Chapitre 49 : De brume et de sang (1/3)

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Saned se drapait d'une myriade de voiles blancs. La lueur laiteuse de la lune, l'ivoire des tapis neigeux et les chatoiement opalins de leur rencontre l'habillait. La voûte stellaire, désencombrée de la moindre chape nuageuse, se perlait également des nitescences argentées des étoiles. L'ensemble irradiait la pénombre du village d'une phosphorescence surnaturelle.

Kyle réprima un frisson. Un simple pyjama et des bottes n'étaient pas suffisants pour le protéger de la morsure de l'hiver. Scar l'observait avec son rictus sadique. Même torse nu, il ne paraissait pas souffrir du froid. Ils se faisaient face sur le terrain d'escrime sous l'œil anxieux du cheval. Attachée à la palissade du potager, la pauvre bête avait eu un mouvement de recul en apercevant son maître. Elle fouettait nerveusement l'air de sa queue décrépie. Son poitrail famélique où saillaient atrocement les côtes se gonflait de terreur.

— Un combat à mort ? feula Kyle dans un nuage de condensation. C'est ça que tu veux ?

— Il n'y a qu'ainsi qu'on peut juger de la valeur d'un homme !

Une délirante euphorie transfigurait Scar. Ses yeux poissaient tout son plaisir sadique. Ses muscles s'électrisaient d'une tension survoltée, roulant, gonflant, bandant sous les croix des cicatrices. De son horrible rictus qui lui contorsionnait les joues de manière impossible s'exhala dans un râle d'excitation orgasmique :

— Mais entends-tu, légende ?... Tic Tac, Tic Tac, Tic Tac ! Le temps file ! La vermine approche ! Ne devrais-tu pas déjà être en train de répandre mon sang ?

En réponse, la pointe du katana fusa vers son crâne. Le scarifié esquiva d'un simple pas de côté. Il se déroba à une seconde attaque d'une virevolte. Aussitôt, sa dague fendit l'air en une pure explosion de célérité. Elle percuta la lame du katana dressée in-extremis en rempart. Elle revint aussitôt à la charge, encore et encore. Les angles d'attaques variaient systématiquement dans une imprévisibilité absolue.

Plus d'une fois, la défense de Kyle faillit être brisée. Ses rares contre-attaques ne fouettaient que le vent, sans même parvenir à tordre d'effort l'horripilant rictus. Scar esquivait, parait et déviait avec une aisance manifeste. Il le faisait cependant sans la moindre grâce. En des gestes saccadés et brutaux. Avec une efficacité maximisée, qui ne pouvait provenir que d'un conditionnement militaire.

— Qu'espères-tu prouver par ce combat ? Que ta glorieuse nation n'est pas morte ? Désolé, mais tu as dix ans de retard. Je ne suis plus la légende des Phœnix. Et toi... tu n'es plus l'enfant de la Fédération.

Scar se figea de surprise. En un réflexe presque inconscient, il parvint à parer la lame du katana. En revanche, le coup de pied échappa à sa vigilance. Sa cheville fut fauchée. Il s'écrasa contre la terre plus dure que la glace. Le mordant de l'épée se précipita vers son cœur. La dague le dévia, comme elle l'avait toujours fait, à une différence près. Cette fois, elle ne fut pas assez rapide, pas assez puissante. La pointe s'enfonça dans son épaule. Un grondement, entremêlant jouissance et souffrance, s'exsuda de sa poitrine.

L'acier s'arracha de la plaie qui érupta un magma carmin. Son tranchant se leva, mais à la place d'offrir un coup de grâce, ce fut Kyle qui reçut un coup de talon en plein entrejambe. La douleur irradia son bas ventre. Le souffle coupé, il se recula lourdement, plié en deux. Scar se redressa d'un bond. Les filets de sang de sa plaie se déversaient à travers les rigoles de ses cicatrices. Nulle douleur n'imprégnait ses traits, seulement une pure extase.

— Enfin ! Voici ce que j'attendais de toi, légende ! Abreuvons nos lames de sang ! Injectons l'adrénaline dans nos veines ! Donne-moi l'occasion d'une entrevue avec la mort !

Une folie d'allégresse le consumait. Elle le poussa à se lancer pour la première fois à l'assaut, avec une frénésie renouvelée, extatique, dangereuse. La dague se mua en un éclair d'argent. Elle tonna contre la lame du katana. Des éclats de grêle passèrent à travers, lacérant l'étoffe du pyjama. Des blessures superficielles, à peine assez profondes pour faire couler le sang.

Les Cendres d'un Rêve [Terminé]Where stories live. Discover now