Chapitre 3: Partie 2

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  Ce jour-là, elle récitait un poème antique, qui illustrait un passage historique des plus populaires, retraçant les derniers jours du Roi de Trachiat après la terrible guerre de Frocopiof. En effet, ce poème racontait comment le Roi de Trachiat terriblement amoureux de sa femme, avait vu son amour être connu de par le monde, tant il était grand. Mais par admiration pour son peuple et sa patrie, afin d'arrêter une guerre horrible qui ne durait que depuis trop d'années, il avait donné, au Roi ennemi en échange d'un traité de paix, ce qu'il possédait de plus précieux au monde, à savoir sa femme. Celle-ci s'était alors laissé mourir d'amour. Le roi, fou de chagrin, avait donné un royaume en paix à son fils aîné qui était bon et juste, et qui avait su par la suite le maintenir et le faire prospérer. Puis, l'ancien Roi de Trachiat s'était rendu sur la tombe de sa femme et s'y était suicidé, pour rester à jamais auprès d'elle. On avait trouvé son geste si beau, qu'ils étaient rentrés dans l'Histoire comme le Roi et la reine amoureux, et ils symbolisaient depuis l'amour vrai. On leurs vouait même un culte et élevés au rang de Saints, plus d'un amoureux transi leurs avaient fait des offrandes afin qu'ils interviennent dans leur amour contrarié.

  Elle en était donc au passage où la Reine de Trachiat, nouvelle Reine d'Espalia, décide de se donner la mort, afin de ne pas avoir à remplir le devoir conjugal et rester fidèle à son premier mari. Satty transportée par tant de sacrifice et afin de parfaire son jeu d'actrice, s'était écroulée par terre, en faisant semblant de s'évanouir. Elle était alors restée plus de cinq longues minutes dans cette position, les yeux parfaitement clos, si bien qu'elle ne vit pas un attroupement de gens s'agglutiner autour d'elle pour savoir si elle avait fait un malaise. Quand elle ouvrit enfin les yeux, de surprise, elle s'évanouit bel et bien, à moins qu'elle ne fît semblant tant elle se sentait honteuse. Toujours étant, elle ne se réveilla par la suite, qu'une bonne heure après cela, à l'infirmerie. Il était tard et le soleil commençait déjà à se coucher. La plupart des gens qui l'avaient trouvée allongée sur le sol étaient déjà repartis ; ne restait plus qu'Anatole qui, assis sur un fauteuil près d'elle, lisait un livre. Quand, il vit qu'elle avait enfin ré-ouvert les yeux, il prit soin de refermer son livre en y glissant un marque page. Puis il la regarda en lui souriant. Il avait l'air de trouver la situation très drôle.

- Alors, je vois que notre actrice en herbe a encore fait des siennes !! Du grand spectacle ! Un peu trop peut-être, vu que tous vos admirateurs secrets ont vraiment cru que vous vous étiez évanouie !

-Mes admirateurs secrets ? elle eut trop peur de comprendre, ses craintes étaient enfin confirmées, Mes admirateurs secrets ?

-Oui, vous ne saviez pas que vos représentations étaient très populaires ?

-Non, certainement pas !!

-Le lieu, que vous aviez choisi, n'est pas aussi désert que vous le pensiez !! C'est même un lieu incontournable pour les amoureux ! Car on doit passer par ce bosquet pour se rendre à un lac un peu plus en contrebas. C'est un lac magnifique, on dit que si on y vient en couple et qu'on y lance en même temps une pièce dans l'eau, alors le couple sera béni et restera ensemble toute sa vie. Je m'y rendais d'ailleurs, comme la dernière fois, pas que je tienne à y jeter des pièces, mais l'endroit est très agréable et j'adore y lire.

-Donc la dernière fois vous ne m'épiez pas ?

-Non ! Comme je vous l'avais dit je ne suis tombé que sur une ou deux de vos représentations, par hasard !

-Les lieux sont si visités que cela ? Je n'y ai pourtant jamais croisé quiconque !

