T.2 | Chapitre 11

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Hillmore University, Angleterre

Jeudi 1er février

[Soren]

Je somnole, perdu entre mes rêves et l'éveil, cette phase si fragile du sommeil. J'entends comme un froissement de drap, puis une porte s'ouvrir. Plusieurs petits bruits s'intègrent dans mes pensées troubles, dirigées par cet état de demi-conscience. Soudain, un fracas m'y arrache pour me ramener complètement dans la réalité. Je sursaute, le cœur battant, et me redresse d'un coup.

Je fronce les sourcils, à présent pleinement conscient. Nous sommes au beau milieu de la nuit et dans la chambre, il n'y a aucune autre source de lumière que le fin filet brillant qui s'échappe par l'embrasure de la porte de la salle de bain. Je tourne la tête et constate que Kate n'est pas dans son lit. Interpellé par le tapage que je viens d'entendre, je me lève et me dirige jusqu'au battant.

— Kate, je peux rentrer ?

Je ne voudrais pas la surprendre sur le cabinet. Depuis que son ex a débarqué sur le campus, le week-end dernier, elle est plus distraite que d'habitude. Depuis quatre jours, je vois bien que son humeur a changé. Elle s'efforce de répéter qu'elle va bien, que ça ne l'atteint pas, qu'elle est passée à autre chose, ce ne sont que des mots qui servent à la convaincre elle-même. Moi, je ne suis pas dupe. Je n'ai jamais connu sa situation, mais ça me paraît évident qu'on ne se remet pas d'une telle trahison aussi facilement. Voir cette fille débarquer depuis la Suisse juste pour la rabaisser et prétendre que c'est son comportement à elle le problème m'a sidéré.

Kate tente tant bien que mal de tourner la page, ce qui est admirable. Elle refuse de se morfondre pour une personne aussi abjecte, ce que je comprends. Toutefois, elle refuse également cette partie d'elle qui a été blessée.

De toute façon, que veux-tu qu'elle fasse ? Seul le temps guérira cette profonde blessure, me souffle une voix intérieure. À moins qu'elle ne trouve quelqu'un qui l'aide à la refermer.

Je chasse cette dernière pensée et me reconcentre sur la porte. Je n'ai eu aucune réponse à ma précédente question.

— J'entre, dis-je.

Je retrouve ma coloc debout dans son pyjama trop large, les mains relevées devant elle et un miroir portatif de la taille d'une petite assiette brisé à ses pieds. Elle le fixe, la mine décomposée et la bouche entrouverte. Cette scène me serre la gorge de tristesse.

— Kate ?

Elle ne réagit pas et continue de fixer l'objet fracassé.

— Hé.

Je pose ma main sur son épaule. Elle relève lentement les yeux vers moi avant de les baisser aussitôt. Le rouge qui lui monte aux joues m'informe qu'elle se sent honteuse. Elle n'a pas à être gênée. Elle sait que je ne la jugerai pas. Je pensais que ce point était clair entre nous.

Tout à coup, la sensation d'elle blottie dans mes bras l'autre jour revient m'envahir. Je ressentais un bien-être étrange et, pendant une demi-seconde, j'ai eu envie de la protéger du monde. C'est elle qui s'est écartée la première avant de s'éloigner en silence. Je n'ai rien dit, respectant son besoin de s'isoler.

Afin qu'elle ne se blesse pas, je m'accroupis et ramasse le miroir. Il s'est brisé en six grosses parties. Il faudra malgré tout passer un coup de balai. Je n'ai pas envie que l'un de nous marche sur un petit morceau tranchant à peine visible.

Je me relève, la casse en main. La rouquine pose sur moi un regard indescriptible, comme si j'étais le prince charmant qui venait de ramasser son cœur brisé et que j'étais celui qui était déstiné à le réparer. La métaphore m'arrache un rire nerveux qui la fait ciller. Je me sens obligé de me justifier :

PERFECT ENEMIES [T.1 & T.2]Where stories live. Discover now