Chapitre 7

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Je me réveillai, le soleil venait de se lever. J'éprouvai à nouveau de l'angoisse en me rappelant les événements de la veille. Je descendis dans le salon sur la pointe des pieds. Mon père était assis sur le canapé, le regard fixé sur la tablette. Il remarqua ma présence et me lança un regard attendri. Je m'assis à ses côtés. La chaîne info passait en boucle les dernières nouvelles. La France avait reçu plusieurs messages d'avertissement contre le concours, principalement d'Angleterre et de quelques pays européens. La Chine au contraire soutenait le projet et proposait des aides financières. L'Amérique, elle, était en pleine période d'élection présidentielle. Elle ne prenait donc pas position quant à l'évènement.

-Si un partisan du système arachnide est élu là-bas nous sommes perdus, dit mon père.

J'acquiesçais tristement. C'est alors que je remarquai une lettre dans sa main. Je la pris et retirai le document. C'était la liste des sélectionnés. Je cherchai mon nom, un chiffre était inscrit en dessous : n°37. J'étais résumée à un chiffre, un chiffre qui allait servir aux paris, à gagner de l'argent ! Mon père retira doucement la lettre de mes mains.

-Elle ne sera pas nécessaire.

Et il la déchira. Des coups violents frappés à la porte nous firent sursauter.

-Va chercher ton sac ! s'écria-t-il.

Je courus vers les escaliers jusqu'à ma chambre. J'attrapai mon sac à la va vite. Mes sœurs se réveillèrent et sortirent de leur chambre. Elles m'enlacèrent et je fis de même. J'entendis des éclats de voix depuis le rez-de-chaussée. Nous descendîmes les marches, moi en tremblant. Soudain, à l'angle des escaliers, un officier apparu en uniforme noir et m'empoigna par le bras. J'étais horrifiée. Il m'entraîna vers la porte d'entrée. Ma mère était à côté et essayait de calmer mon père.

-Lâchez-la ! cria-il les dents serrés.

-Nous avons pour ordre d'emmener tous les sélectionnés, répondit l'un des deux officiers.

Je sentais que mon père était prêt à les frapper. Mais s'il le faisait il irait en prison et condamnerait la famille.

-Pa ! Ça va ne t'inquiète pas ! dis-je.

Et alors que je passais le palier, je lui dis :

- Quoi qu'il se passe, promet moi de ne rien tenter contre eux. Pour les filles, pour maman.

Je n'entendis, ni ne vis sa réponse. On m'installa à l'arrière d'une voiture noire aux vitres assombries. Serait-ce la dernière image que j'aurais de ma famille ?

Les sièges de la voiture étaient en cuir noir, un tissu soyeux les recouvrait. Cela révélait le goût prononcé du gouvernement pour le luxe. J'étais séparée des conducteurs par une vitre en verre. La technologie de l'automobile dépassait tout ce que j'avais pu voir. Le sbire assis au volant lisait. C'était donc une voiture programmée pour arriver à Paris, la capitale, le lieu de la dernière sélection. Je quittai mon quartier, une banlieue d'une petite ville. Nous roulions sur un chemin en terre nous éloignant de la ville lorsqu'une vive lueur attira mon regard. Une grande bâtisse, sans doute un entrepôt avait pris feu. De nombreuses personnes s'affairaient à essayer de contenir les flammes. C'était peine perdue. J'observai alors où je me trouvais. Nous passâmes devant des maisons délabrées, des caravanes, et de nombreux entrepôts délaissés. Des personnes devant les portes des habitations, habillés pauvrement observaient notre cortège. Des enfants jouaient dans la boue près d'une vieille voiture toute rouillée. Cette vue me frappa. Ma famille et moi vivions dans des quartiers moyens mais qui paraissaient luxueux à côté de cet endroit. J'avais honte de mon ignorance, de ma chance. Personne n'était là pour les aider, le système les mettait de côté, les repoussait. La voiture s'engagea ensuite sur une énorme autoroute vers la capitale. Je posai ma tête contre la vitre et j'observai le paysage défiler.

Des cailloux lancés contre la vitre de la voiture me tirèrent de mes pensées. Nous étions en plein cœur de Paris. Plus exactement en plein cœur d'une manifestation contre la faim. Pas exactement l'endroit rêvé pour passer inaperçu. J'imagine que la longue voiture noir et luisante où j'étais devait faire tâche. Des hommes brandissaient des bâtons et des pancartes. Certains étaient même masqués et paraissaient nous insulter. Je ne pus entendre ce que mes deux officiers disaient mais ils semblaient agités. Ils avaient dû mettre au courant le système car peu après un char de guerre apparu. Les hommes et les femmes apeurés reculèrent laissant le champ libre à la voiture. Alors que nous nous éloignons, l'escouade de secours arriva. Des militaires armés fendirent la foule en donnant des coups aux manifestants. Certains essayèrent de se défendre mais ils furent vite dépassés par le nombre. Je vis du sang, des hommes à terre, battus. Des détonations ainsi que des cris vinrent se mêler au cohue général. J'étais choquée et horrifiée. Alors c'était ainsi que toute révolution finissait. Écrasée. Supprimée.

La voiture débarqua dans un immense stade qui avait dû servir à des matchs de football. Des installations en prévision de la 3e sélection avait déjà été mises en place. Des caméras étaient installées de part et d'autre des tribunes. De nombreuses personnes s'affairaient apparemment à l'organisation. Je me demandais en quoi pouvait bien constituer cette dernière sélection, dans un stade de foot qui plus est ! On me fit descendre de la voiture où d'autres limousines noires stationnaient. D'autres candidats, comme moi, se dirigeaient vers ce qui semblaient être les vestiaires. L'étonnement laissa place à la curiosité. Je dévisageai les autres adolescents. Ils me semblaient tous être costauds et athlétiques. Tant mieux, pensai-je. Soudain un cri bestial résonna dans tout le stade. Tous sursautèrent et je vis des visages de candidats d'abord sereins, douter et se glacer d'effroi. J'étais moi-même surprise. Les deux sbires à ma charge passèrent devant plusieurs portes puis me laissèrent devant celle qui portait le chiffre 5 et déclarèrent :

-Numéro 37.

Une femme cocha mon nom et me fit signe d'entrer.

Ma Pierre de luneWhere stories live. Discover now