Un connard restera un connard

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*HAWKEYE*


Voilà maintenant six heures que je suis dans cet avion de transport, assise sur un siège de fortune le long de la carlingue, entre deux chars. Nous devrions atterrir dans quelques minutes, et il en va sans dire que j'en ai besoin. Je n'ai pas dormi depuis la veille, j'ai eu à peine le temps de prendre une douche que je devais sauter dans l'avion avec mon paquetage. Toutes mes affaires, ordre de l'amiral.

Pourquoi dois-je retourner en Amérique ? Les derniers souvenirs que j'ai là-bas ne sont pas les plus beaux. Une engueulade avec mon père, qui s'est soldé par un départ bien plus rapide de mes vacances à Miramar.

Pas d'amis, pas d'accroche, rien. Je vais me sentir seule, c'est sur. Et ma mère ne sera très certainement pas joignable. Je ferme les yeux, essayant de me reposer quelques minutes avant que l'A400M ne pose ces roues. Il me revient en mémoire les dernières paroles de mon père. « Jamais tu ne deviendras pilote, tu n'en as pas les tripes, tu es bien trop sensible. » Merci, papa, je vois que tu es fière de moi.

J'ai troqué le siège inconfortable de l'avion-cargo d'Airbus pour un Boeing 747 en partance vers San Diego. La classe économique nous parait le grand luxe, nous, les militaires, pilote de chasse, dans nos avions à. réaction avec des sièges limite en bois. Je sais que je vais pouvoir dormir, mes écouteurs greffés sur mes oreilles, Maneskin en musique de fond.

J'ai mal au ventre, alors que mes yeux se ferment. Je n'ai pas envie de retomber sur mon père. Je pourrais devenir méchante. Et aux yeux de l'armée américaine, je ne serais pas bien vu. Je repense à ce petit officier, qui m'a briefé dans l'avion entre l'Afghanistan et la France. Une mission de destruction. Voilà pourquoi je suis envoyé chez les Amerlock. Je n'ai pas trop compris pourquoi. Ils en sont bien capables, on l'a assez vu avec leur F-14 et leur F-18 en Irak quand on faisait joujou ensemble.

Bagages récupérés, assise dans le taxi, j'indique au chauffeur l'adresse de mon père. Comme on dit, la nuit porte conseil. Pour moi, il s'agit plus du sommeil. J'ai envoyé un message à mon paternel. Message simple. « Je suis à San Diego ». Réponse simple. « OK ». Je me dis que de faire le premier pas vers lui ne fera pas de moi une connasse.

Lorsqu'on arrive chez lui, je serre les dents.

Il n'est pas chez lui.

La porte est close.

Je n'ai pas le temps de faire signe au taxi qu'il est déjà reparti.

J'enrage. Je suis dehors, fatiguée, et je n'ai même pas les clés. Auquel cas j'aurais récupéré ma voiture pour regagner la base militaire. S'il ne l'a pas vendue, aussi. Je me dis à l'instant même que j'aurais dû la mettre dans un cargo et la laisser pourrir en France. Elle aurait fait partie de ses trésors que l'on découvre des années après.

Mon téléphone sonne. Ma mère.

-Salut ma fille.

Je comprends qu'elle n'est plus en services, qu'elle est en repos pour me parler aussi familièrement.

-Salut.

Ma voix est froide, je suis dégouté que cet abruti ne m'ait pas prévenu qu'il n'était pas chez lui. J'aurais moi aussi pu lui dire que je venais. Mais au fond de moi, je pensais lui faire une surprise.

-Quelque chose ne va pas.

-Un connard restera toujours un connard.

-Ne parle pas comme cela de ton père.

Je marque un blanc. Elle sait, je ne le supporte plus, je reporte ma rage sur lui. Depuis qu'il m'a dit que je n'avais pas les tripes, je n'attends qu'une chose, lui prouver que je suis capable de le faire tomber. Tomber en Dogfight. Cette rage m'a poussé à devenir ce que je suis. Il tombera en Dogfight un jour.

-En parlant de ton père. Il sait que tu es à Top Gun.

-Bien ! Et il ne pouvait pas me dire « désolé je suis pas là, je suis encore planqué chez une meuf ». Je viens me pointer chez lui, la porte est fermée!

-Dans tous les cas, il veut que tu dormes à la base. Il a ordonné que tu caches ton identité. Il ne veut pas que les autres pilotes ou les instructeurs sachent qui tu es. Tu seras donc seulement ma fille, mais officier pour la France, pas un commandant.

-Pardon ?

J'ai cru mal comprendre. Ma mère est entrain de me retirer mon grade en direct au téléphone. Elle est entrain de me rabaisser au rang de ramasse papier. Je fulmine.

-Tu es entrain de me dire que je viens de me taper Douze Milles putain de kilomètres pour être rabaissée au rang d'officier ?

-C'est un ordre. Applique-le s'il te plait.

Je n'ai pas le temps d'en placer une que ma mère a déjà raccrochée. Prise de rage, j'envoie mon téléphone valdinguer à plusieurs mètres de moi. Ce n'est qu'en comptant les ricochets qu'il fait sur le sol que je me rappelle que je suis perdu en plein milieu de la ville de San Diego, sans personne.

Je marche depuis quinze bonnes minutes maintenant, observant le balai des vagues venant taper contre la digue. Je pensais que l'entrée de la base était juste à côté, je me suis bien trompé. Rabaisser au rang d'officier. Jamais de la vie ils ne me feront ce coup-là ni mon Amiral de mère ni mon connard de père, je m'en fais la promesse.

J'entends un véhicule arrivé, je me dis qu'un peu de stop pourrait me rapprocher de mon objectif et me soulager de quelques efforts supplémentaires.

Le conducteur du 4x4 qui se rapproche à toute vitesse me klaxonne, me saluant. Ce connard à lunette de soleil et en chemise hawaïenne ne s'arrête même pas pour m'aider. Je ne peux que lui répondre d'un bras d'honneur et lui hurler un connard. Lui aussi. Je déteste ce pays.

-Bonjour.

Un homme d'une vingtaine d'années est assis dans le bâtiment de sécurité. Il fixe son ordinateur, une série de zombies défilant sur son écran, ne répondant même pas une formule de politesse.

-Officier ?

Il sursaute, et me fixe d'un œil étrange, me dévisageant moi et mon bagage sous le bras. Je dois faire peur, certainement rouge à cause du soleil, en sueur.

-Oui ?

-Commandante Alexandra Lefebvre. Je suis attendu ici pour une mission.

Il regarde sa liste d'admission. Je vois qu'il tique, avant de me dévisager.

-Commandant ? Je ne vois qu'une officière Alexandra Lefebvre ici, née le 10 mars 1994, nationalité franco-américaine. Ah oui, je vous reconnais, c'est bien vous. Bienvenue chez Top Gun !

Le soldat me tourne son écran, laissant apparaître mon visage avec mon képi militaire français, photo remontant à mon entrée dans l'armée. C'est la douche froide. Mes parents ont osé me rétrograder sans mon accord.

Je suis redevenue une novice dans l'armée !

TOP GUN: LEGACYWhere stories live. Discover now