54- Ickbarr Bigelsteine

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Quand j'étais gamin, j'étais terrifié par le noir. Je le suis toujours, mais si on remonte vers mes six ans, je ne pouvais pas passer une nuit entière sans venir pleurer auprès de l'un de mes parents pour qu'il regarde sous mon lit, ou dans mon armoire, à la recherche d'un quelconque monstre dont j'étais persuadé qu'il n'attendait que de me manger. Même avec une veilleuse, je voyais encore de sombres formes bouger aux quatre coins de la pièce, ou même des visages étranges en train de me regarder depuis la fenêtre de ma chambre.

Mes parents faisaient de leur mieux pour me consoler, m'assurant qu'il s'agissait juste de mauvais rêves ou de jeux de lumière provoqués par la veilleuse, mais dans mon jeune esprit, j'étais persuadé qu'à la seconde où je m'endormirai, la méchante chose m'attraperait. La plupart du temps, je me cachais sous la couverture jusqu'à ce que je sois assez fatigué pour arrêter de m'inquiéter, mais de temps en temps, je paniquais tellement que je courais en hurlant dans la chambre de mes parents, réveillant mon frère et ma sœur par la même occasion. Après un événement comme celui-là, personne ne trouvait évidemment plus le moyen de fermer l'œil du reste de la nuit.

Finalement, après une nuit particulièrement traumatisante, mes parents en ont eu assez. Malheureusement pour eux, ils comprenaient qu'il était inutile de se disputer avec un enfant de six ans, et ils savaient qu'ils seraient incapables de me convaincre de me débarrasser de ces peurs enfantines en utilisant raison et logique. Ils allaient devoir ruser.

C'était l'idée de ma mère de me proposer de coudre mon doudou avec elle, aussi a-t-elle sorti un large assortiment de pièces de tissu et sorti sa machine à coudre. Nous avons ainsi créé celui que nous appellerons plus tard Mr Ickbarr Bigelsteine, ou Ick pour faire court. Ick était un monstre-chaussette, comme ma mère l'appelait. Il était là pour me faire me sentir en sécurité lorsque je dormais, en faisant peur aux autres monstres. Il était fichtrement effrayant, je dois l'admettre. Honnêtement, quand je repense à tout ça maintenant, je suis toujours impressionné que ma mère ait pu penser à quelque chose ayant l'air aussi étrange et dérangeant.

Ickbarr avait le look rapiécé d'un Gremlin-Frankenstein, avec de gros yeux en boutons blancs, et de larges oreilles de chat. Ses petits bras et ses jambes étaient faits avec une paire de chaussettes rayées en noir et blanc qui avaient appartenu à ma sœur, et la moitié de son visage était vert, cousu avec les grandes chaussettes de football de mon frère. Sur sa tête, qui pouvait être décrite comme « bulbeuse », ma mère avait fixé un morceau de tissu blanc et l'avait cousu en zig-zag pour former un large sourire de dents pointues. Et bizarrement, je l'ai tout de suite aimé.

A partir de ce moment-là, Ick ne m'a plus jamais quitté. Aussi longtemps que durait le crépuscule, du moins. Ick n'aimait pas le soleil, et se serait mis en colère si je tentais de l'amener à l'école avec moi. Mais c'était pas grave, j'avais juste besoin de lui la nuit pour tenir les croque-mitaines à distance, et c'était ce qu'il faisait de mieux. Donc chaque nuit, au moment du coucher, Ick me disait où les monstres étaient cachés, et je le plaçais à l'endroit le plus proche de la zone concernée.

S'il y avait quelque chose dans le placard, Ick bloquait la porte. Si une sombre créature grattait à ma fenêtre, Ick se pressait contre la vitre. S'il y avait une grosse bête velue sous mon lit, alors c'était sous mon lit qu'il allait. Parfois les monstres n'étaient même pas dans ma chambre. Parfois, ils se cachaient dans mes rêves, et Ickbarr venait avec moi dans mes cauchemars. C'était amusant de prendre Ick dans mon monde onirique, ainsi lui et moi passions des heures à combattre goules et démons. Le meilleur moment c'était quand, dans mes rêves , Ick pouvait me parler pour de vrai.

- A quel point tu m'aimes ? me demandait-il.

- Plus que tout, lui répondais-je toujours.

Une nuit, dans un rêve, après que j'ai perdu ma première dent, Ick m'a demandé une faveur.

Recueil histoires d'horreur (Terminé)Where stories live. Discover now