Première partie: Les sélections

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Chapitre 1

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Il fait beau aujourd'hui. Un homme et une femme tiennent une petite fille par la main. Le couple est radieux, l'enfant s'amuse à se suspendre aux bras de ses parents. Ils sont dans un grand parc vert où de nombreux passants viennent se promener. On peut entendre le gazouillement des oiseaux et le rire des enfants. L'homme salue une vieille femme qui promène son chien et la petite famille s'assoit à l'ombre d'un arbre. Le couple s'assoupit et la petite fille remarque un petit oiseau sautillant dans l'herbe. Il a une tête rouge et blanche ainsi que des ailes jaunes et noires : un chardonneret. Émerveillée, elle suit cet oiseau et grimpe à un arbre. Elle essaye de l'atteindre mais il s'envole pour se poser un peu plus haut. La petite continue de grimper. Un sourire illumine son visage. En équilibre sur une branche l'enfant tend le bras pour l'atteindre. L'oiseau s'envole, elle glisse et pousse un cri de stupeur. Une branche la griffe au visage et elle perd connaissance.

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J'effleurai ma cicatrice en forme de croissant de lune sur ma tempe gauche. Elle me rappelait une époque heureuse malgré ma chute de l'arbre. Les temps avaient changé à présent. Un système inégalitaire était en place en France, le système arachnide. A sa tête, un tyran nommé Charles Aldrick, contrôlait le pays. Ce n'était pas officiellement un tyran mais on le considérait comme tel. C'était un homme dans la soixantaine qui avait accédé légalement au pouvoir en tant que président. Mais il s'était vite révélé que ses intentions étaient toutes sauf démocratiques. Il avait manœuvré vilement et malicieusement comme une araignée tisse sa toile et piège ses proies avant de les dévorer. D'où le nom arachnide. Ce qui est amusant également c'est l'étymologie du prénom Aldrick signifiant « vieux chef ». Il s'était attribué les pleins pouvoirs. Ce n'était pas vraiment le cas mais tous les hommes à l'assemblée étaient de son côté. Personne ne se dressait contre lui car il avait des moyens de pression terribles. Et il n'était pas seul, il avait de nombreux sbires à ses côtés et de grands hommes politiques le soutenaient. C'est pourquoi la presse se taisait, les journaux préféraient éviter le sujet et se concentraient sur les évènements extérieurs à notre pays.

-Psss, me fit Alixe, ma voisine de gauche.

- Quoi ?

- J'en ai marre, y a pas plus ennuyeux comme cours d'histoire.

Il faut préciser que même le programme scolaire avait été modifié et rabâchait aux élèves la fascinante ascension d'Aldrick. Le professeur d'histoire M. Lamon que j'appréciais beaucoup avait été révolté comme la plupart des professeurs. Mais ils n'avaient pas voix au chapitre. La cloche sonna. Je sortis du lycée accompagnée d'Alixe. L'établissement scolaire était assez réputé et immense. Il y avait une dizaine classes de première autant dire beaucoup d'élèves. J'en étais une parmi d'autres, une fille normale en somme. Je rentrai chez moi.

Lorsque mes parents arrivèrent à la maison, je vis tout de suite que quelque chose n'allait pas. Même si le temps où tout allait bien était révolu de longue date.

-Tout va bien Papa ?

- Oui ma puce.

- On devrait les mettre au courant tu ne crois pas ? ajouta ma mère, anxieuse.

- On n'en est même pas sûrs Florence.

C'est à ce moment que mes deux petites sœurs déboulèrent en courant.

-Bonjour ! crièrent-elles en chœur.

Et elles repartirent comme elles étaient arrivées. Mon père s'assit sur le canapé et alluma une grande tablette. Celle-ci divulguait les infos quotidiennes. Ma mère et moi nous assîmes à côté de mon père. Apparemment à l'époque de mes parents ce n'était pas sur une tablette que passaient les infos mais sur un écran géant, fixe qui plus est. Les infos apportaient les mêmes nouvelles que d'habitude. Le chômage et la crise augmentaient considérablement. Des familles commençaient à avoir du mal à subvenir à leurs besoins. C'était la faute du tyran tout ça. Ma mère comme d'habitude pestait contre les hommes au pouvoir.

-C'est inconcevable qu'aucun pays ne nous vienne en aide. Il est vraiment impossible de renverser ce dictateur ? se lamentait-elle.

- Voyons tu sais bien que c'est plus compliqué que ça. S'engager contre Aldrick reviendrait à déclarer une guerre que tous veulent éviter. C'est un enjeu politique considérable.

- C'est vrai, je suppose que la menace de l'arme Oméga les terrifie également, ajouta ma mère.

L'arme Oméga avait été récemment mise au point par un scientifique français très réputé. Nous étions le seul pays à la posséder ce qui effrayait les autres puissances mondiales. Mon père fixa sa montre.

-C'est l'heure, dit-il avec une voix chargée d'angoisse.

Il appela mes sœurs. La télé annonça un flash spécial en direct. J'étais interloquée. Le tyran debout devant le palais de l'Elysée s'apprêtait à prononcer un discours. Il était accompagné de son bras droit, le colonel Lanster. Mes sœurs esquissèrent un regard complice à sa vue et mon père leva les yeux au ciel. Tous deux avaient une broche gravée d'une toile en feu, un symbole bien choisi, pensai-je.

Le général Aldrik commença :

-Chers concitoyens, aujourd'hui est un grand jour. Notre pays est fier d'organiser un concours en l'honneur du nouveau système en place. Vous vous demandez sûrement « Mais qu'est-ce qu'un concours ? » ; celui-ci est particulier. Il se déroule dans un environnement choisi par nos experts. C'est simple, vous avez un point de départ et il faut être le premier au point d'arrivée.

Le colonel Lanster esquissa un sourire et continua :

- 20 candidats seront choisis selon des critères très précis. Nous voulons les plus combatifs du pays, des survivants. Des structures seront aménagées dans tous les lycées du pays et permettront de sélectionner les adolescents.

Mon père afficha une mine décomposée, ma mère avait les sourcils froncés. Aldrik continua:

- Seuls des adolescents pourront participer. En effet, la société d'aujourd'hui vous reproche des attitudes injustifiées : flemmardise, agressivité, égoïsme, paresse. La génération jeune est « claustrée dans le numérique » dit-on ; « Absorbée par les écrans, incapable de rien d'autres ». Alors prouvez-nous le contraire. Nous vous détaillerons en quoi consiste le concours et les différentes épreuves par la suite.

Les deux hommes se fixèrent d'un regard entendu et le flash spécial disparu. Chloé ma plus petite sœur de dix ans sauta de joie et cria :

-Elea c'est génial ! Tu vas pouvoir participer !

- C'est comme dans les Hunger games, renchérit Jane.

Mes parents ne savaient pas comment réagir. Je les comprenais, était-ce une bonne nouvelle ? Je sentais cependant qu'ils me cachaient quelque chose. Je souris à ma sœur. Je dois avouer que ce concours était plutôt excitant. Ça pimentera un peu les cours et ce n'était pas plus mal.

Ma Pierre de luneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant