191- La rage

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Halloween a longtemps été ma fête préférée. Pourtant, chaque année à l'approche du 31 Octobre, je m'enferme chez moi et ne sors que le lendemain quand le soleil est déjà haut dans le ciel.

L'histoire que je veux raconter s'est déroulée en 1992 dans une ville du Sud de la France. J'avais 13 ans et je menais une vie des plus banales, sans rien de notable sinon mon adoration pour cette fête d'Halloween. Mes préparatifs pour l'événement se faisaient toujours au moins 15 jours à l'avance. Une année j'étais un vampire, la suivante je devenais un fantôme et celle d'après je me maquillais en zombie... J'avais pour idée qu'un déguisement d'Halloween devait être effrayant au possible et les filles déguisées en fée clochette ou les garçons portant un ensemble de gendarme avaient le don de m'énerver au plus haut point.

Cette année-là, j'avais reçu un coup de téléphone de la part de Samuel, un ami à moi, qui voulait me parler d'un endroit qu'il avait repéré derrière le petit bois qui séparait le village de la grande route nationale. Il m'avait dit qu'on pourrait y camper après la récolte de bonbons pour y passer la nuit. Je lui ai répondu que ça me paraissait être une bonne idée et qu'il fallait que je demande la permission à ma mère. Il a dit qu'il allait téléphoner aux autres garçons de la bande pour leur dire de faire pareil puis il a raccroché.

Ma mère n'a même pas hésité quand je lui ai annoncé que j'allais camper avec mes amis. C'était une époque et un village assez calme où la rubrique des faits divers du journal local n'était agrémentée que de petites histoires, comme celle d'un chat écrasé ou encore celle d'un arbre tombé sur la serre du vieux Roger.

C'est au retour de mon dernier jour d'école que j'ai été acheter mon déguisement. Ma mère m'a accompagné au centre commercial dans un magasin consacré aux fêtes et aux événements. Je trouvais amusant de voir que le rayon Halloween était adjacent à celui des événements religieux. Le déguisement de moine fou contrastait avec les habits immaculés de communiant.

Un masque a attiré mon regard et m'a fait comprendre dès le premier coup d'œil que cette année, je me déguiserai en clown. Il souriait d'une manière malsaine avec des lèvres gercées qui avaient l'air gorgées de sang. Je m'en suis emparé et l'ai montré à ma mère qui a fait une grimace de dégoût en voyant la chose que je lui tendais. Pendant qu'elle me disait à quel point elle trouvait le masque répugnant, je cherchais le reste du costume parmi tous les déguisements alignés sur le rayon. J'ai fini par trouver une chemise décorée de lambeaux de tissus multicolores et tachée d'hémoglobine. J'ai pensé que je pourrais emprunter les souliers de mon père pour imiter les chaussures démesurées que portent habituellement les clowns.

Une quinzaine de jours plus tard, le 31 était enfin arrivé. Je suis sorti de chez moi à vingt heures et j'ai rejoint mes amis devant la supérette du quartier. Nous n'étions que quatre alors qu'au moins 10 garçons avaient été conviés. On a décidé de commencer notre tournée à l'arrivée d'un cinquième garçon.

Baptiste, qui était déguisé en sorcier, a frappé à la première porte de la rue. En remarquant le temps qui s'était écoulé avant de voir ouvrir une jeune femme avec un sceau rempli de sucettes, on a décidé de se séparer pour aller plus vite. En une heure, on avait rempli nos sacs de friandises et avait sonné à toutes les portes de la rue. Toute sauf une. Nous n'avions pas osé franchir la grande grille de la dernière maison sur la droite. Elle était semi-mitoyenne et sa façade gauche donnait sur un champ. Elle avait l'air en piteux état et pourtant, émanait d'elle une certaine aura en concordance avec la période d'Halloween. On s'est rassemblés devant en comparant nos sacs respectifs, puis on a décidé d'aller sonner tous ensemble à la porte de cette étrange maison.

La porte a fini par s'ouvrir et, à notre plus grand étonnement, c'est un homme d'âge moyen qui en a émergé. Il avait des petites lunettes et un crane garni de cheveux gris comme un PDG ou un scientifique. Il nous a salués avec un sourire chaleureux et a commencé à étudier nos masques du regard. Il nous a finalement tendu un saladier rempli de friandises qu'on ne pouvait pas identifier. C'était des petits cubes avec un emballage en papier blanc. On en a pris une poignée chacun, on l'a salué et on est repartis en prenant soin de fermer le portail derrière nous.

Recueil histoires d'horreur (Terminé)Where stories live. Discover now