Chapitre 34

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0 jour 6 heures

Je me tournai vers le chef indigène. Il remit en place sa peau de jaguar et leva le menton. Il pointa le doigt vers le nord et ajouta « Bramfaia ». J'acquiesçai.

–Je vais gagner contre Bramfaia. Sans attendre sa réaction je choisis l'un de mes plus précieux couteaux et lui tendis en murmurant respectueusement :

–Amaya. 

Puis ils partirent sans se retourner. J'analysais ce qui allait suivre. Cette clairière ne m'inspirait aucune confiance. Je n'avais plus de carte, je n'avais aucune idée d'où j'étais. Mais je pressentais que la porte d'arrivée n'était pas loin. Il le fallait. Je regardais le chronomètre. Seulement 6 heures restantes. Mon bras ne me faisait presque plus mal. La plante utilisée était miraculeuse. La clairière s'étendait à perte de vue. Il n'y avait pas âme qui vive. J'étais légèrement à l'ouest par rapport aux autres. Cela m'aurait étonné que Mino et les autres aient déjà dépassé la clairière. J'étais sûre qu'ils n'étaient pas loin. Soudain comme pour confirmer mes soupçons, une silhouette s'avança prudemment sur l'endroit à découvert. Un espoir illumina mon regard, c'était peut-être eux. Mon cœur se serra à l'idée de voir Mino. Soudain une deuxième silhouette en tout point similaire s'avança. Je reconnus alors les deux jumelles, Cannelle et Victoire. La déception me fit grimacer mais j'en eus vite honte. Les deux filles s'avançaient sans que rien ne se passe, pas de piège. C'était bon signe. Et puis une autre silhouette sortie de l'ombre, Baptiste, il avait conservé une carrure imposante malgré le fait qu'il soit bien plus maigre. Comme tous. Célia suivait de près son compagnon. Ah. Elle avait réussi à arriver jusque-là même si elle semblait plutôt mal en point. Le dernier couple de ce groupe s'avança, Kenzo et Amandine. Où était mon groupe ? Je ne savais pas ce qui s'était passé depuis que nous nous étions dispersés. Au moment où j'allais poser un pied dans la clairière, une autre silhouette surgit de la forêt en boitillant. Avant que je puisse l'identifier deux autres groupes de deux sortir à deux endroits opposés. Ils étaient tous là. Maé et Arthur ensemble, ainsi que Mino et Antonin. Arellys avait manifestement fait route seule et était blessée. À leur vue, mon cœur explosa de joie et je sortis de la forêt en courant. Je reconnus distinctement la silhouette de Mino, ses épaules carrées, ses muscles saillants, son sourire triomphant avec ses fossettes irrésistibles. Avant de me jeter dans ses bras je devinais une lueur de peine, de fatigue dans ses yeux qui n'était pas là avant. Antonin avait ce même regard mêlé de surprise et de joie. Nous nous étreignîmes tous les trois rejoints par Arellys, Maé et Arthur quelques secondes plus tard qui arrivèrent en courant. Serrés les uns contre les autres, l'émotion était palpable. Mais nous avions plus urgent à faire. Je me dégageai. Mino me prit par les épaules et m'embrassa délicatement.

–Mais où étais-tu passée ? J'ai cru que tu ne nous rejoindrais jamais, dit-il d'une voix remplie d'émotions.

–J'ai rencontré... je m'arrêtai, je voulais tout lui raconter, tout lui confier. J'observais les quatre drones tourner autour de nous. J'espérais ne pas compromettre leur existence en les mentionnant.

–J'ai rencontré des indigènes, ils m'ont aidé.

Antonin se tourna vers moi et observa la peinture sur mon visage. Arellys s'avança vers moi je lui serrai le bras. Je crois que c'est au moment où l'on a failli tout perdre qu'on se rend compte du prix de ceux que nous aimons vraiment. Je lançai la question qui me brûlait les lèvres depuis le début :

–Que s'est-il passé ? Que vous est-il arrivé ? 

Ils avaient l'air d'avoir tant de choses à dire tout comme moi. Arthur prit la parole :

–Après que toutes les fourmis se soient mises à ta poursuite nous étions dispersés. Je te dois une fière chandelle.

–Nous tous, corrigea Maé dans un sourire. J'ai réussi à retrouver Arthur rapidement.

–J'ai également rejoint Mino, renchérit Antonin après plusieurs heures à le chercher. Tu ne peux pas deviner dans quel état il était. Il n'arrêtait pas de crier et de gesticuler en criant ton nom. 

Mino esquissa un sourire timide. Arellys amusée redevint vite sérieuse :

–Peu de temps après les fourmis, la forêt s'est chargée d'un épais nuage de poussière ou de sable. C'était horrible j'en avais partout, dans les cheveux, les yeux, la bouche. J'ai cru que j'allais m'étouffer alors j'ai pris un mouchoir pour respirer. Ça m'a probablement sauvé la vie mais ça n'a pas empêché de tomber nez à nez avec un jaguar. Je m'en suis sortie mais elle désigna sa jambe :

–Il y a ça. 

Je m'accroupis vers elle. Comme moi lors de la troisième sélection de profondes griffures zébraient sa jambe. Je grimaçai.

–Quelqu'un aurait-il encore de l'antiseptique ? demandai-je.

–J'ai fini d'utiliser le mien, dit Maé. 

Je cherchais alors la plante rouge.

–C'est le remède qu'ont utilisé les indigènes pour soigner ma plaie. 

Je pris un bout de sparadrap qui me restait et entreprit de faire un bandage à Arellys. Pendant ce temps-là Mino déclara :

–Nous aussi on a eu à faire au nuage de sable. Nous étions complètement désorientés. Heureusement que j'avais toujours la boussole.

–À ce propos, je répondis. J'ai tout perdu, tout, mon sac avec la carte. 

Maé et Arthur aussi, ils les avaient abandonnés lorsqu'ils avaient dû traverser un torrent.

–J'ai toujours la mienne et si mes calculs sont bons nous sommes à un peu moins de 10 kilomètres de la porte d'arrivée, déclara Arellys.

Nous fûmes plusieurs à pousser un cri de soulagement et de satisfaction.

–Je ne sais pas vous mais cette clairière ne m'augure rien de bon. Qui sait quels pièges y sont encore cachés. 

Ça me paraissait louche également tout ce calme. Antonin ajouta à nouveau :

–On devrait se dépêcher alors il ne nous reste plus que 5 heures.

Nous acquiesçâmes. Je regardai à l'horizon.

–Le groupe de Célia a quelques mètres d'avance. 

Ils nous avaient d'ailleurs remarqués. Six en tout, comme nous, regroupés et manifestement en grand débat. Célia faisait de grands gestes. Je me rappelais alors l'objectif de ce concours. Arriver en premier. Je ne savais ce qui allait arriver une fois que nous serions devant la porte d'arrivée. À quel point serons-nous prêts à aller pour être le premier ? Aldrick avait dit que les premiers seraient avantagés, les derniers seraient pénalisés pour la deuxième partie du concours. Que cela signifiait-il ? Je laissai ces questions en suspense. Pour l'instant l'objectif était de dépasser le groupe de Célia qui s'était remis en route.

–Allons montrer au monde qui sont les meilleurs, ajouta Antonin en me donnant une tape sur l'épaule. J'étais de cet avis. Nous nous mîmes à courir à très vive allure sachant la fin proche.

Ma Pierre de luneWhere stories live. Discover now