Chapitre 10: partie 2

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    Les autres se joignirent à elle dans un rire à vous glacer le sang. La femme rousse fit alors un geste et un rectangle se dessina soudainement dans l'air semblant s'ouvrir sur un ailleurs. Ils s'y engouffrèrent emportant avec eux le reste de ses parents. De ce qui venait de se passer, Satty n'avait rien vu, elle avait juste tout entendu et c'était déjà un commencement, un indice sur le pourquoi de la chose. Elle aurait aimé voir leurs visages, pour savoir à quoi ils ressemblaient, seul l'homme balafré lui était apparu, mais elle ne l'avait pas bien vu car il se trouvait dans la pénombre et parce qu'elle avait était prise d'une peur terrible à ce moment-là et que son cerveau ne pensait plus qu'à la faire rendre transparente. Transparente, elle l'avait été une brève seconde, elle ignorait ce que cela voulait dire, comme elle ignorait pourquoi une boule de lumière était sortie de sa main quelque temps plus tôt. Elle avait peur et se sentait terriblement seule, tous les remparts et les certitudes qu'elle avait eus dans sa vie, s'étaient écroulés en une soirée. Était-elle une sorte de sorcière elle aussi ?

   Elle qui avait craint la magie toute sa vie durant, comprenait enfin pourquoi son père en avait si peur. Même s'il lui arrivait d'observer la magie de loin grâce à Anatole, jamais elle ne se serait permise d'en faire. C'était comme renier tout un pan de son éducation, c'était comme renier l'autorité parentale dans ce qu'elle avait de plus propre. De plus, au fond d'elle, elle avait toujours su qu'à part de rares exceptions il ne fallait jamais, au grand jamais, faire confiance à un sorcier, et que si elle avait un ami qui en était un, ce n'était que pour mieux en confirmer la règle. Si des fois, elle se prenait à rêver des sorciers de la guilde, qui eux seuls pouvaient se rendre la bibliothèque royale, ce n'était que parce qu'ils représentaient sans doute son unique chance de comprendre ce qui s'était passé il y a une dizaine d'années de cela. Son dernier espoir d'enlever la culpabilité qui la rongeait et ne l'avait jamais quittée depuis.

   La vie était quand même injuste, on lui avait déjà enlevé un frère et maintenant il fallait qu'on lui prenne ses parents ! Pourquoi était-elle la seule à avoir survécu ? Pourquoi avait-elle eu la vie sauve ? Une chose en elle lui disait qu'elle ne devait pas non plus crier victoire, certes elle était en vie, mais pour combien de temps ? Combien de temps mettraient ses ravisseurs avant de se rendre compte qu'elle n'était pas chez Zélie, et qu'elle se trouvait sans doute ici ? Combien de temps avant qu'ils se mettent à sa poursuite, et que telle une bête traquée, elle passe le reste de sa vie à fuir ? Elle sut qu'elle n'aurait sans doute que cette soirée pour tout régler, elle devait partir le plus vite et le plus loin possible pour mettre le plus de distance entre elle et ses ravisseurs, entre elle et la mort.

  Satty comprit l'ampleur de la chose quand elle sortit enfin de sa cachette. En une seule soirée, elle se retrouvait maintenant orpheline et n'avait plus aucune personne sur qui compter. Pire, elle ne pourrait pas rester une nuit de plus ici, car elle était aussi visée et devait fuir le plus vite possible. En quelques instants, elle était passée de l'insouciance à la détresse. Il y avait encore une heure de cela, elle avait une famille et un toit et sa plus grande préoccupation de damoiselle stupide et insouciante, était sa dispute avec sa meilleure amie, maintenant elle avait le statut d'orpheline, dont la principale préoccupation était de fuir au plus loin. Le plus loin possible et le plus vite de la maison qu'elle avait toujours aimée et où elle avait toujours vécu, pour vivre on ne sait où, et passer le reste de sa vie à errer, dans l'espoir de découvrir la vérité et d'échapper à la mort que ses assaillants lui promettaient. On était loin de St James, de ses futilités, des bals, de la dernière mode...

   En ce jour, elle qui pensait comprendre Anatole à cause de ce qui s'était passé avec son frère se rendit compte, enfin, que ce n'était pas le cas. Elle ne le comprenait que maintenant. Anatole avait perdu sa famille lors de l'explosion d'un volcan explosifs, alors que l'ancienne capitale où ils vivaient, faisait déjà face à la pandémie de peste qui avait frappé le sud de l'état quinze ans plus tôt dans les campagnes. Rare survivant, il avait vraiment tout perdu ce jour-là. Depuis, il n'avait jamais vraiment eu de chez lui. On l'avait continuellement traité comme un moins que rien (à cause de sa condition de Plume d'Or) et il avait dû travailler dix fois plus que tout le monde pour prouver ses capacités. Très vite, Anatole avait su que la vie ne faisait pas de cadeau et qu'elle n'épargnait personne, qu'on pouvait tout perdre d'un coup, c'est pour ça qu'il fallait toujours prévoir à l'avance afin de parer à toutes les éventualités qui ne manqueraient pas de survenir un jour ou l'autre. Oui, en ce jour, lui seul était le plus à même de la comprendre et maintenant qu'elle ne savait plus où aller, elle se dit que ce serait le seul à qui elle irait dire au revoir avant de partir. Elle ne savait pas bien où, sûrement dans les Terres du Nord. Elle pourrait proposer ses services et gagner quelques sous tout en effectuant des cours du soir ; elle verrait en fonction de l'argent qu'elle aurait pour payer un billet de train, elle irait aussi loin que son porte-monnaie le lui permettrait. Anatole serait la dernière personne sûrement qu'elle verrait avant de dire adieu à la vie telle qu'elle l'avait connue. Il serait sans doute de grand conseil et c'était le seul qu'elle pourrait voir sans avoir peur de mettre sa vie en danger parce que très peu de personnes connaissaient leur amitié et elle était prête à parier que ces malfrats n'en faisaient pas partie.

   Pour ce qui était de Zélie, là, l'affaireétait toute autre. Elle savait déjà qu'ils la surveillaient et qu'ilsattendraient qu'elle s'approche avant de la capturer à son tour. Elle savaitque la revoir mettrait la vie de son amie et de sa famille en danger et elle nele voulait surtout pas. Par contre, elle ne pouvait pas laisser Zélie sansexplications, qu'il y ait eu dispute ou pas, elle avait toujours été sameilleure amie et elle serait trop inquiète de ne rien savoir. C'est là que sadernière entrevue avec Anatole serait utile, elle lui ferait parvenir unmessage à travers lui. Elle préviendrait ainsi Zélie d'être sur ses gardes,qu'ils étaient surveillés, elle et sa famille, et qu'elle ne pourrait donc pluspar la suite lui donner signe de vie, jusqu'à ce que cette affaire voie sonterme. Bien sûr, elle n'écrirait pas où elle comptait se rendre sous peine devoir sa lettre interceptée ou qu'on interroge Zélie pour tenter de savoir oùelle se trouvait. D'autant plus qu'il devait y avoir un traître dans sesproches car ils savaient qu'elle allait passer la soirée chez elle. Peut-êtremême que, leur ligne téléphonique était sur écoute par une opératrice ? Ellen'en savait rien, elle devait envisager toutes les éventualités pour ne pascommettre d'impair et elle devait le faire vite ! Elle se dit que la meilleuresolution était de faire son sac et de fouiller la maison de fond en comble à larecherche d'indice et d'argent. Elle commencerait par la chambre de ses parentssuivie du bureau de son père. 

La sorcière détective !  /  Tome 1: Le manoir aux deux dragonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant