Chapitre 33

127 23 9
                                    

48 heures

Je délirais. J'entrouvris les yeux. Je distinguais des ombres penchées au-dessus de moi. J'avais chaud, je transpirais. Je replongeais dans le sommeil.

Lorsque je revins à moi, ma douleur avait un peu diminué. Je n'avais plus de fièvre. Combien de temps avais-je dormi ? Je regardais mon chronomètre, plus de huit heures, c'était trop, beaucoup trop. Je n'avais pas vu la femme qui se tenait à côté de moi. Elle sortit du tipi en courant dès qu'elle vit que j'étais réveillée. Le chef rentra presque immédiatement après. Il effectua un rictus que je pris pour un sourire. Il commença à parler, voyant que je ne comprenais pas il recommença plus lentement. Je cru comprendre que c'était un grand acte d'avoir sauvé l'enfant qui semblait être son fils. Puis il secoua la tête et prononça en boucle ce mot « Bramfaia ». Il mima des gens en train de courir. Je répondis en mimant :

–Vous, partir vers Bramfaia ? 

À sa tête ce n'était pas ça. Je ne comprenais pas. Il fit alors venir la carcasse du drone qui s'était écrasé à mes pieds avant ma première rencontre avec les indigènes. Il pointa l'objet du doigt.

– « Bramfaia ». 

Je compris, ils fuyaient. Ils fuyaient Bramfaia, le danger, les jeux, Aldrick. La femme revint et désigna la plante dans sa main.

– « Pacha », dit-elle. 

La plante possédait des feuilles rouges avec de fines épines sur le dessus. Elle m'appliqua une feuille sur ma plaie. Ça piqua mais presque aussitôt la douleur diminua d'intensité. Lorsque je sortis, toutes les tentes avaient été rangées ou détruites. Ils partaient. C'est comme s'ils n'attendaient plus que moi. Mes cheveux détachés me gênaient, j'avais perdu mon élastique. La même femme me pris la main et m'entraîna vers un groupe d'indigènes assis en rond. Un jeune indigène aux muscles saillants se leva et plongea sa main dans un bol à côté. Il l'a ressortie tachée de rouge. Il me l'appliqua sur le visage. D'autres firent de même. Surprise, et fascinée je me laissais faire. J'aurais aimé voir à quoi je ressemblais. Ils tressèrent mes cheveux qu'ils nouèrent ensemble à la fin. Le chef arriva et m'examina avec curiosité. Il porta la main à mon cou et saisit les cinq amulettes que je portais ainsi que ma pierre de lune. Il me questionna du regard. Je lui montrai quatre amulettes et lui murmura « Bramfaia ». Je serrai les deux autres bijoux contre mon torse et dis :

– A moi. 

Le grand indigène acquiesça. Alors il enleva de son coup l'un des nombreux colliers qu'il portait. Celui-ci était tout simple, une dent était accrochée à un fil épais. Je devinais sans mal que c'était une dent de jaguar. Il me la posa dans la main en déclarant :

-A moi.

J'étais touché par son geste. Je portai la main au niveau de mon cœur et je murmurai :

–Amaya. 

Je suivis donc le cortège d'indigènes qui migrait vers un lieu plus sûr en direction du nord ce qui me permettrait je l'espère de retrouver mes coéquipiers. Nous marchâmes toute la nuit. Peu à peu j'apprenais leur façon de fonctionner, de se déplacer. Je marchais entre les branches et les feuilles. Je les suivis lorsqu'ils prirent un tapir en chasse. Cela m'apprit beaucoup et je ne m'étonnais plus de nos échecs de chasse avec Mino et Arellys. Le vent jouait une place primordiale. Il fallait arriver dans le sens contraire. Les animaux étaient capables de remarquer notre présence à des kilomètres. Le jour pointait déjà. L'air était plus frais qu'à l'accoutumée et une rosée s'était déposée sur les feuilles de nombreux arbres. Au fur et à mesure que nous avancions la forêt s'amincissait, ce qui nous obligea à obliquer légèrement vers l'ouest. Je ne pouvais garder ce cap. Les étoiles disparaissaient, or elles m'étaient essentielles pour m'orienter sans boussole tel que me l'avait appris Simon. Je le fis comprendre au chef. Il comprit et décida qu'un petit groupe d'indigènes m'accompagnerait jusqu'à la lisière de la forêt qui selon lui était proche. En effet peu de temps après les arbres se firent plus rares. Nous arrivâmes alors à une petite clairière. Nous restâmes cachés à l'abri des arbres mais déjà je repérai des drones qui tournaient en rond dans la clairière ; je sus que c'était le moment de nous dire adieu.

Ma Pierre de luneWhere stories live. Discover now