Chapitre 2 : Créatures de sang et monstres de métal (2/3)

165 42 76
                                    

Un azur sans nuage colorait le ciel. La couleur d'une journée parfaite.

Kyle, du haut de ses dix ans, était assis sur les marches de béton d'une maison préfabriquée comme toutes celles de la banlieue de Luzein. Il profitait du soleil matinal pour se réchauffer tout en admirant le paysage. Ses yeux tentaient tant que bien mal de faire abstraction des innombrables clones d'habitations qui fourmillaient sur les monts. Uniquement des cubes noirs et blancs percés des mêmes étroites fenêtres, reliés à une route par la même allée de gravier et disposant du même carré d'herbe. À cette triste répétition sans âme et sans fin, il préférait largement l'antique unicité du centre-ville niché dans le vallon. Selon la maîtresse, la plupart des bâtiments datait de l'âge d'or. Si ce simple fait suffisait à fasciner Kyle, il l'était encore davantage par les bardages de bois, les toits en pente et leurs tuiles rouges, les crépis de couleur, les conduits de cheminées en briques, les murs en rondins ou les grandes fenêtres avec leurs volets lasurés.

Il ne se lassait jamais d'observer de loin cette explosion de diversité. De toute façon, en ce début de week-end, lézarder lui paraissait être la meilleure des choses à faire. Peut-être irait-il rendre visite à Guillaume, l'un de ses camarades de classe qui se vantait d'avoir le dernier casque numérique à la mode. Mais pas tout de suite. Il avait encore le temps avant le retour de ses parents. Sa mère faisait quelques emplettes au centre commercial et son père traquait encore un trophée dans les montagnes.

Cependant, l'un des deux revint bien plus vite qu'escompté.

Le quad électrique de son géniteur surgit au bout de la rue, tractant une longue remorque bâchée. Le pilote s'arrêta dans l'allée en un crissement de gravier. À peine eut-il coupé le contact et posé un pied à terre que sa voix âpre brisa la quiétude ambiante :

— Eh, gamin ! Rends-toi utile ! Va chercher un couteau ! J'ai pété le mien sur la carcasse d'une de ses copines !

À ces mots, il saisit la bâche de la remorque et la roula en boule dans un coin. Kyle se dressa sur la pointe des pieds dans l'espoir d'en apercevoir le contenu. En vain. Son père, ayant perçu sa curiosité, eut un sourire mauvais.

— Tu veux voir ? Bah vas-y... zieute moi ça si t'as des couilles !

Il attrapa le corps de la bête de ses deux bras massifs et le projeta en direction de son enfant. Mais ce qui s'écrasa sur le gazon n'était pas un animal. C'était le corps d'une monstruosité sans nom. Une aberration bardée de crocs et de griffes.

Un némésis.

Kyle se recula immédiatement contre le battant de bois.

— Pourquoi t'as ramené ce truc ici !?

Le nez aquilin de son géniteur se plissa de dégoût.

— T'es qu'un putain de trouillard... Y a rien à craindre. Il s'est pris une triple dose d'anesthésiant. Je voulais le faire crever comme ça, d'ailleurs. C'est pour un gros client. Il veut que j'empaille cette bestiole. En entière. Dans une pose de prédateur, ou je sais pas quoi. Faut avouer que ça en jetterait dans le salon, pas vrai ? Mais le hic, c'est qu'elles sont coriaces, ces saletés. Ce qui aurait tué un cheval, ça l'a juste envoyé roupiller. Alors je vais devoir la finir à l'ancienne. Une entaille propre et nette. Ça videra au moins le plus gros du sang.

Le regard de Kyle se posa sur le fusil de chasse accroché derrière le quad.

— T'es vraiment trop con, grogna son père avant même qu'il ne puisse ouvrir la bouche. Combien de fois il faudra que je te dise qu'une balle, ça explose en fragments ? Ça bousille tout ! V'là le boulot de réparation que je devrais me taper ! Alors magne-toi le derche, et va me chercher un putain de couteau !

Les Cendres d'un Rêve [Terminé]Where stories live. Discover now