Chapitre 16 : La mort aux trousses (1/2)

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Soudain, tout s'embrasa.

Une langue de feu happa la ligne fédérée sur des dizaines de mètres. Les flammes n'eurent même pas le temps de s'évanouir que des bombes sifflèrent depuis les nuages, explosèrent en labourant bitume, hommes et machines. De longues traînées blanches surgirent simultanément bien loin derrière la meute, frappèrent héliporteurs et drones, emplirent le ciel de torches en chute libre. En moins de dix secondes, les cohortes fédérées se réduisirent à un amas d'hommes et de femmes apeurés, piétinant les cadavres calcinés de leurs frères et sœurs d'armes, fuyant les tanks en proie aux flammes, s'égarant dans la fumée en une débandade générale.

L'armée Fédérée avait sous-estimé les rebelles. Les tentatives infructueuses de percer le blocus ceinturant Moscou des derniers jours avaient été interprétées par l'état-major comme autant d'aveux d'impuissance, de tentatives désespérées de s'ouvrir un couloir de sortie. En réalité, il ne s'agissait à chaque fois que d'une illusion pour empoisonner une réserve d'eau, détruire un dépôt de munitions ou de carburants, désactiver un relais de communication ou couper l'accès à une route. La meute avait accompli bon nombre de ces sabotages avec plus ou moins de discrétion, offrant aux autres Phœnix la liberté de réactiver les défenses anti-aériennes moscovites, de camoufler des batteries d'artilleries au milieu de la cité et de piéger les routes avec des mines et des explosifs.

Ainsi, les fédérés, à la fois certains de leur supériorité et pressés de punir les « barbares terroristes », lancèrent une vaste offensive. Un assaut qui, par la faute des pluies diluviennes de ce début d'hiver, ne pouvait se faire que par les grands axes de circulation sous peine de finir embourbé ou tout simplement embouteillé. Ces mêmes grands axes où le feu rebelle venait d'être libéré.

La meute ponctua chaque détonation de féroces acclamations, avec la même frénésie que des gamins face à un feu d'artifice. Le bouquet final mourut dans les cris d'agonies d'un côté et les applaudissements de l'autre. Mais les rideaux de flammes s'ouvrirent sous le passage d'une nouvelle fournée de fédérés. Des centaines d'autres les pressaient par l'arrière.

— Attendez mon signal... grinça Mercier, un moignon de doigt sur son oreillette radio, ajustant de l'autre main la tige-micro qui se fondait sur la ligne de sa mâchoire. Encore un peu... Attention... Dans trois... deux... un... FEU !

Un nouveau tapis de bombe explosa. Le même carnage se répéta. Les fédérés tentèrent de bifurquer par une autre voie. Mercier communiqua les coordonnées par radio et ordonna une troisième frappe. Ce fut à cet instant, alors que la meute se sentait invincible, que des drones en rase-motte surgirent du sol.

Kyle ne garda qu'un souvenir confus de leur retraite. Il se souvint avoir répliqué aux tirs des machines volantes. Puis seulement des brides. Lumière et Oméga s'effondrer. Dévaler les escaliers du centre commercial. Foncer dans les sombres allées sur-dimensionnées aux allures de mausolées cybernétiques. Bifurquer face à une escouade fédérée. Sortir en pleine rue, à découvert. Cacher le soleil rasant de sa main pour savoir d'où venait le danger. Se rendre compte qu'il était partout. Se prendre des déluges de balles. Courir. Courir, sans s'arrêter quand Lemming, les jambes en bouillis, implora sa mère à l'aide. Courir, sans se retourner quand La Boule, Du Gland et Boum furent avalés par l'effondrement d'un souterrain. Courir pour rejoindre Hunter, explosant de sa botte le crâne d'un androïde renversé à terre. Se retrancher derrière la moindre voiture, le moindre abribus ou le plus petit caisson de recharge pour androïdes. Subir de plein fouet un ouragan de métal. Repérer Mercier, un détonateur dans les mains, un rictus plus large que jamais en travers de sa gueule cassée. Se jeter sur le bitume. Sentir la terre trembler. Un grondement effroyable percer la barrière de ses mains sur ses oreilles. S'imaginer la tour, titan de verre et d'acier, s'effondrer sur leurs poursuivants. Suffoquer sous un souffle surpuissant de poussière. Se relever, complètement sourd, non plus dans une ville mais au milieu de cendres, de décombres et de flammes. Réaliser que leur ultime piège n'avait pas été suffisant pour endiguer les flots fédérés.

Les Cendres d'un Rêve [Terminé]Where stories live. Discover now