Chapitre 2 : Créatures de sang et monstres de métal (1/3)

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Dans les viscères des Bois Sombres, une nuit éternelle régnait.

Chaque silhouette se muait en ombre menaçante. Même les inoffensifs pépiements des oiseaux, les couinements des rongeurs et les proches bruissements des fourrés résonnaient en échos tels la promesse d'une mort imminente. Kyle se força à rester concentré. Ses yeux avait eu le temps de s'habituer à l'obscurité. Il parvenait encore à discerner les traces de la créature parmi la boue spongieuse surchargée d'aiguilles et de cônes en putréfaction.

Au cœur de la forêt, les traces se mêlèrent à celles, plus anciennes, d'une meute de loups. Ironiquement, le monstre devenait un traqueur traqué. Les sens de Kyle s'aiguisèrent, devinant que la confrontation risquait de survenir à chaque pas. Il glissait sur la piste à la manière d'une ombre. Son cœur pulsait un cocktail d'appréhension et d'adrénaline. Son fusil laser était prêt à ouvrir le feu.

Toutefois, les empreintes du némésis se volatilisèrent purement et simplement.

Ne demeuraient plus que celles des loups.

Kyle inspecta les alentours. Des striures dans l'écorce d'un épicéa l'interpellèrent.

— Ces bestioles savent grimper aux arbres maintenant ?

La chose ne possédait rien d'étonnante en soi. Les némésis étaient connus et redoutés pour leurs incroyables facultés d'adaptation. Cependant, un némésis sur terre constituait déjà un danger mortel. Alors un némésis arboricole, capable de se tapir dans les ramures et de fondre sur sa proie depuis les airs... De surcroît, suivre une piste qui sautait de branches en branches risquait de s'avérer un tantinet ardu. Heureusement, il existait un moyen indirect de retrouver la créature.

Sans perdre une seconde de plus, Kyle remonta la trace des canidés. Un petit groupe de six individus. Ils migraient probablement vers le sud pour suivre les troupeaux de gibiers. Aucun ne paraissait malade ou affaibli.

Ce némésis devait être particulièrement affamé pour prendre le risque de pourchasser seul une meute en pleine possession de ses capacités. À moins qu'il ne soit tout simplement certain de sa supériorité, ce qui impliquait un spécimen encore plus agressif que la moyenne. Un ultime détail tétanisa Kyle lorsque les empreintes du némésis se mêlèrent de nouveau parmi celles des loups : elles étaient plus profondes, plus larges, plus grandes.

Ce n'était pas un solitaire. Ils étaient au moins deux !

Le cœur de Kyle explosa en battements frénétiques, orchestrés par une terreur sans nom. Il s'efforça de garder la tête froide. De ne surtout pas fuir à toute jambe. Il lui suffisait de rebrousser chemin, aussi silencieusement qu'il était venu. Mais, au loin, une silhouette attira son attention. Il plissa les yeux pour percer les voiles de ténèbres forestières.

Prostrée dans un tapis d'aiguilles de pin. Un long museau. Des yeux vitreux. Une fourrure blanche maculée de giclées carmines. Un loup. Sauvagement éventré. Les némésis, en fins gourmets, n'avaient dévoré que les entrailles. Ils paraissaient avoir purement et simplement abandonné le reste de viande et de muscle sur la carcasse.

Une illusion. Un piège pour les charognards.

Kyle tendit l'oreille.

Rien.

Le chant des oiseaux s'était envolé, les bruissements des rongeurs enterrés. Même le souffle du vent s'était tari, interdisant à la végétation d'émettre le moindre froissement. Un calme anormal, suffoquant, angoissant planait.

Un silence de mort. Un mutisme qui ne pouvait signifier qu'une chose : Ils étaient là.

Kyle se coula contre l'arbre le plus proche. Il grimpa précipitamment le long des branches. Les aiguilles lui griffèrent le visage et les mains sans même qu'il n'en prenne conscience. Une seule chose l'obsédait : se mettre hors de portée de griffes et de crocs des deux monstruosités. Son ascension s'arrêta brusquement à presque cinq mètres de hauteur, faute de prise capable de supporter son poids. Il se cala dans un équilibre précaire contre le tronc. Il se sécurisa un minimum en serrant son appui de bois entre ses cuisses. Les impénétrables tapis d'aiguilles ondulaient sans bruit au-dessus de sa tête. Au-dessous, il jouissait d'une vue imprenable sur l'ensemble des lieux.

Les Cendres d'un Rêve [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant