Chapitre 5 : Enmyo (1/3)

Magsimula sa umpisa
                                    

— Où sont les autres ?

La question chevrotante avait fusé d'une vielle femme répondant au nom de Magdalena Petersberg. Kyle ne put supporter de lire l'effarement dans ses yeux jaunis par l'âge ou l'horreur qui étirait les rides de son visage parcheminé. L'interrogation se répandit sur toutes les lèvres. Il baissa les yeux pour ne plus avoir à leur faire face, pour fuir la nuée d'éclats qui brillait encore d'un espoir désespéré.

— Tous ceux qui ont survécu sont ici.

Les lueurs des regards s'éteignirent d'un même ensemble, la réponse de Kyle ayant joué le rôle d'interrupteur. Lentement, des poings se serrèrent. Des visages se fermèrent. Des larmes perlèrent. Mais tous refusèrent d'admettre la terrible vérité. Ils se précipitèrent vers les barricades, certain titubant d'égarement et d'autres bondissant de frayeur. Les familles et les amis trouvèrent les giclées pourpres de ce qui fut leurs proches.

Alfred Spencer serrait le corps sans vie de sa fille. Entre ses bras, sous son étreinte de père impuissant, la jeune Alexandra ballottait atrocement en tout sens, se désarticulant avec la facilité d'une poupée de chiffon. Ce qui jaillissait de sa gorge n'était plus une voix mais des fêlures et des déchirements. Plus loin, un enfant suppliait sa grande sœur de se réveiller, la tirant par la manche pour l'aider à se relever, s'écrasant au final contre elle en pleurs. Un homme fermait les yeux d'un ami vitrifiés par la mort. Une villageoise en état de choc tentait de recoller le buste déchiqueté de sa compagne avec les amas écorchés des jambes. Le docteur Zed hurlait des ordres tout en essayant de réanimer un adolescent au visage ravagé. De partout, les gémissements montèrent. Des sanglots éclatèrent. Des plaintes dissonèrent en un affreux chœur funèbre.

— C'est encore pire que tout à l'heure... cracha Fedor sur le point de vomir, de fondre en larmes, d'exploser de rage ou les trois à la fois en même temps. Je peux plus supporter ça !

— Je suis entièrement d'accord avec vous, étaya Enmyo. Il est temps de mettre un terme à cette folie.

Il s'avança d'un pas vers l'arc de villageois. Son regard ignora la masse pour pénétrer tour à tour chaque individu. Sa voix de harpe résonna alors avec plus de force, plus de gravité :

— J'ignore si vous le savez, mais votre attaque n'est pas un cas isolé. La Fédération Terrienne massacre des communautés comme la vôtre dans toutes les Terres Désolées du monde depuis plus d'un mois à présent. Elle le fait au vu et au su de tous, usant d'une pandémie inventée de toute pièce pour s'affubler de l'étoffe des héros. Ou, si vous préférez une version plus littérale, comment transmuter un génocide en sauvegarde de l'humanité.

Une vague d'incrédulité engloutit les villageois. Aucun ne paraissait savoir quoi répondre ou comment réagir. Et infiniment rares étaient ceux capables de supporter un contact prolongé avec les yeux d'acier.

— Attendez un peu !

Mona Sveltilskaïa fendit la foule tout comme la placidité ambiante. Elle se posta face à Enmyo, insensible à son charme à la fois hypnotique et écrasant. Bien au contraire, le pli de sa bouche, le froncement de ses sourcils et les poings fermés sur les hanches lui opposaient une implacable défiance, un scepticisme forcené.

— On nage en pleine théorie du complot ! Vous pensez réellement que la pandémie n'est qu'une excuse ? Que même la fédération pourrait couvrir un génocide à l'échelle planétaire ? Ou que notre extermination lui apporterait quoi que ce soit ?

— Est-ce si dur à imaginer ? réagit Enmyo sans se départir de sa sérénité. Pour ma part, j'ai au contraire beaucoup de mal à accepter l'existence d'un agent infectieux capable de se répandre sans vecteur de transmission. Il saute de Terres Désolées en Terres Désolées tout en épargnant les « territoires civilisés » de notre chère Fédération. Vous vous apprêtez à me rétorquer « Dans ce cas, pourquoi choisir une épidémie comme couverture ? », n'est-ce pas ?

Les Cendres d'un Rêve [Terminé]Tahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon