Je me contente de ne pas donner suite à sa phrase remplis de questionnement, auquel, je suis certain aucune de mes réponses ne lui donnerait satisfaction. En descendant les marches de l'échelle, la seule chose qui sort de ma bouche n'est qu'une infime partie de la vérité qui m'entoure :

– Je n'ai pas une vie très passionnante, Monsieur. À vrai dire, il n'y a rien que vous ne sachiez déjà, mentis-je sans l'ombre d'un remords.

Il me regarde, les sourcils froncés et les lèvres pincés, déçu de ne rien n'apprendre de plus.

– Écoute mon garçon, North n'a pas l'habitude de ramener des gens ici. Et surtout pas un garçon, le dernier en date n'était autre que cet idiot qui lui a brisé le coeur. (Il réfléchit quelques instants, faisant mine de réfléchir, excédé.) Je ne me rappelle même plus de son prénom, mais je ne compte laisser personne d'autre réitérer le mal qu'elle déjà vécu auparavant. Et j'espère vraiment que tes intentions sont louables envers elle, car je préfère te prévenir : il ne vaut mieux pas se frotter à moi. Je ne suis peut-être plus dans la fleur de l'âge, mais je sais encore me servir de mes poings. Et rien qu'en voyant ton regard mon garçon, je sais que tu seras le début de sa chute.

– Je sais, répliqué-je tout bas.

En terminant sa phrase, il souffle :

– North est la prunelle de mes yeux.

J'aurais aimé lui dire qu'elle était aussi la mienne, mais nous n'en étions pas encore à ce stade, et mon coeur se permit un soubresaut en y pensant. Rien qu'en imaginant son visage, mon corps se mit à frissonner. N'étais-ce pas un peu prétentieux de croire que je pouvais commencer à entamer quelque-chose avec elle, malgré les problèmes qui risquaient de tomber d'ici peu sur mon dos ? N'étais-ce pas égoïste de la vouloir pour moi, en sachant la personne malsaine que j'étais ? Je déteste le grand-père West rien que pour le fait qu'il avait réussit en à peine cinq minutes avec quelques mots à ébranler mon esprit. Et je me déteste par la même occasion, d'être devenu quelqu'un d'aussi puérile. Apprendre à connaître North, m'ouvrir à elle, lui confier ma vie, ce n'est pas ce je veux, ça finirait par la détruire, et moi aussi par la même occasion plus que je ne le suis déjà.

En observant la lumière des guirlandes que je venais d'accrocher, une question ne cessait de grossir dans mon esprit : Qu'est-ce que je foutais là ?
Paul, sembla comprendre et répondît directement :

– Tu ferais mieux de partir, North s'en remettra, mais elle n'est pas prête à encore affronter une personne instable dans sa vie.

Il m'avait à peine vu, et ce fut la seule chose qu'il avait compris en deux jours que j'étais « instable »

Le plus chiant dans tout ça, c'est qu'il a raison.

Je m'empresse de rentrer dans la maison, laissant le grand père de North à ses autres occupations, et il ne me faut que peu de temps pour réussir à ranger le peu d'affaire que j'avais réunis dans un unique sac. C'est à ce moment-là que North décide d'apparaître, merde. Moi qui comptait partir sans me retourner, c'est raté.

– Tu fais quoi ? On ne va pas tarder à se mettre à table, prononce-t-elle du bout de ses lèvres charnues.

– Ce sera sans moi, réponds-je aussitôt.

Je remarque qu'elle a accroché à son poignet le ridicule petit objet que je lui avait offert auparavant. Un simple bracelet en argent, un objet d'une banalité affolante.

– Hein ?

– Je me casse, dis-je trop brusquement vu le changement de son expression faciale.

– Tu me fais quoi là?

– Écoute West, je n'ai rien à faire ici, je me rapproche d'elle lentement afin d'arriver à sa hauteur. Je n'aurais jamais dû accepter ta proposition, c'est complètement ridicule.

– Je ne comprends pas, secoue-t-elle la tête.

La seconde d'après, la panique dans ses yeux, elle décide de franchir la barrière et m'embrasse d'une traite. Non pas que je ne désire pas le contact de ses lèvres contre les miennes, mais gardant le peu de self-control qui me reste je la repousse lentement.

– Je pensais que.. elle ne termine pas sa phrase.

Je te plaisais ? Oh que oui.

– Je ne veux pas apprendre à te connaître North, et je ne veux pas non plus m'ouvrir à toi. Je ne sais pas pourquoi j'ai accepté ta proposition, mais c'était idiot et irréfléchie. Tu m'as vu ? Moi, le gosse incontrôlable qui s'amuse à courir les rues la nuit pour tuer des gens, et toi, la frivole jeune fille qui se bat pour ne pas que sa barque coule au milieu de l'océan. Je suis à peine arriver que j'avais déjà tabassé ton frère, tu trouves ça normal toi ? Tu n'es pas prête à apprendre à me connaître, tu n'aimerais pas ce qui risque d'émerger de tout ça.

Bouche-bée, elle redresse la tête, se recule, et me dévisage d'un air mauvais.

– Dis-moi, qu'est-ce qui te pousse à être comme ça ? Tu es tombée sur la tête ?

– Non, je me suis juste rendu compte que ça ne servirait à rien d'apprendre à se connaître. Le quart de ce qui en ressortirait ne serait que mauvais. Tu ne me plais pas North, ta personne ne me plais pas.

J'exagère avec légèreté la chose, pour la réussir à la repousser du mieux que je peux. Ainsi, elle ne m'approcherais plus.

– T'es vraiment un sale con Krall. Tu pensais vraiment que toi aussi tu me plaisais ? Je voulais juste t'aider. Mais visiblement, tu n'est qu'une cause perdue.

Je fis abstraction du baiser qu'elle m'a donné avant, et la scrute dans les yeux. Cette conversation me stimule autant qu'elle m'énerve, je savais que si elle continuait elle allait franchir un point sensible.

Une cause perdue, oui c'est ce que j'étais.

– Je n'ai pas besoin d'aide, je vais parfaitement bien, grogné-je.

– Ta définition d'aller bien me parait légèrement erroné. Tu devrais aller te faire soigner Xander Krall, et je parle sérieusement, avec des médecins et tous le bordel, c'est à son tour d'attaquer les points sensibles.

Remonté contre elle, je décide d'enfoncer mon poing dans le mur juste à côté d'elle. Un minuscule sursaut de frayeur la fait bondir sur le côté. Mes nerfs à bloc, le souffle saccadé, j'attrape mes affaires et lui balance pour dernière parole :

– Si c'est ta façon de penser, ça n'aurait jamais pu marcher. Tu n'en vaut pas la peine.

Et c'est sur cette dernière phrase que je quitte la résidence avec pour simple au revoir un signe de tête à son grand-père pour lui faire comprendre qu'il avait raison.

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Le petit retour aha..

Qu'en pensez-vous ?

Bold Demon With GlassesWhere stories live. Discover now