), la fièvre s'est emparée de moi. Le médecin a dit que j'avais une mononucléose infectueuse, ce qui signifiait beaucoup de repos et encore de la fièvre pour encore au moins trois semaines. Ce n'était vraiment pas le moment de rester au lit - nous procédions à l'emballage de nos affaires pour déménager en Pennsylvanie, et la plupart de mes choses étaient déjà emballées dans des boîtes, laissant ma chambre vide. Ma mère m'apportait de la boisson gazeuse et des livres plusieurs fois par jour, et ces derniers servaient en tant que ma principale source de divertissement pour les prochaines semaines. L'ennui rôdait toujours dans le coin, attendant de montrer son affreux visage.

Je ne me rappelle pas exactement comment j'ai rencontré M. Grandebouche. Je pense que c'était environ une semaine après que j'aie été diagnostiqué. Mon premier souvenir de la petite créature est moi lui demandant si elle avait un nom. Il m'a dit de l'appeler M. Grandebouche, parce que sa bouche était grande. En fait, tout sur lui était grand en comparaison à son corps- sa tête, ses yeux, ses oreilles courbées- mais sa bouche était sans doute la plus grande.

- Tu ressembles à un Furby, ai-je dit alors qu'il tournait les page d'un de mes livres.

M. Grandebouche m'a envoyé un regard perplexe.

- Furby ? C'est quoi, un Furby ? a-t-il demandé.

J'ai haussé les épaules.

- Tu sais... le jouet. Le petit robot avec les grandes oreilles. Tu peux le caresser et le nourrir, comme un vrai animal.

- Oh.

M. Grandebouche a continué de tourner les pages de mon livre.

- Tu n'en a pas besoin. Ce n'est pas la même chose qu'avoir un vrai ami.

Je me souviens que M. Grandebouche disparaissait chaque fois que ma mère me payait une visite.

- Je suis sous ton lit, m'a-t-il plus tard expliqué. Je ne veux pas que tes parents me voient car j'ai peur qu'ils ne nous laissent plus jouer.

Nous n'avons pas fait grand chose durant les premiers jours. M. Grandebouche a juste regardé mes livres, fasciné par par les histoires et les images qui s'y trouvaient. Le troisième ou quatrième jour après notre rencontre, il m'a accueilli avec un grand sourire.

Recueil histoires d'horreur (Terminé)Where stories live. Discover now