Chapitre 14

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Hillmore University, Angleterre

Dimanche 8 octobre

[Evelyna]

Je fixe la statue d'ange qui me fait face. Dressée sur son socle de granite, elle écarte les bras pour inviter les âmes en peine à s'y réfugier.

« À ceux qui ne sont plus » est-il inscrit sur la pierre, à la mémoire de tous les défunts.

Je me baladais dans le vaste domaine du campus lorsque je suis tombée sur cette sculpture envoûtante. Je me suis arrêtée pour l'observer et, immédiatement, l'absence de mon père m'a percutée. Bien que mon deuil soit fait, il me manque encore. Je crois que le vide créé par sa disparition ne se comblera jamais. L'amour familial que j'ai pour lui est gravé dans mon cœur comme cette citation est gravée dans la roche.

Les événements de ces derniers jours me rendent plus faible, plus émotive. Mon armure se craquèle et permet à chacun de mes tourments de m'empoisonner les veines. La perte de mon père n'y fait pas exception. J'aimerais me blottir contre lui et ressentir ce sentiment de bien-être que lui seul me faisait ressentir.

C'est faux. Il y a une autre personne.

Je me remémore l'étreinte de Zayn, ses bras forts autour de moi, son corps chaud contre mes membres glacés. Rien que d'y penser, une chaleur réconfortante fait frémir ma peau. Ce n'est pas la première fois qu'il m'enlace, il l'avait déjà fait lors de l'épisode du cadavre de serpent, mais il était dans mon dos.

Là, c'était différent. Il m'a fait un câlin. Pour me consoler. J'ai dû mal à y croire.

Sa langue a déjà voyagé entre mes jambes, mais il n'avait rien d'intime, tandis que son étreinte l'était. Au-delà du sens littéral, je me sentais proche de lui. J'ai eu honte de lui dévoiler ma vulnérabilité. Ça faisait longtemps que je n'avais pas craqué. À ma grande surprise, il ne l'a pas utilisée contre moi. D'habitude, c'est toujours ce que les gens font. J'ai appris avec le temps que pleurer et se montrer touchée en public attise encore plus les moqueries.

Malgré mes barrières, malgré mes années d'expérience, les murmures circulant dernièrement dans les couloirs ont réussi à me faire flancher. J'ignore quelle atrocité se répand à mon sujet, mais les regards des étudiants à mon égard sont encore plus méprisants.

Je n'ai pas arrêté de me repasser chacun de mes gestes, cherchant désespérément quelle erreur j'ai commise. Quelle cartouche leur ai-je donnée pour qu'ils puissent me tirer dessus de façon encore plus violente ? Je regrette déjà les œillades discrètes que je recevais à cause de ma cicatrice.

Zayn en a parlé au directeur, ça me terrifie. Si ce dernier entreprend quoi que ce soit, ça me retombera dessus, comme à chaque fois.

C'est pour cela que j'ai fini par ne plus rien dire.

Je ferme les paupières et ravale toutes mes pensées sombres. Je force mon esprit à renfiler sa carapace. Après cette année scolaire, il me reste plus qu'un an, après, je pourrais enfin...

Enfin quoi ? Vivre ?

Je n'ai aucune idée du job que je voudrais faire, j'ai choisi des études de commerce et d'économie parce que c'est vaste et ça peut ouvrir de nombreuses portes, mais je n'ai jamais eu de projet de vie. Je vis au jour le jour, ou plutôt, je survis.

On verra bien.

Une main se pose sur mon épaule. Je sursaute et rouvre les yeux. Une grande silhouette se tient à côté de moi, un parapluie dressé au-dessus de nos têtes. Tiens, je n'avais pas remarqué qu'il avait commencé à pleuvoir.

PERFECT ENEMIES [T.1 & T.2]Where stories live. Discover now