7- Neverland

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L'eau du lagon était glaciale, même pour une sirène, à tel point que Rosélia se demanda si elle n'allait pas échouer dans sa mission, non pas à cause d'une sirène ou autre créature régnant sous les flots mais suite à un décès d'hypothermie. Sa destination n'était plus très loin heureusement, il ne lui fallut que quelques brassées supplémentaires pour entrevoir une toute petite crypte sous-marine, à peine assez grande pour contenir un coffret à bijoux mais qui était pourtant la destination de la jeune fille. Elle se retourna un moment afin de vérifier que personne ne la suivait.

Personne, en effet. Elle soupira de soulagement sans oublier qu'elle devait se dépêcher de récupérer l'organe vital du maître de l'île. Une ammonite rousse rappelant la couleur de la rouille couvrait l'entrée de la cavité et cachait le cœur comme pour le protéger. Pourtant elle n'était en aucune façon attachée à la roche, aucune serrure ni verrou n'y empêchait l'accès.

"C'est trop simple, bien trop simple " pensa la sirène aux cheveux d'azur en caressant du bout des doigts la surface du fossile. Peter Pan était bien plus intelligent que cela. Elle fronça les sourcils, pourquoi hésitait-elle encore ? Sa conscience la priait de ne pas perdre de temps et que c'était une aubaine qu'aucune sirène ne se soit pas encore jetée sur elle. Ses doigts se raidirent alors sur l'ammonite et la détachèrent de l'antre avec une facilité déconcertante. Elle aperçut ensuite, posé dans un écrin d'argent et de velours, un cœur d'un rouge éclatant si bien que de loin, elle aurait pu le confondre avec un amas de rubis. Elle était près du but, tellement proche. Sa respiration se fit lente, ses mouvements également lorsqu'elle tendit son bras pour l'attraper.

– Ne touche pas au cœur ! gronda une voix qui lui paraissait bien trop familière.

Elle hésita à se retourner, si c'était ce à quoi elle pensait alors il viendrait à elle, si elle provenait d'une créature marine, alors elle la déchiquèterait sans tarder et si ce n'était qu'une illusion, alors elle aurait la vie sauve.

– Rosélia, je t'en prie, continua la voix avec une once de douleur, Je sais que tu m'entends. Regarde-moi !

La jeune fille se retourna silencieusement. Elle ne s'était pas trompée : ses longs cheveux bruns s'envolant dans le vent, ou ici en l'occurrence dans l'eau, ses grands yeux émeraudes et ses lèvres qu'elle aimait tant embrasser ; elle ne pouvait douter, il s'agissait bien de son fiancé. Pourtant, elle nagea dans sa direction avec un pincement au cœur : il était impossible qu'il soit physiquement devant ses yeux puisqu'il était mort.

– Tu n'es pas réel, murmura-t-elle tristement

Le jeune homme qui faisait face à elle se mit à rire.

– Je le suis. Comment pourrais-tu me voir autrement ?

Pour toute réponse, elle s'approcha et effleura de sa main droite son torse nu. Il n'était pas aussi chaud ni aussi tendre que dans ses souvenirs, mais il semblait réel. Quelques larmes perlèrent sous ses yeux puis se mélangèrent aux gouttes du lagon azur.

– Arthur ? Comment as tu...

Il posa délicatement son index sur ses lèvres pour la faire taire et l'étreignit tendrement.

– Je suis tellement heureux de te revoir, Rosie...

Elle voulut l'embrasser, elle en mourait terriblement d'envie mais quelque chose l'en empêchait. Elle avait une mission, elle ne devait pas l'oublier. Timidement, elle se dégagea de ses bras, marmonnant :

– Je dois récupérer le cœur de Peter, tu sais qu'on ne doit pas rester trop longtemps, et c'est le seul moyen de sortir d'ici.

Le visage du jeune homme se décomposa. Il lia sa main à son frêle poignet pour la retenir.

Reflets D'histoires (terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant