Chapitre 38

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Mino me tira avec une telle violence que je crus mon épaule déboîtée. Je passai d'une main les amulettes autour du cou et je me mis à courir. La glace se fissura sous nos pieds. Je voulu lâcher la main de Mino mais il me retint. Soudain ce n'était plus de la glace sous mes pieds mais bien de la neige. Je m'effondrais voulant sentir la terre de mes mains. Je me jetai ensuite au cou de Mino.
–Amaya, murmurai-je.
–Quoi ?
–Merci.
Je restais dans ses bras, je voulus que ce moment dure une éternité. Je ne voulais pas affronter la vérité. Mais les cris de Cannelle m'arrachèrent à son étreinte. Deux d'entre nous étaient peut-être morts. Cinq dérivaient à présent sur un glacier menaçant de les noyer à tout moment. Cannelle venait de perdre sa jumelle. Elle pleurait, criait, se griffait le visage. Arellys et Antonin étaient autour d'elle à la contenir comme ils pouvaient. Ils pleuraient tous. Je retins mes larmes. Je m'étais juré de ne pas pleurer, pas devant eux, de ne pas me montrer faible. Je pris mon visage entre mes mains et attendis. J'attendis que les cris de Cannelle s'arrêtent, transformés en sanglots étouffés. Je me remémorai chaque visage des participants, du saut en parachute à ici, de la fille à la jambe cassée jusqu'à Kenzo et Victoire. Je ne devais jamais les oublier, jamais. Quand tout fut enfin redevenu calme, je me levai. Je m'approchai de Cannelle, les yeux vides.
–Il faut y aller, dis-je doucement.
Arellys, Mino et Antonin levèrent des yeux fatigués vers moi.
–On peut y arriver j'en suis sûr ! Allez debout, on ne va pas abandonner d'accord, pas si près du but ! À quoi auront servi tous ses efforts sinon ? Rien. Tant de morts pourquoi ? Rien. On peut encore en sauver ! Je désignai les amulettes autour de mon cou. Huit ! Huit personnes sont encore dans cet enfer ! Huit personnes humaines qui méritent de vivre contrairement à ce que pense Aldrick ou le système arachnide.
Ils levèrent des yeux remplis d'espoir. Alors j'osai exposer mes idées. Pour les motiver. Le jeu ne mérite pas d'exister, voir se faire tuer des adolescents c'est inhumain. Plus bas pour ne pas être entendue je murmurai :
–Leur seul but est de contrôler la population. Ils veulent montrer leur pouvoir. Montrons-leur que c'est faux ! Que nous serons toujours là. Nous ne sommes pas des pions ! Plus fort cette fois je criai, je l'avoue en signe de provocation :
–La mort de ces rebelles resterait injustifiée.
Cannelle se leva, elle s'avança vers moi, enleva son amulette et me la passa autour du cou. Numéro trois. Cannelle était numéro deux. Alors je compris.
–Je te confie celui de Victoire, ne le perds pas. Tu la sauveras j'en suis sûre.
Cannelle n'avait pas son collier elle ne franchira pas la porte. Elle me prit le bras, je le lui serrai en retour. Ses yeux bleus me figèrent.
-Je vous accompagne jusqu'au bout, jusqu'où nous pourrons aller. Allons leur montrer que nous n'abandonnerons jamais.
Je souris. Ils commencèrent à marcher devant moi. Je leur emboîtai le pas. Je regardai mon chrono : 12 heures. À chaque pas, je m'enfonçai jusqu'aux genoux dans la neige.

Nous marchions depuis plusieurs heures. Nous décidâmes de faire une pause de quelques minutes. Pendant que deux veilleraient, les autres dormiraient. Mino et moi prirent le premier tour de garde. Nous nous assîmes l'un contre l'autre. Il me prit la main. Je levai les yeux vers le ciel, la lune apparaissait faiblement dans le ciel bleu clair. Mino pris mon pendentif entre ses mains. Je détachai alors mon collier. Il le prit dans sa paume et l'examina. Il afficha soudain une mine perplexe.
-Il y a une inscription grecque, que signifie-t-elle ?
- « astérikos », petite étoile. Regarde, les reflets sont disposés en astérisques comme une étoile.
Il y eut un silence puis il reprit :
–Tu penses à ta famille parfois ?
–Oui parfois, dis-je.
–Moi souvent, ce sont eux qui m'aident à tenir le coup. Je veux absolument les revoir. Tu penses qu'ils ressentent quoi de nous voir ainsi ?
J'imaginais mes parents et mes sœurs devant un écran géant ou sur leur téléphone assistant au direct.
-Je ne sais pas. Je crois que je préférais qu'ils ne regardent pas.
–Moi aussi ma mère me disait souvent quand je bloquais sur un problème lors de mes devoirs ou autres « Regarde prends ton temps, tu t'embrouilles. Va respirer un peu, prend du recul ça ira mieux après. Il faut que tu essayes de voir le problème sous un autre angle ». C'est ce que j'essaie de faire ici mais je n'y arrive pas. J'ai une boule au ventre en permanence. Tout me ramène aux jeux.
–On a l'impression d'être dans un cauchemar éveillé, pris au piège.
–Oui c'est insupportable. Tu sais j'ai cru que tout était finit à la rivière, tout le monde le pensait. Sauf toi Elea, sauf toi. Tu nous as motivés, tu as toujours cru que nous y arriverons. C'est pour ça que je t'admire.
Je souris faiblement. Mino se trompait, ce que j'avais dit je ne le pensais pas. Je n'étais pas sûr d'y arriver. Je ne pense pas que ceux derrière nous soit encore en vie. Je l'ai dit pour qu'ils ne se laissent pas mourir. C'est un peu le rôle d'un dirigeant, donner de l'espoir quand il n'y en a plus. Ce fut à notre tour de dormir. Arellys et Antonin prirent le relais. Je m'allongeai.

Ma Pierre de luneWhere stories live. Discover now