Chapitre 19

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C'était le jour J. Je devais quitter le centre d'entraînement vers 16h, pour rejoindre le palais présidentiel où se tiendraient les discours avant la première épreuve. Simon m'avait dit qu'au moment où je sortirai de l'aile 5, je serais en permanence filmée. De plus je devrais expliquer l'entraînement reçu devant la France entière ; le but étant selon Simon de permettre à la population de cerner les candidats. Ils effectuaient ensuite les paris espérant gagner de l'argent. L'avantage pour nous était que plus nous obtenions de paris plus nous recevions d'argent pour notre famille. Une partie de ces paris était en effet à destination des familles de candidats. D'où l'objectif de paraître à son avantage lors de ce discours. Soudain Simon frappa à ma porte, il l'entrebâilla et lança :

-Alors prête ? C'est l'heure Elea.

Je sortis de ma chambre, je n'avais pas d'affaire à emmener. Deux sbires avaient pour rôle de transporter tout mon matériel nécessaire. Une voiture noire nous attendait en sortant du centre, semblable à celle qui m'avait déposée ici. Je m'installai à l'arrière suivie de Simon. Puis la voiture démarra. Simon commença :

-Il faut que je te dise Elea, je me suis informé des dernières nouvelles concernant le système. Les choses ont beaucoup changé. Puis il baissa la voix de crainte d'être entendu des deux officiers à l'avant:

-Ça va mal, très mal. Les pays européens ont abandonné l'Angleterre pour suivre l'arachnide. Aldrick a toujours de plus en plus d'influence, le peuple est terrifié.

-On ne peut rien tenter ?

-Non. Rien. Dès qu'une partie de la population se révolte, ils sont exécutés ou dans le meilleur des cas emprisonnés dans "la prison-garde".

-Qu'est-ce ?

-C'est le nom donné à l'ensemble des centres de prison créés par Aldrick ces derniers mois. Des milliers Elea, des milliers de personnes sont enfermées, séparées de leur famille.

Soudain je repensai à la révolte à laquelle j'avais assisté avant la 3e sélection, puis à toutes ces personnes dans la rue que j'avais croisées. J'eus peur.

-Et ma famille ?

Simon me fixa :

-Je, je n'ai pas d'infos sur elle. Désolé.

J'acquiesçai. Il continua :

-Les écarts entre les populations se sont creusés de façon effrayante. Comme tu t'en doutes le chômage est à son apogée. Certaines familles n'ayant plus d'espoir rejoignent les "Exclus".

-Les Exclus ?

Il soupira :

-Oui Aldrick a consigné la population en trois classes. Les Exclus, ce sont ceux qui ne peuvent plus payer leur loyer et s'installent dans la rue. Ils vivent dans une grande pauvreté et dans des conditions précaires.

-Quelle part de la population cela concerne ? demandai-je inquiète.

-Environ un quart.

-Un quart !

Mon angoisse redoubla. Qu'aurais-je donné pour revoir ma famille une dernière fois.

-Ensuite on retrouve dans la majorité "Les Conformes", ceux qui ont encore leur travail et subviennent tant bien que mal à leurs besoins.

-Et la dernière ?

-La dernière...

Il fronça les sourcils.

-Ce sont "Les Soutiens". Les plus riches, "Les Suiveurs" comme les Exclus les appellent. Ils sont assez nombreux à lécher les bottes du système pour bénéficier de ses privilèges. Ce sont eux principalement que tu verras autour de l'avenue.

Il tourna quelques instants la tête :

-Regarde, on y est.

On arrivait sur l'avenue. D'autres voitures vinrent se joindre au cortège, sans aucun doute celles des candidats, elles étaient 20 en tout. Puis ma vue s'arrêta sur la procession qui s'avançait vers nous. Des centaines, il y avait des centaines de soldats, ainsi que des chars, des machines de guerre. Ils se séparèrent pour nous laisser une voie libre. Simon déclara :

-Je vois, Aldrick souhaite montrer sa puissance militaire au monde entier on dirait.

Je m'étais redressée sur mon siège essayant de distinguer les candidats à travers les vitres, sans résultat. Nous passâmes devant l'arc de Triomphe puis le défilé militaire laissa place à une foule de personnes gesticulant en tous sens. Je remarquai des journalistes avec leur micro et leurs caméras braquées sur nous. Et puis « le peuple ». Il me sembla différent, tous portaient des habits de valeurs, brillants presque. "Les Soutiens", pensai-je. Nous arrivâmes devant le palais. Une estrade était montée juste devant et une foule de personnes était rassemblée autour. J'étais de plus en plus stressée.

-Tu m'accompagnes Simon hein ?

-Oui chaque mentor doit être présent durant le discours de son participant. Mais je ne te retrouverai que sur scène, ils doivent te préparer avant.

Voyant mon inquiétude il ajouta :

-Respire Elea tout ira bien.

-Ils ? Que suis-je censé dire Simon ? Que tout ça n'est qu'une mascarade, que des gens vont mourir ?! J'ai envie de faire comprendre aux gens que tout est faux !

Simon écarquilla les yeux :

-Regarde-moi Elea.

De ses doigts il tourna ma tête.

-Je connais tes convictions mais ne dis rien. Tu ne dois pas t'opposer. Tu m'entends ! Montre-leur que tu es une petite fille gentille. Tu ne sais pas de quoi ils sont capables. Compris ?

-Oui.

-C'est moi même qui ait choisi ton costume. Il est important que tu te montres coopérative surtout face au peuple.

A ce moment la voiture s'arrêta.

-Allez on se retrouve sur scène, finit-il par me dire.

Un officier ouvrit la porte et je sortis. Il me tira ensuite précipitamment vers une entrée secondaire du palais de l'Élysée. J'entrai donc suivi des autres participants. Je reconnus soudain le gars typé asiatique qui avait aidé un petit garçon à se cacher lors de la sélection. Il me fixa de ses yeux bruns puis détourna la tête. Je cherchais toujours Arellys mais je ne la vis pas. La plupart des autres candidats avaient changé, ils semblaient plus forts, plus musclés. J'avais sans doute changé moi aussi, sans m'en rendre compte. À peine étais-je rentrée dans le bâtiment qu'une dizaine de personnes s'affairèrent à me débarrasser de mes bagages. Ils me conduisirent ensuite dans une petite loge où ils me déshabillèrent, me lavèrent avant de me présenter une robe. Magnifique. Elle était bleu pâle avec des reflets blancs, brillants. Je me laissai faire et je l'enfilai malgré mon envie de leur dire que je n'aimais pas particulièrement les robes. Elle était décolletée et se resserrait ensuite autour de la taille. Elle était longue de sorte qu'elle traînait par terre. Un homme voulut me coiffer en chignon mais je l'interrompis :

-Je préférerais avoir les cheveux détachés.

-Très bien. Vous voulez quelle sorte de maquillage ?

-Le plus naturel possible.

Quelques instants plus tard il déclara :

-Vous êtes magnifique, la robe fait particulièrement ressortir votre collier.

J'effectuai un sourire forcé, je détestais le fait de me comporter comme quelqu'un que je n'étais pas. On aurait dit un conte de fée dans lequel les princesses se préparaient à un bal. Un bal bien particulier pensai-je...

Ma Pierre de luneحيث تعيش القصص. اكتشف الآن