71- Il me reste deux pas à vivre

136 17 3
                                    

Quand j'étais enfant, j'aimais les jeux.

Pas le sport ou ce genre de choses, je détestais sortir, et en fait, je déteste toujours ça. Je préférais rester à l'intérieur, à regarder la télé, à dessiner, mais plus que tout, j'aimais les jeux.

Vous vous souvenez des classiques de soirées pyjama ? Ce genre-là. Bloody Mary, Les Trois Rois, Charlie-Charlie... j'en étais dingue. J'invitais tout le temps des amis à la maison pour y jouer. Tous ceux que je connaissais s'étaient dégonflés au moins une fois lors de nos séances, mais pas moi. Rien ne m'effrayait. Je n'ai jamais crié quand une planche Ouija nous a répondu. Je n'ai pas bronché pendant "Concentrate". J'étais la courageuse de la bande. Je cherchais à avoir peur.

Une nuit, ça a marché.

Cette fois-ci, c'était quelqu'un d'autre qui avait trouvé le jeu. Pour respecter son anonymat, je vais l'appeler Anne. Ce soir-là, je m'étais rendue chez elle, on fêtait son anniversaire avec des amies. J'étais donc dans la cave, assise sur mon sac de couchage, et mes amies étaient dispersées à travers la pièce. On parlait, on riait, et on mangeait des cochonneries. En y repensant, je regrette.

C'est la dernière fois que j'ai été heureuse.

Vers onze heures, la star de la soirée est descendue. Elle avait un sac de chips. Ses yeux brillaient d'un éclat que je ne connaissais que trop bien.

Elle avait un jeu.

Je me suis redressée sur le matelas. Anne s'est dépêchée de descendre les escaliers et s'est assise sur une couverture. Elle a esquissé un sourire qui m'a donné un frisson d'excitation. Les autres filles se sont tues. Le meilleur moment de la soirée était arrivé.

- Vous avez déjà joué à "La Sorcière et la Servante" ?

J'ai reniflé.

- C'est quoi ce nom ?

- Sérieux, c'est vraiment cool.

Anne a posé son sac de chips.

- On devrait y jouer.

- D'accord, donc comment on joue ? a demandé une autre fille.

Anne a souri, appréciant l'attention qu'on lui portait. Je ne peux pas la blâmer : j'avais été à sa place plus d'une fois. Elle a fermé les yeux. Après une pause dramatique, elle m'a pointée d'un doigt tremblant.

- Toi, a-t-elle murmuré.

J'ai levé les yeux au ciel, mais me suis approchée pour m'asseoir près d'elle. Anne a attiré ma tête vers ses genoux.

- Oh ? Je l'ai regardée et ai souri. Wow, Anne, je savais pas que tu ressentais ça pour moi-

- Oh mon Dieu, arrête, a grommelé l'intéressée avec un sourire. Tu casses l'ambiance !

J'ai replacé ma tête sur ses genoux.

- Si tu le dis...

- Bon...  Anne a bougé ses jambes en s'éclaircissant la gorge.

- Voilà comment jouer. Il faut au moins deux personnes. De préférence des femmes, mais ça fonctionne aussi avec des hommes. L'une des deux,"la sorcière", couvre les oreilles de "la servante". La sorcière doit ensuite dire son plus gros secret à voix haute. Évidemment, la servante n'est pas censée entendre quoi que ce soit. Cependant, le jeu lui laisse entendre certaines syllabes. Ces syllabes sont les morceaux du nom d'un démon.

J'ai baillé, interrompant Anne.

- Et ensuite on meurt, c'est ça ?

- Pas exactement,a-t-elle répondu. Ça délimite le temps qu'il te reste à vivre.

Recueil histoires d'horreur (Terminé)Where stories live. Discover now