Chapitre 31

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Soudain j'arrivai devant une immense barrière. Que faisait une clôture dans l'Amazonie ? J'entendis soudain un cri :

-Elea, Elea !...

C'était Mino. Mon cœur se serra. J'hésitai alors à enjamber la barrière. Mais si je revenais vers eux il y aurait les fourmis. Alors je passai de l'autre côté. Je pense que là était un autre de mes défauts, penser aux autres avant moi. Cette tendance à se sacrifier. Mais je n'y pouvais rien. Je courrai de toutes mes forces jusqu'à haleter comme un chien. Mais je continuai. Des branches venaient me griffer les jambes, le visage. Les plantes me semblaient toutes plus grandes que les autres. J'avançais à l'aveugle dans cette végétation abondante. Je ralentissais malgré moi, les fourmis se rapprochaient. J'étais perdue. Je n'allais pas assez vite. Mon sac de survie me ralentissait. Mais je refusais de m'en séparer, ce serait mourir si je me retrouvais seule. Bien sûr Simon m'avait préparé à survivre sans, mais c'était sans compter les événements extérieurs et les contraintes du terrain. Qu'aurait-on fait sans corde, sans outils ? Il contenait tellement de choses, c'était tout ce que je possédais. Tout. Ma seconde maison. Certaines fourmis me remontaient le long des jambes, mordant et piquant. Je criai de rage. Alors je me résolu au pire. J'enlevai mon sac de mon épaule et je pris tout ce qui pouvait être sauvé. Quelques dagues et allumettes mais je n'eus pas le temps de finir. Je faillis trébucher et je me relevai de justesse. Alors de toute mes forces je balançai mon sac en arrière, espérant les occuper un moment. Je courais, courais. J'avais envie de vomir. C'est alors qu'un phénomène étrange se produisit. Une pluie de balles s'abattit sur moi. Ce n'était pas des balles mais des fruits qui s'écrasaient par dizaine au sol. Je levai les yeux, elles semblaient tout droit sortir de nulle part. Une odeur bizarre s'éleva. Ma tête me tournait. Je voyais le sol tanguer. Mes membres étaient comme ralentis. Je fis un effort monumental pour tourner la tête derrière moi. Les fourmis partaient dans le sens inverse. Elles s'enfuyaient. Alors l'averse de fruits s'arrêta. Ma vue se brouilla. Tel un aveugle, maladroit, j'avançai en trébuchant. Soudain quelque chose faillit m'assommer et vint s'écraser au sol produisant un bruit électrique plaintif. Je m'accroupis près de l'objet fumant. Malgré le voile de brouillard qui affectait ma vue je crus distinguer un drone. J'étais dans l'incompréhension. C'est alors que des silhouettes sautèrent des arbres. J'essayai tant bien que mal de me relever. Mon cœur s'accéléra. Il y en avait plusieurs, une dizaine. Je dégainai un poignard. J'étais à l'affût. Ils m'encerclaient, se rapprochant petit à petit. Mon cœur cognait dans ma poitrine. Ce que je n'avais pas remarqué c'est que j'avais les jambes en sang. De plus les fourmis semblaient m'avoir injectées comme un venin, maintenant je m'en apercevais, qui courait le long de mes veines. De plus ce sentiment de vertige venait sans doute des fruits écrasés au sol. Ils avaient dû dégager une substance qui avait fait fuir les fourmis. Une silhouette s'avança vers moi. Je reculai menaçante et je m'effondrai. Je me retrouvai les genoux et les mains au sol. Tout tournait. Je perdis connaissance.

2 jours 12 heures

Je me réveillai lentement avec un fort mal de tête. J'ouvris les yeux, j'étais dans une tente ou plutôt un tipi. La première chose qui me vint à l'esprit est que je devais retrouver mon sac. J'étais allongée sur un lit ou devrais-je dire ligotée à un lit fait de branches et de feuilles. Il était fabriqué avec une incroyable ingéniosité comme tous les objets de cet endroit. Quelques meubles en bois très simples mais utiles étaient disposés et servaient à ranger différents ustensiles tel que des bols, des assiettes... Où avais-je atterri ? Les cordes liaient mes mains et mes pieds de sorte que je ne pouvais bouger. C'est alors que deux hommes entrèrent, des indigènes qui me saisir pour m'emmener hors de l'habitat. Je n'opposais pas de résistance. Mais je manquai de crier quand ils me saisirent mon bras gauche. Je fixai ma blessure au bras qui s'était ré-ouverte et suintait. Merde c'était rouge violet et gonflé. La lumière du jour m'aveugla et accentua mon mal de crâne. Je ne distinguai d'abord rien. Puis en plissant les yeux, je découvris une chose qui me coupa le souffle. Un village d'indigènes dissimulé dans la forêt. Les tipis se confondaient en buisson, je faillis ne pas apercevoir les cabanes dans les arbres. C'était impensable. Était-ce fait exprès ? Aldrick avait-il prévu qu'un groupe d'indigènes vienne me sauver comme une sorte de bonne étoile. Je les observai. Non. Ils ne portaient aucune marque de la civilisation. Ils étaient à moitié nus, tous. Ils avaient la peau mate, rouge presque. Leurs bijoux, leur maquillage si caractéristique les faisaient passer pour inhumains. Ils étaient si singuliers avec leur bouche trop grande, des immenses annaux dans les oreilles. Je ne pensais pas que ce genre de civilisation existait encore. Mais au cœur de l'Amazonie, le seul endroit encore à l'écart des hommes, tout était possible. Ce n'était qu'une coïncidence. Ça ne pouvait être qu'une coïncidence. Aldrick n'aurait jamais laissé ces individus ici, altérés son jeu. Ils m'avaient sauvée des fourmis... mais comment allaient-ils réagir maintenant ? Un vague de peur me traversa. Ils se mirent à parler bruyamment entre eux dans un dialecte qui m'était incompréhensible. Leur chef s'avança vers moi. Je le remarquai à sa carrure plus imposante, son maquillage si effrayant, sa coiffe de plumes mais surtout à sa peau de jaguar. Il me fixa, je détournai les yeux de peur de le vexer ou de l'offenser. C'est alors qu'il cria d'un son fort et presque animal. Tous les indigènes s'agitèrent. Je fus à nouveau traînée. J'essayai d'analyser la situation, je ne savais pas comment réagir. Aucun drone ne volait au-dessus de nous, cela confirmait mon hypothèse, ce facteur n'était pas prévu par le général Aldrick. Je décidai de voir ce qui allait suivre pour cette raison. 

Ma Pierre de luneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant