Chapitre 27

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Ça faisait maintenant presque trois jours que nous courions à travers la forêt en suivant toujours la même trajectoire vers le nord. Nous avions parcouru tellement de kilomètres que je ne comptais plus. Heureusement personne n'avait lâché car nous aurions été obligés de l'abandonner. Il fallait rattraper le temps perdu si nous voulions arriver à temps. Je culpabilisais d'avoir laissé des candidats derrière. Mais ce qui s'était passé m'avait ouvert les yeux. Il fallait survivre avant tout. Nous alternions entre marche et course, ponctué çà et là de brèves pauses, jamais plus de 20 minutes. Nous ne dormions pas assez non plus. Le pire c'était quand nous voulions avancer de nuit, on n'y voyait rien. Nous chassions tant bien que mal ratant 8 fois sur 10 notre proie, manque de discrétion, je pense. Je vérifiais souvent que ma plaie au bras ne s'infectait pas, ça signerait mon arrêt de mort. Arellys était une battante, c'est elle qui nous motivait à avancer quand on ralentissait. Antonin était d'une aide précieuse pour la chasse, seul lui pouvait attendre des animaux de loin avec son arc sans être repéré. Quant à Arthur et Maé c'était les plus discrets mais j'appris peu à peu à les connaître et c'était de loin les plus malins. Ils perfectionnaient nos pièges et trouvaient tout le temps des solutions aux petits problèmes embarrassants. Quant à Mino...c'était mon rayon de soleil. Il me faisait rire dans des situations si graves. Lorsque je me disais que ce concours ne rimait à rien, lorsque le manque de ma famille m'angoissait, il était là. On se motivait mutuellement. Il y avait un lien fort qui nous unissait, je ne saurais dire quoi. Au final tout le groupe était soudé. Et il le fallait, pour survivre nous avions besoin des uns des autres.

3 jours 5 heures

Il faisait toujours aussi chaud lorsque nous arrivâmes au bord d'une falaise. Nous avions parcouru la moitié du parcours, je l'espère, et nous étions dans les temps. Nous nous arrêtâmes haletant. La falaise s'arrêtait soudainement laissant place à un grand vide. Nous nous approchâmes prudemment du bord. Au fond du ravin, très profond, un torrent s'écoulait. J'avais même du mal à le distinguer. Ça me donnait le vertige. Je reculai, soucieuse.

-Ce n'est pas possible que nous ayons un ravin sur notre parcours ? râla Arellys.

-Il est impossible de le traverser, ajouta Mino.

-Belle conclusion mon pote, répondit Antonin avec ironie.

-Il faut absolument qu'on trouve un passage, me lamentai-je. 

Nous marchâmes le long de la falaise, dépités. De l'autre côté du précipice, la forêt recommençait et semblait même plus dense. Le ciel était orageux. Des nuages commençaient à couvrir le ciel bleu. Mino me prit par le bras.

-Viens par ici, il doit bien y avoir un moyen. 

Nous longions le bord de la falaise. Ce fut Maé qui le vit en premier.

-Là ! un pont ! Je le vois !

Nous regardâmes tous dans cette direction. Sauvé... pensai-je. Nous nous approchâmes rapidement et nous fûmes bien vite déçus de ce qui s'offrait à nous. C'était bien un pont, ou plutôt un tas de planches en bois moisies reliées entre elles par des cordes à la solidité douteuse. Et comme pour nous effrayer encore plus, un vent se mit à souffler, faisant tanguer dangereusement le pont. On avait l'impression qu'il allait s'écrouler d'une minute à l'autre. Et ce ne fut qu'à ce moment que la réalité revint nous frapper de plein fouet. Un objet noir tomba du ciel en sifflant avant de s'écraser à nos pieds. Mino s'approcha et déclara :

-C'est, c'est un drone.

-Un drone ? m'exclamai-je.

-C'est comme s'il avait eu une panne de carburant.

Nous levâmes tous la tête en même temps. Et nous les vîmes, des dizaines de drones nous survolant. Zoomant probablement sur nos visages déconcertés. Alors c'était comme ça qu'ils nous filmaient... Nous ne les avions pas remarqués plus tôt car ils étaient probablement dissimulés parmi les arbres. Nous avions oublié que nous étions filmés 24h sur 24. Que ce concours n'était qu'un divertissement. Et c'est un sentiment insupportable que de savoir que des milliers, des millions de personnes nous regardaient. Elles nous observaient survivre comme on observe un lion effectuant son tour dans un cirque ; se réjouissant, poussant des cris de stupeur comme devant un film. Mais ce n'était pas un film. Et ça m'était insoutenable. Je pensais à mes sœurs regardant ça, ma famille, mes amis, Simon, et Lanster... Comme pour nous provoquer les drones descendirent et s'arrêtèrent juste au-dessus de notre groupe, nous survolant de près. Je pris une pierre par terre, pris mon élan et la projeta de toutes mes forces sur un drone en criant :

-Dégagez !

L'objet vacilla sous l'impact avant de tomber en chute libre et il s'écrasa au sol. Immédiatement les autres engins reprirent de la hauteur. J'observai la réaction des autres. Mino serrait les poings, Arellys se mordait la lèvre.

-C'est ça partez ! ajouta-t-elle.

Je savais ma réaction puérile, je perdais trop vite mon sang froid. Et comme pour saluer cette entrevue il se mit à pleuvoir.

-À quel moment croient-ils que nous allons traverser ça ? C'est du suicide ! cria Antonin pour couvrir le bruit de la pluie qui s'intensifiait.

J'observai le pont, puis les bords de la falaise. L'évidence me frappa, nous allions devoir traverser, nous n'avions pas d'autres solutions.

Ma Pierre de luneWhere stories live. Discover now