-C'est parce que vous n'aviez jamais vraiment fait attention. La première fois que je suis tombé sur une de vos prestations improvisées, j'ai beaucoup ri. Par la suite, j'ai appris que vos représentations étaient connues d'un grand nombre, qui comme moi, sont un jour tombés sur l'une d'entre elles au hasard d'une promenade, dit-il en contenant difficilement un fou rire. Il reprit alors son sérieux et continua sur une voix plus grave, Il s'est alors créé une sorte de groupe d'admirateurs, qui sachant à peu près à quelle heure vous vous y rendiez, vous emboîtaient le pas, et vous regardaient entre les arbres. On vous voit très bien du haut de la colline, mais sous cet angle vous ne pouvez voir personne ; et comme votre voix porte, on n'a aucun mal à vous entendre !

   Anatole parlait comme un connaisseur, Satty se demandait s'il ne faisait pas partie de ces spectateurs en question, qui assidus, l'attendaient tous les jours. La honte !!

-Mais comment se fait-il que personne ne m'ait jamais mise au courant ?

-Ils ont tous peur, votre mauvais caractère est aussi connu que vos prestations, de plus, après qu'ils aient eu vent de la gifle que vous m'avez donnée (et il ne fallait pas chercher loin pour comprendre que c'était sûrement Anatole qui les avait informés !) ainsi que du fait que vous ayez déserté les lieux pendant si longtemps. Quand il s'est dit que vous aviez repris, plus personne n'a osé vous en parler !! Par contre, quand ils ont cru que vous vous étiez évanouie, ils se sont enfin décidés à sortir de leur cachette.

-Mais vous, vous n'auriez pas pu me le dire ?

-J'ai essayé à plusieurs reprises, mais j'ai comme qui dirait eu l'impression que vous me fuyiez ces derniers temps, dit-il avec un sourire radieux.

Il avait vraiment l'air de s'amuser ! C'était bien le seul!

- Si je résume bien, vous êtes en train de me dire, que presque toute l'école m'a déjà vue, une ou plusieurs fois, réciter des poèmes, chanter, ou raconter mes déboires du jour aux arbres ! dit-elle catastrophée.

- Toute l'école je ne sais pas, mais c'est à peu près ça, oui.

- Je suis finie !! Il ne me reste plus qu'à mourir, d'ailleurs, je vais attendre la mort ici, je n'oserai jamais plus sortir. Demain tout le monde ne parlera plus que de ça, j'ai perdu le peu de réputation et d'honneur que je n'ai jamais eu !! Je suis finie !!

  Anatole riait vraiment maintenant !! Satty lui lança son coussin sur la tête, mais ça n'eut pas eu l'air de le calmer.

-Mais qu'est-ce que je vais faire ? reprit-elle. Je ne pourrai jamais revenir à l'école. Croyez-vous que les autres écoles accepteraient un transfert en cours d'année ?

-Je ne sais pas, mais ce n'est pas important, car demain vous reviendrez ici, la tête haute, et vous suivrez vos cours comme d'habitude.

-Je ne pourrai jamais faire ça !

-Si, vous le ferez, car c'est dans votre caractère, demain vous affronterez la moquerie de tout le monde avec votre arrogance habituelle, quand quelqu'un dira " c'est la Reine de Trachiat " vous répondrez " pour vous servir " ou un " que vois-je, mon bouffon est là " ou encore « n'avez-vous pas entendu ? Laissez passer ma royale personne ! » Et tout le monde rira de vos pirouettes et de vos tirades acerbes et percutantes, puis, dans quelques jours, les gens lassés de voir que vous ne vous offusquez en rien de leurs critiques, trouveront quelque chose de mieux à se mettre sous la dent, et ils vous auront déjà oubliée.

  Le lendemain, Satty appliqua les conseils d'Anatole, et il eut parfaitement raison car une semaine plus tard, l'affaire était déjà passée, et même, elle en avait acquis là une certaine notoriété. (Bien que certains la tenaient maintenant comme pour définitivement folle !) Satty ne retourna jamais plus dans son bosquet, et si elle avait parfois des envolées lyriques, elle ne les faisait plus, que dans son bain ! C'est à partir de là qu'Anatole et elles devinrent amis. Anatole devait avoir raison sur tout, car cela aussi il l'avait prévu. 

La sorcière détective !  /  Tome 1: Le manoir aux deux dragonsWhere stories live. Discover now