PERFECT ENEMIES [T.1 & T.2]

Chapitre 31

Hillmore University, Angleterre

Samedi 11 novembre

[Zayn]

Le nez plongé dans mon bouquin, j'oublie que je suis debout. Un spasme dans le genou m'arrache de ma lecture. Je referme le volume et fais une flexion de jambe en grimaçant.

Mince, ai-je lu si longtemps debout pour que mon corps me rappelle ainsi à l'ordre ?

Je pose mes iris sur la couverture. C'est un ouvrage sur l'histoire de la gestion économique anglaise. J'étais censé le ranger, mais son titre a attiré mon attention. Je me souviens que l'un de mes profs l'a mentionné dans la bibliographie de son cours. À la base, je comptais simplement zieuter quelques pages. De toute évidence, ma curiosité a pris le dessus et mon esprit s'est perdu dans les méandres de l'inflation et la croissance.

J'ai passé la journée à me distraire pour oublier qu'aujourd'hui, j'étais censé partir avec les autres du club à l'université de Durham pour une compétition. J'ai remis mes notes de cours à jour, j'ai terminé quelques devoirs, puis je me suis inscrit comme volontaire pour ranger les livres rapportés à la dernière minute à la bibliothèque. Personne n'aime s'atteler à ce genre de tâche, le samedi soir. Tout le monde a mieux à faire. Si aucun étudiant ne se dévoue, la bibliothécaire et son personnel s'en chargent le lundi matin, avant son ouverture.

Je pousse un soupir et range le bouquin à sa place. Je pousse ensuite le chariot sur lequel reposent encore quelques volumes et me dirige vers le rayon suivant.

Ça ne me dérange pas d'être ici, aujourd'hui. L'ambiance de la vaste bibliothèque, son silence presque solennel et la présence de ses habitants discrets m'apaisent. Je devrais peut-être me porter volontaire plus souvent. Au moins, l'endroit est désert à cette heure-ci.

Tandis que je range machinalement le livre suivant, je remarque que j'ai beaucoup moins fréquenté les lieux ce semestre-ci. Je ne me suis presque jamais rendu dans mon coin préféré, sur les canapés dissimulés par les hautes étagères. Les autres années, j'y passais des heures.

Il y a une raison à cette désertion et elle porte un nom : Evelyna.

Depuis qu'elle est arrivée, je n'ai cessé de me focaliser sur elle. Sans en avoir conscience, j'ai fait d'elle le centre de mon monde, aussi bien en la détestant qu'en l'aimant. Nos différentes péripéties m'ont bien occupé et m'ont fait oublier les heures que je passais ici.

Une fois le tome rangé, je hausse les épaules et secoue la tête. Ça n'a pas d'importance. Les moments que je passe avec Evy sont bien meilleurs. Les pensées ailleurs, je reprends mon rangement.

Soudain, alors que j'allais insérer le dernier ouvrage dans son interstice, un bruit me fait sursauter. Seules les lumières de l'étage sur lequel je me trouve sont allumées. La grande bibliothèque est majestueuse, tel un temple sacré, mais j'admets que dans l'obscurité qui l'enveloppe, le moindre bruit suspect la rend flippante.

— Zayn ?

Je tressaille et fais volte-face. Evy me détaille, un sourcil arqué et la lampe torche de son téléphone activée. Je chasse le pique d'adrénaline qui s'est déversé dans mes veines et adopte une attitude calme.

— Pardon, je ne voulais pas te faire peur, reprend-elle en rangeant l'appareil dans sa poche.

— Tu ne m'as pas fait peur, juste surpris. Que fais-tu là ?

Elle lève la clé, la même qui trône dans mon pantalon et qui me donne un accès à l'endroit en dehors des horaires d'ouverture.

— Je suis venue voir si tu avais besoin d'aide.